Intervention de Jacques Rosine

Réunion du lundi 1er juillet 2019 à 14h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Jacques Rosine, responsable de la délégation de Santé publique France aux Antilles :

L'étude Kannari a été menée en Martinique et en Guadeloupe entre 2013 et 2014. Elle comportait quatre volets : un volet santé piloté par les observatoires régionaux de la santé et visant à récolter des informations sur l'état de santé général de la population en mesurant notamment le diabète, le surpoids et l'obésité, des volets imprégnation et nutrition pilotés par Santé publique France, et un volet exposition alimentaire piloté par l'ANSES. Initialement, les échantillons étaient de 2 000 personnes, enfants et adultes, par département. Pour des raisons réglementaires, le volet imprégnation, qui consistait en un suivi du niveau biologique de chlordécone de la population générale, n'a pu concerner à l'époque que des individus de 16 ans et plus. Notre objectif, qui était d'effectuer 900 prélèvements par département, n'a pas pu être atteint parce que certaines des personnes qui avaient participé aux volets santé et nutrition ont refusé de prendre part au volet imprégnation du fait des contraintes de prélèvement. Près de 400 personnes ont été prélevées en Martinique, près de 300 en Guadeloupe.

La concentration moyenne mesurée est de 0,12 microgrammes par litre ; 0,14 microgrammes par litre en Martinique, 0,13 en Guadeloupe. Toutefois, 5 % de la population présente un taux dix fois plus élevé, c'est-à-dire supérieur à 1,4 microgramme par litre. On a pu caractériser cette partie de la population en croisant les résultats du volet imprégnation et ceux des volets exposition alimentaire et nutrition, qui permettaient de connaître le type d'aliments, la quantité et la fréquence de consommation, ainsi que les zones d'approvisionnement. Il a ainsi été démontré que les personnes résidant dans les zones dites contaminées, que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, ou consommant des produits de la pêche issus principalement de réseaux d'approvisionnement informels étaient celles qui présentaient les taux de contamination les plus élevés.

Cette première étude en population générale s'est heurtée à des limites, mais nous avons prévu dans la feuille de route 2019-2020 du plan chlordécone III de mener une nouvelle étude Kannari avec un nombre de prélèvements plus élevé en ciblant les populations résidant dans les zones contaminées, les agriculteurs, les pêcheurs professionnels et amateurs. Nous envisageons également d'intégrer dans l'échantillon les femmes enceintes ou du moins en âge de procréer et les populations qui ont pu bénéficier du programme jardins familiaux (JAFA) depuis plus d'une quinzaine d'années. Ce dernier vise à proposer aux individus qui vivent dans des zones contaminées des alternatives aux produits issus de leurs jardins et permet une prise en charge des diagnostics des sols. Nous pourrons ainsi mesurer, en nous appuyant par ailleurs sur une enquête qualitative ad hoc, si les actions préventives menées dans le cadre de ce programme ont porté leurs fruits. L'évaluation des programmes mis en oeuvre est en effet incontournable dans notre métier. L'enquête Kannari 2 permettra également de connaître les habitudes alimentaires des populations aux taux les moins élevés.

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