Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mardi 2 juin 2020 à 21h30
Don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Nul n'ignore que dans la lutte contre l'épidémie de covid-19, certaines professions ont été plus éprouvées que d'autres. Les personnels soignants, que ce soit à l'hôpital, en ville ou dans les cliniques, ainsi que tous les personnels participant au bon fonctionnement de notre système médico-social, ont été mobilisés sans jamais compter leurs heures ou leurs efforts. Certains ont payé leur engagement au service des autres de leur propre vie – je veux leur rendre hommage.

Au plus fort de l'épidémie, et alors que le bilan s'alourdissait, la crise nous a offert un rare moment d'unité et de solidarité, qu'il faut saluer. Les applaudissements aux fenêtres ou aux balcons ont rythmé nos soirées de confinement, et les initiatives spontanées pour apporter un peu de réconfort aux soignants se sont multipliées partout dans le territoire.

Le manque de reconnaissance à l'égard des soignants, sur lequel notre groupe n'a cessé d'insister, est devenu une question incontournable. Aujourd'hui, les soignants veulent croire que le plan massif d'investissements et de revalorisation de l'ensemble des carrières promis pour l'hôpital par le Président de la République ne sera pas une vaine promesse.

Pour témoigner de leur reconnaissance et de leur solidarité, certains de nos concitoyens ont souhaité faire don de leurs jours de congé aux personnels soignants, ce qui a conduit certains de nos collègues à déposer des propositions de loi pour lever les freins juridiques qui s'y opposent.

Le texte que nous examinons prévoit une extension de la loi du 9 mai 2014, dite loi Mathys, laquelle ne permet actuellement le don de congés qu'au sein de la même entreprise et à destination de proches aidants. Notre groupe ne souhaite pas s'y opposer, dans la mesure où elle repose sur le principe du volontariat, mais il est bien conscient qu'elle ne représente que peu de chose face aux attentes des soignants et de tout le personnel médico-social.

Quelques questions demeurent par ailleurs. Au-delà des personnes éligibles, qui en bénéficiera réellement ? Faudra-t-il choisir au cas où les dons seraient en deçà des attentes ? Comment s'assurer que les chèques-vacances, qui permettront selon le rapporteur et la ministre de soutenir le secteur touristique, ne profiteront pas aux seuls grands groupes au lieu de soutenir les emplois fragilisés dans les territoires ?

Malgré ces questions, si certains Français souhaitent exprimer leur solidarité de cette manière, il ne nous revient pas d'y faire obstacle. Néanmoins, il nous paraît essentiel de rappeler que d'autres voies permettent à la solidarité nationale de s'exprimer, d'autant plus que la reconnaissance que nous devons aux soignants ne date pas de l'épidémie de covid-19. Depuis longtemps, nous vous alertons sur les dysfonctionnements, les lacunes, et sur les attentes des personnels. Ils nous demandent de mettre un terme aux fermetures de lits, de cesser de faire reposer le financement des hôpitaux sur la tarification à l'acte, de donner des moyens plus importants aux établissements ou encore de réformer la gouvernance afin de donner plus de poids aux soignants et moins à la technostructure.

Aussi le disons-nous clairement, d'autres priorités que la proposition de résolution témoignant de la reconnaissance nationale à tous les soignants et portant création d'un statut pour les enfants de soignants décédés du covid-19 votée la semaine passée ou cette proposition de loi visant à permettre le don de chèques vacances s'imposent : l'urgence de la revalorisation salariale, la question du versement des primes exceptionnelles, notamment pour le personnel des EHPAD, et enfin celle de la rémunération des étudiants en formation médicale, très sollicités pendant la crise.

Jusqu'à aujourd'hui, les attentes ont été déçues, alors ne manquons pas cette nouvelle occasion de faire mieux, notamment dans le cadre du Ségur de la santé. Et pour que cette concertation débouche sur des solutions à la hauteur des enjeux inédits auxquels est confronté notre système de santé, il vous faudra rompre avec certaines des orientations de la stratégie « Ma santé 2022 » et ne pas les prolonger.

Il y a la solidarité spontanée des Français – c'est l'objet de ce texte, que nous saluons et encourageons – , qui nous grandit en tant que société ; et il y a la solidarité organisée, qui nous renforce en tant que nation et qui doit être au coeur de la réponse que nous apporterons à la crise que nous traversons. Elle doit nous permettre de financer un système de protection sociale et de santé robuste et nous garantir l'accès à un service public de qualité. Cette solidarité, c'est celle des cotisations qui financent nos politiques publiques et notre sécurité sociale. Il est essentiel de réaffirmer son importance, de redire qu'elle doit être basée sur la justice sociale, l'équité et la redistribution, ce qui doit nous conduire à faire contribuer les plus aisés au financement d'un service public accessible à tous. C'est cette solidarité qui nous permettra de revaloriser les carrières des soignants, qui sont les artisans et les garants de l'excellence de notre système de santé et qui sont en première ligne face aux défis qu'il doit surmonter. Ce sont les priorités que le groupe Libertés et territoires continuera de défendre dans les mois à venir, et nous serons particulièrement exigeants quant aux réponses qui y seront apportées.

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