Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Touraine, le programme 204 a toujours consacré une forte contribution au financement des associations. Cet effort est maintenu, particulièrement en faveur des associations qui luttent contre le VIH et sont actives dans la prévention.

Les associations ont pu s'inquiéter que la présentation du budget qui laisse apparaître une diminution des crédits qui leur sont attribués. Mais cette baisse résulte principalement de la suppression des 1,6 million de la réserve parlementaire, dont 694 000 euros dévolus à la lutte contre le VIH.

Les associations doivent donc être rassurées, car cette réserve sera transférée à un fonds de 25 millions d'euros qui leur sera destiné : les moyens que le ministère consacre aux associations demeurent constants.

Les associations se sont encore inquiétées du maintien des emplois ; à cet égard, je rappelle que le transfert du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) vers une baisse de charge leur apportera plus de 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Ainsi, elles seront gagnantes à la fin de l'année 2018.

Monsieur Aubert, l'AME est un serpent de mer… Il n'est pas bien d'opposer les cotisations des Français à l'aide médicale d'État car leurs logiques sont totalement différentes. L'AME relève de l'action humanitaire, du droit à la santé, mais aussi de la protection de nos populations.

À chaque fois que l'on tente de raboter quelques euros sur l'AME, en instituant par exemple un droit de timbre, les bénéficiaires accèdent plus lentement aux soins, arrivent bien plus malades dans les hôpitaux, ce qui, in fine, coûte beaucoup plus cher, sans compter le risque d'exposition infectieuse de la population française.

Ne mettez donc pas inutilement les Français en opposition : leurs cotisations servent bien à payer les dépenses de l'assurance maladie et de la sécurité sociale ; l'AME ressortit au budget de l'État, il n'y a aucun flux financier entre les deux. En outre le panier de soins des bénéficiaires est extrêmement réduit, il est plus faible que celui de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Ils n'ont par ailleurs pas accès à un grand nombre de médicaments de confort.

Les soins ainsi remboursés sont donc absolument nécessaires : il ne faut pas jouer avec ces choses-là !

Enfin, la comparaison avec un forfait de téléphonie mobile à 20 euros est malvenue : quand on bénéficie de l'AME et qu'on souffre d'une tuberculose résistante, le problème n'est pas de payer 30 euros pour une consultation (Vifs applaudissements.). Pardonnez ma fougue mais je pense qu'il faut vraiment faire attention.

En effet, Monsieur Isaac-Sibille, la Cour des comptes s'est montré critique sur la question des achats hospitaliers. Je rappelle toutefois que l'une des grandes orientations des groupements hospitaliers de territoire (GHT) consiste à rationaliser les achats. Un rapport récent a souligné l'existence d'un gisement d'économie potentiel d'un milliard d'euros. Ces économies sont donc identifiées dans le cadre de l'ONDAM hospitalier discuté lors de l'examen du PLFSS.

Nous ménageons ainsi une large marge de manoeuvre au secteur hospitalier grâce à la pratique des achats groupés au sein des GHT dans le cadre du programme Performance hospitalière pour des achats responsables (PHARE).

Mme Firmin Le Bodo m'a interrogée sur les actions qui demeurant à mener dans le secteur de la prévention ; je répondrai aussi à M. Bruneel, à Mme Fiat ainsi qu'à M. Aviragnet.

Vous n'êtes pas sans savoir que la prévention est ma priorité, et que je souhaite un changement de paradigme dans notre société. La prévention ne se résume pas à un budget du programme 204, loin de là ; et je considère la vision que nous en avons depuis quelques années est quelque peu restrictive et has been.

Nous savons que les grandes campagnes de prévention menées dans les médias sont très coûteuses, alors que leur impact sur la société et les comportements est extrêmement faible. Nous devons introduire de la prévention dans l'ensemble de nos politiques publiques, c'est-à-dire dans la médecine scolaire, dans la médecine du travail, dans la protection environnementale, dans l'éducation et la promotion de la santé à l'école, dans des villes promotrices de santé qui aident par exemple à la marche à pied. Or, ces actions ne trouvent pas leur traduction dans le programme 204.

Il me semble par ailleurs qu'à l'heure du marketing social, il est vain de dépenser quatre ou cinq millions d'euros dans une grande campagne télévisée en faveur de l'arrêt du tabac, dont nous connaissons la grande modicité de l'impact. En comparaison, la communication dans les réseaux sociaux pour le mois sans tabac ou contre l'alcoolisme des jeunes est beaucoup plus efficace et touche énormément de monde avec des budgets cinq à dix fois moins importants.

Vous ne pouvez donc pas juger ma politique de prévention en vous fondant sur les seuls crédits du programme 204, notamment s'agissant des maladies chroniques.

Je concède très volontiers à Mme Fiat que les soignants et l'ensemble des professionnels de santé sont d'excellents promoteurs de prévention ; mais ils ne sont pas aujourd'hui incités à aborder ce sujet avec leurs patients, tout simplement parce que cette démarche n'est pas tarifée ; elle ne constitue pas un acte médical.

Si nous voulons que les professionnels de santé s'emparent des enjeux de prévention, les recommandations de bonnes pratiques doivent présenter la prévention comme relevant du soin, au même titre qu'un médicament, ce que j'avais entrepris de faire à la Haute Autorité de santé, en incluant dans les recommandations de bonnes pratiques du traitement des maladies chroniques, non pas seulement le traitement médicamenteux de l'hypertension artérielle mais aussi l'éducation à la santé, à l'activité physique ainsi qu'à l'alimentation.

Par ailleurs, nous devons changer le mode de tarification de la médecine : il faut cesser la tarification à l'acte et passer au forfait. Ce forfait, ce parcours de soins, prendra la prévention en compte. Je suis en train de changer tout le système de santé en modifiant les modes de tarification des professionnels pour que les enjeux de prévention fassent partie de leur quotidien.

Afin que ces enjeux soient bien intégrés dans la politique générale du Gouvernement, un comité interministériel dédié à la politique de santé se tiendra au mois de décembre sous la présidence du Premier ministre.

La politique de prévention que je souhaite mener me tient tellement à coeur que je souhaite que vous sortiez de cette salle en étant convaincus qu'elle ne peut en aucun cas se résumer au programme 204

Madame Fiat, le fonds d'indemnisation des victimes de la Dépakine doit seulement permettre de dédommager ces dernières le plus rapidement possible, et d'éviter qu'elles n'aient besoin d'attaquer elles-mêmes le laboratoire – avec les délais que cela supposerait. La création de ce fonds ne signifie en aucun cas que nous ne nous retournerons pas contre Sanofi, car ce n'est évidemment pas à l'État de payer.

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