Intervention de Olivier Faure

Séance en hémicycle du mardi 28 avril 2020 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 suivie d'un débat et d'un vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Faure :

Les députés du groupe Socialistes et apparentés vous ont écouté attentivement, monsieur le Premier ministre. Vous avez la charge de l'essentiel : les vies de milliers de femmes et d'hommes qui ne résisteraient pas à l'infection du virus. En quelques mois, ce virus a miné nos quotidiens, confiné nos existences, bouleversé nos modes de vie, transformé notre rapport aux autres.

Le confinement a permis d'enrayer la progression du Covid-19, mais pas de le faire disparaître. Si c'est une guerre, c'est une guerre de position, une guerre de tranchées, et chaque jour le front s'élargit à de nouveaux pays. Sans vaccin, sans traitement fiable, sans immunisation assurée, nous allons devoir vivre avec le virus et surtout la menace d'une reprise épidémique, alors même que nos soignants sont épuisés et nous implorent de leur accorder du répit plus encore que des hommages.

Notre groupe partage avec vous l'objectif du déconfinement : la vie doit reprendre, le travail doit reprendre pour que le cortège des faillites n'emporte pas les nombreuses familles déjà fragilisées par deux mois d'inactivité. La question n'est donc pas celle de l'objectif, mais celle des moyens que l'on y consacre. Face à une catastrophe sanitaire, notre devoir est de rechercher ensemble les moyens de nous en sortir le mieux et le plus vite possible. Depuis le premier jour, nous vous avons dit notre disponibilité pour construire une réponse partagée. Mais nous n'avons obtenu en retour que mises en scène de réunion, faux dialogues et vraie instrumentalisation de ces rendez-vous !

Je dois vous dire, monsieur le Premier ministre, que j'ai espéré à un moment, il y a quinze jours, que cette attitude changerait quand vous avez entamé une discussion avec l'ensemble des chefs de parti. Cet espoir a été de courte durée, car, dès le lendemain, sans préparation préalable d'un plan gouvernemental, la date du 11 mai a été posée par le seul Président !

À ce moment de notre vie nationale, l'improvisation est coupable, car elle crée une défiance, alors même que le pays a besoin de repères clairs. En quinze jours, nous avons assisté à un festival de contradictions, d'incohérences, d'approximations sur le confinement des anciens, sur la réouverture des écoles, sur la régionalisation des mesures – vous avez à l'instant même dû revoir les annonces faites par le ministre de l'éducation nationale. Quant aux masques : inutiles un jour, utiles le lendemain, obligatoires, facultatifs, en papier, en tissu, commandés, pas arrivés ; de retards en dénis, de dénis en mensonges, la doctrine a varié si souvent que plus personne ne vous écoute sur ce sujet !

Disons les choses simplement : personne ne devrait être tenu par le pari du Président de la République. J'ai cru comprendre à votre intervention, monsieur le Premier ministre, que vous n'étiez pas si loin de partager ce point de vue.

Le bon moment pour déconfiner, c'est celui où l'on est prêt. Or, à l'évidence, ce que nous rapportent les maires, les enseignants et les salariés, c'est que tout est encore loin d'être prêt. Ce sont vos propres services qui expliquent qu'il n'y a pas assez de masques pour tous les Français. Qui imagine, pourtant, assurer 12 millions de voyages quotidiens dans le métro sans masques ? Qui imagine que le territoire se partage entre ceux qui auront reçu un masque et ceux qui n'en auront pas trouvé ? On parle de les vendre. Combien, alors, se limiteront à l'achat d'un seul masque, qu'ils ne renouvelleront pas, faute de moyens ? La solution, vous la connaissez : des masques gratuits, des tests, du gel, des blouses et des respirateurs. Tout le reste n'est que dangereuse diversion.

Les prérequis sanitaires sont connus. Votre propre comité scientifique en a détaillé les principes – encore faudrait-il que son existence ne soit pas purement décorative. Lorsque ses avis ne sont pas suivis, nous aimerions comprendre ce qui motive les décisions du Gouvernement : en quoi les conditions du retour à l'école seraient-elles réunies, alors que les écoliers italiens ne retrouveront leurs bancs qu'en septembre, comme nos étudiants ? Pourquoi faire rentrer les plus petits dès le 11 mai quand on reste prudent pour les collégiens et les lycéens, si ce n'est que les uns se gardent tous seuls et pas les autres ?

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