Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 15h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Jérôme Salomon :

Nous verrons ce qu'il est possible de faire pour que la procédure soit rapide, car c'est une question symbolique très forte pour la population des Antilles.

Mais je ne garantis pas le résultat, il s'agit de scientifiques indépendants, et il y a toujours un risque d'être déçu par les scientifiques, malheureusement.

Vous m'avez également interrogé sur l'incidence élevée du cancer de la prostate aux Antilles. M. Ifrah vous a exposé tous les éléments dont il disposait, notamment grâce aux registres des cancers. L'incidence est élevée, supérieure à la moyenne nationale, pour des facteurs multiples.

Dans une publication récente, le professeur Multigner a démontré un lien épidémiologique entre le taux de chlordécone dans le sang et la survenue de cancers de la prostate. Il se penche actuellement sur la question de la part attribuable, qui est définie comme le poids du facteur sur la survenue de la maladie. Par exemple, pour le cancer du poumon, la part attribuable du tabac est énorme : 95 % des cancers du poumon sont liés au tabac. Mais des personnes n'ayant jamais fumé développent des cancers du poumon.

Pour les cancers de la prostate, l'âge est un facteur. Nous savons également que la génétique joue un rôle majeur, c'est pourquoi il vous a rappelé que les taux observés aux Antilles sont proches de ceux en vigueur dans les Caraïbes et au sein de certaines populations d'origine africaine en Amérique et en Grande-Bretagne. Comme pour tous les cancers, des différences majeures existent entre les populations en fonction de leurs caractéristiques génétiques.

Par ailleurs, s'agissant des autres cancers, en particulier des cancers féminins, les Antilles ont la chance de connaître beaucoup moins de cas que la moyenne nationale. Je pense que le mode de vie et l'alimentation aux Antilles y participent beaucoup, et nous essayons de nous inspirer de cette alimentation pour formuler des recommandations à la population hexagonale.

S'agissant spécifiquement du cancer de la prostate, nous ne connaissons pas la part attribuable au chlordécone.

De plus, nous n'avons pas aujourd'hui les moyens de savoir si un cancer de la prostate est lié au chlordécone, ce qui serait très utile.

Enfin, des dépistages organisés et systématiques existent pour le cancer du sein, pour les cancers colorectaux, et la ministre de la Santé Agnès Buzyn vient de décider du dépistage systématique du cancer du col de l'utérus. Mais aujourd'hui, les experts de la Haute Autorité de santé estiment qu'il n'est pas pertinent de réaliser un dépistage systématique du cancer de la prostate. Il pourrait être proposé à toute la population française, mais le seul moyen de dépister le cancer de la prostate – hormis un geste très invasif impliquant des biopsies dont les conséquences peuvent être délétères – est par la mesure du taux d'antigène prostatique spécifique, en abrégé PSA, dans le sang. Or nous pensions que ce test était extraordinaire, mais nous nous sommes rendu compte que des personnes souffraient de cancers très avancés avec des taux de PSA très bas, tandis que d'autres ont été opérés d'un cancer alors qu'ils n'en avaient pas car leur taux de PSA était très élevé.

Nous avons été trompés par un test massivement répandu dans la population qui montre aujourd'hui toutes ses limites. Un avis récent de la Haute Autorité de santé établit qu'il n'est pas raisonnable, aujourd'hui, de faire un dépistage généralisé.

Mais, pour la population des Antilles, l'étude de cohorte KP-Caraïbes établit en permanence l'incidence des cancers de la prostate. Elle est de 163 cas pour 100 000 en Guadeloupe, 161 pour 100 000 en Martinique. C'est plus qu'en Hexagone, mais moins que lors de la période précédente. L'incidence du cancer de la prostate diminue donc aux Antilles.

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