Intervention de Gilles Bloch

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Gilles Bloch, président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) :

Je m'exprime aujourd'hui en tant que président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). J'ai souhaité être accompagné de M. Robert Barouki, un expert en toxicologie environnementale, et de M. Laurent Fleury, qui est responsable, depuis des années, du pôle « Expertises collectives » de l'INSERM. À ce titre, il a notamment coordonné l'expertise de 2013 sur les pesticides et leur impact sanitaire. J'espère que la commission d'enquête dispose déjà de cette somme. Si tel n'est pas le cas, nous vous la ferons parvenir. Mme Anne-Sophie Etzol nous accompagne pour faire le point sur les éléments que nous pourrons ensuite vous transmettre par écrit.

L'INSERM est le premier organisme national de recherche dans le domaine médical. Sa taille est significative, puisqu'il compte près de 300 laboratoires et que son budget avoisine le milliard d'euros, dont un bon tiers est issu de ressources propres. Nos laboratoires se financent à 90 % sur des contrats qu'ils vont chercher à l'extérieur, l'INSERM apportant seulement la petite couche nécessaire au fonctionnement de base. L'INSERM produit 11 000 publications par an, ce qui est significatif au sein de la communauté médicale.

Il éclaire aussi les décisions publiques : c'est à ce titre qu'il produit des expertises collectives, qui sont généralement demandées par des ministères. Nous avons, enfin, un rôle de valorisation de nos découvertes et d'information, en direction de la société et des citoyens.

J'en viens au sujet qui nous occupe aujourd'hui, celui des pesticides et, plus particulièrement, du chlordécone. De par sa taille et sa situation nationale, l'INSERM est l'un des très rares acteurs de la recherche qui, sur le plan de la santé, possède une expertise vraiment reconnue sur ce sujet. Les experts sont peu nombreux et une unité y travaille tout particulièrement : elle est localisée à Rennes et je crois que vous avez déjà auditionné l'un de ses membres. Depuis 2005, nous travaillons sur cette question, à travers des études épidémiologiques sur la population de Guadeloupe et de Martinique, d'une part, et des études mécanistiques de toxicologie et de biologie in vitro, d'autre part. Lorsqu'on fait la revue de la littérature mondiale, ce qui a été fait à l'occasion de l'expertise collective de 2013, on s'aperçoit que l'INSERM est le pourvoyeur de connaissances le plus important sur cette question. Plus de la moitié des soixante-trois publications relatives à la chlordécone parues depuis 2005 sont dues à des équipes de l'INSERM. Nous avons vraiment une position centrale sur cette question.

Il s'agit, pour une grande part, d'études d'épidémiologie : huit études épidémiologiques ont été réalisées ou sont en cours de réalisation. Nous pourrons, si vous le souhaitez, revenir en détail sur certaines d'entre elles. Nous avons également produit des études expérimentales, sur des modèles animaux cellulaires, qui analysent la chaîne des effets toxiques, génétiques et épigénétiques, puisqu'on sait maintenant que les pesticides produisent aussi ce type d'effets. Nous sommes donc l'instance scientifique qui peut réaliser ce que l'on appelle des expertises collectives. Cet exercice consiste à consolider toute la littérature existant sur un sujet. L'expertise de 2013 a compilé 1 800 papiers : M. Laurent Fleury pourra vous en parler. Il faut généralement dix-huit mois à deux ans, parfois davantage, pour que les groupes d'experts parviennent à consolider toute la littérature existant sur un sujet donné.

L'expertise collective relative aux effets sur la santé des pesticides de 2013 est un énorme volume, que nous pourrons vous transmettre. Il est désormais considéré comme l'ouvrage de référence en la matière et il a contribué à la prise de certaines décisions, notamment sur les maladies professionnelles, comme la maladie de Parkinson et certaines hémopathies. Il a vraiment eu des conséquences en termes de décision publique. Depuis cette publication, l'INSERM a régulièrement été sollicité par différentes inspections, notamment par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), et nous avons été amenés à exposer le contenu de cette expertise à plusieurs reprises.

Dans la mesure où la question de l'impact sanitaire des pesticides en général, et de la chlordécone en particulier, n'a pas été réglée, nous travaillons à une mise à jour de l'expertise de 2013. Depuis six ans, la littérature a été abondante. Parce que l'attente est forte, nous avons transmis dès le mois de mars aux commanditaires de cette enquête le chapitre spécifiquement consacré au lien entre cancer de la prostate et exposition aux pesticides. Nous pourrons dire un mot à ce sujet. Comme il s'agit d'un processus collectif de longue haleine, la somme relative à l'ensemble du champ des pesticides sera publiée à la fin de l'année. Voilà, en quelques mots, le contexte dans lequel l'INSERM se positionne. Nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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