Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du vendredi 3 novembre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires culturelles

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Mme Brugnera m'a interrogé sur l'éducation populaire, un sujet important et qui justifie, à lui seul, la décision prise par le Président de la République et le Premier ministre de confier à un seul ministre les compétences en matière d'éducation nationale, de jeunesse et de vie associative, ce qui permet des synergies et des articulations. Les décisions prises dans ce domaine montrent un fort appui à l'éducation populaire, soutenue à la fois par le ministère de l'éducation nationale et par la direction chargée des associations. Nous allons renouveler les contrats avec l'ensemble des grands acteurs afin de leur permettre de disposer d'une visibilité financière pluriannuelle, et les animateurs disposeront de moyens budgétaires suffisants.

Pour ce qui est du fonds de soutien aux activités périscolaires, je vous confirme son maintien.

Je suis attaché à la souplesse de l'organisation – dont la concertation actuellement organisée à Nancy est un exemple – et vous connaissez ma philosophie, consistant à faire preuve de pragmatisme et de sens des responsabilités. Les décisions se rapportant à l'organisation des rythmes scolaires sont des décisions complexes qui doivent être prises localement, car elles impliquent de nombreux facteurs : le transport des élèves, l'attente des familles, mais aussi et surtout l'intérêt des élèves. Cette démarche implique qu'à partir du moment où une communauté éducative définit de manière aussi consensuelle que possible une formule qui lui convient, elle bénéficie de l'appui de l'éducation nationale. J'ai souvent entendu des communautés éducatives exprimer l'idée que la semaine de quatre jours convenait aux élèves les plus jeunes, et la semaine de quatre jours et demi aux plus grands – à partir du CE2. Si une telle répartition est retenue localement, qu'elle ne pose pas trop de problèmes d'organisation – je pense aux familles qui ont un enfant dans chacun des deux niveaux – et que, sur le terrain, elle convient à l'immense majorité des acteurs, il n'y a aucune raison de s'y opposer.

Mme Bazin-Malgras a évoqué la question de l'accès à l'école pour les élèves en situation de handicap, ce qui soulève la question du recrutement et de la formation des AVS, ainsi que des personnels qui accompagnent les élèves en situation de handicap. Les quelques problèmes que nous continuons à rencontrer ne sont pas des problèmes de financement, mais de recrutement. La baisse du nombre de contrats aidés soulève deux catégories de questions, relatives d'une part aux bénéficiaires de ces contrats, d'autre part au service rendu. Sur le premier point, tous les postes d'AVS ne sont pas pourvus, faute de trouver une personne pour les occuper – ce qui montre bien que les personnes à la recherche d'un contrat aidé pourraient éventuellement en trouver un dans ce domaine. Il me paraissait important de le souligner, et je vous remercie de m'avoir permis de le faire grâce à votre question.

Sur le plan structurel, nous allons disposer pour la rentrée suivante d'un plan de recrutement totalement rénové, qui aura pour objectif d'aller chercher plus en amont des volontaires pour ces fonctions, mais aussi de mettre en oeuvre une politique de formation plus complète et plus globale des AVS, des AESH et de l'ensemble des professeurs.

La question de M. Cazeneuve sur les internats ruraux et les lycées de la nouvelle chance me donne l'occasion de parler une nouvelle fois du collège de Marciac, dans le Gers, que j'ai visité en août dernier. Il est impressionnant de voir comment, grâce au succès rencontré par le festival « Jazz in Marciac », on a réussi à rendre le collège de la commune à nouveau attractif, et à faire ainsi passer ses effectifs de 80 élèves il y a une vingtaine d'années à plus de 200 aujourd'hui. Il est à souhaiter que tous les établissements confrontés à un problème d'attractivité, en milieu urbain comme en milieu rural, parviennent à y remédier soit grâce aux arts, à la culture ou à tout autre moyen, soit en mettant en place un internat – ce qui est particulièrement pertinent en milieu rural.

Nous devons avoir l'ambition d'un renouveau des territoires ruraux, qui ne profitera pleinement aux élèves que si elle se fait sur un mode offensif – en travaillant au renforcement de l'attractivité, comme à Marciac, et en ouvrant des établissements de la nouvelle chance –, et non sur un mode défensif, consistant à refuser à tout prix de fermer des classes quand les effectifs diminuent. Il y aura donc une volonté politique marquée en ce sens, à la fois pour apporter une solution aux élèves en difficulté et pour remédier à la situation de certains internats dont toutes les places ne sont pas pourvues, ce qui est un gâchis.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, un internat, ce n'est pas quatre murs, un toit et des lits, mais avant tout un projet éducatif, quelque chose qui doit faire envie. L'éducation nationale a ici pleinement vocation à jouer son rôle de ministère de l'immatériel, consistant à concrétiser un projet éducatif par ses actes sur le terrain. Nous avons la volonté d'aller de l'avant, et examinerons tous les projets afin d'encourager les plus pertinents.

J'encourage beaucoup les stages de remise à niveau évoqués par Mme Thill, qui doivent nous permettre d'aider plus efficacement les élèves les plus fragiles. Je suis allé voir comment se déroulent ces stages – notamment en me rendant à Bagnolet – et les premières études dont nous disposons montrent que le dispositif est efficace à certaines conditions : il dépend notamment de l'implication des professeurs concernés. Considérant l'intérêt de ces stages pour les élèves, nous avons augmenté le budget correspondant, en le faisant passer à 35 millions d'euros en 2017 – il était de 15 millions d'euros en 2016.

Si je suis très favorable à la suggestion consistant à inscrire les SRAN dans le calendrier scolaire, qui m'avait déjà été soumise par d'autres députés, j'estime cependant que la question des rythmes scolaires annuels va nécessiter de larges concertations dans les mois à venir. Nous allons devoir mener une réflexion collective sur le temps et l'espace de l'enfant au xxie siècle, qui inclura la question très profonde et très structurelle des rythmes scolaires. Cela dit, je répète que je n'ai rien contre l'idée consistant à inscrire les SRAN dans le calendrier scolaire. La question de la durée des vacances de la Toussaint est une question qui divise ; pour ma part, je respecte toutes les opinions à ce sujet, et je n'exclus pas que ceux qui pensent que deux semaines de vacances sont nécessaires aient raison. Si nous devions maintenir ces deux semaines de vacances, il est évident qu'il faudrait veiller à mettre en place des stages de réussite ou des activités à caractère sportif ou culturel, afin d'éviter que les enfants ne se trouvent livrés à eux-mêmes durant une période où leurs parents ne sont pas en vacances. Sur ce point comme sur d'autres, nous devons entendre tous les points de vue, faire preuve de pragmatisme et raisonner en fonction de l'intérêt de l'élève. En résumé, je suis favorable à votre idée mais celle-ci va nécessiter du temps et des discussions avant qu'une décision ne soit prise.

M. Hetzel m'a posé trois questions.

Pour ce qui est de la première, portant sur le baccalauréat, une concertation vient d'être engagée et M. Mathiot, qui s'est vu confier une mission en début de semaine, a maintenant vocation à entendre tous les acteurs concernés par la réforme envisagée. Pour ma part, en parlant de « muscler » le baccalauréat, j'ai voulu traduire l'objectif défini par le Président de la République durant la campagne présidentielle, consistant à ce que quatre épreuves soient passées en contrôle terminal et le reste en contrôle continu. Beaucoup de choses restent à préciser une fois que l'on a dit ça, et ce sera le rôle de M. Mathiot que de nous y aider grâce aux concertations qu'il va mener. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, puisque nous avons précisément l'intention d'écouter toutes les parties prenantes avant de prendre des décisions.

Je vous remercie pour votre question sur le redoublement, qui va me permettre de préciser ma pensée. Quand j'ai dit que le redoublement pouvait avoir un intérêt pédagogique, cela ne signifiait pas que j'y voyais une perspective souhaitable pour l'élève ou pour le système : je redis très clairement qu'à mon sens le redoublement doit être évité à chaque fois que c'est possible. Cela dit, nous ne devons pas nous interdire cette possibilité, afin d'éviter de créer des situations trop compliquées – je pense à des passages en seconde effectués artificiellement, et ne pouvant conduire qu'à des redoublements ultérieurs quand il n'y a plus d'autre solution, parce que certaines responsabilités n'ont pas été prises en amont. Le redoublement, donc, constitue pour moi un signal que je qualifierai de pédagogique et de psychologique, mais dont je ne souhaite pas voir le nombre augmenter.

S'il devait y avoir plus de redoublements du fait de ce que j'ai dit, nous procéderions à un ajustement des moyens, mais dans une perspective de moyen terme, le redoublement doit être utilisé à bon escient, et si possible en amont de la classe de seconde. Surtout, nous devons nous doter de mécanismes de prévention du redoublement, ce que je relie au dispositif « Devoirs faits » : les conseils de classe de fin de premier trimestre, qui ont vocation à donner l'alerte pour les élèves les plus en difficulté, permettent aussi d'enclencher certains mécanismes de nature à soutenir ces élèves présentant un risque élevé de redoublement, notamment le dispositif « Devoirs faits » – ainsi, les élèves concernés et leurs familles se voient désigner à la fois le risque et la solution proposée pour l'éviter.

Quant à la baisse des crédits pédagogiques alloués à l'achat de manuels scolaires, nous l'assumons pleinement puisque, l'an dernier notamment, des moyens avaient été consacrés à leur renouvellement. Les éditeurs scolaires n'ont pas manqué de me dire leur émotion à ce sujet. Cette question renvoie à celle, plus générale, de la politique menée dans ce domaine. Ainsi, le fait que l'État finance les manuels scolaires au collège et pas à l'école primaire ni au lycée m'apparaît comme une anomalie. Cette situation n'est pas logique, et nous devrons en discuter avec les collectivités territoriales et les éditeurs. Par ailleurs, sans le remettre en question dans sa version papier, nous devons renouveler notre vision du rôle du manuel scolaire dans le système éducatif. Par exemple, le taux d'équipement en manuels des élèves de CP et de CE1, qui est d'environ 40 %, est tout à fait insuffisant. Des questions se posent également quant à leur qualité, puisque des études montrent que tous les manuels n'ont pas la même efficacité. Je souhaite donc avoir une discussion globale avec les éditeurs.

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