Intervention de Claudia Rouaux

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Plafonnement des frais bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudia Rouaux :

Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi qui me tient vraiment à coeur en ce qu'elle vise à plafonner les frais bancaires, enjeu majeur pour protéger nos concitoyens les plus modestes, d'autant plus que la crise liée à l'épidémie de covid-19 que traverse la France augmentera le nombre de personnes précaires. Pour certains ménages, le choc économique entraîne une diminution des revenus du fait de la mise en activité partielle ou d'une perte d'emploi alors que la part des dépenses usuelles est incompressible. L'effet de ciseaux est redoutable. Selon l'Observatoire de l'inclusion bancaire, 3,6 millions de personnes étaient en situation de fragilité bancaire en France en 2019. Or seules 500 000 d'entre elles bénéficiaient de l'offre spécifique.

Parmi les personnes endettées ou frappées d'une mesure d'interdiction bancaire, 78 % n'ont bénéficié d'aucun plafonnement, selon une enquête réalisée en octobre 2019 par 60 Millions de consommateurs et l'Union nationale des associations familiales. Si le coût moyen des frais d'incidents bancaires s'élevait à 34 euros pour chaque Français en 2018, la facture est presque multipliée par dix et approche des 300 euros pour ceux dont les difficultés financières persistent, voire 500 euros pour les plus précaires. Cette somme doit être comparée avec celle perçue par un bénéficiaire du revenu de solidarité active ou l'indicateur du seuil de pauvreté.

Face à ce constat inacceptable, les députés Socialistes et apparentés partagent la volonté de protéger nos concitoyens les plus fragiles en étendant le plafonnement des frais bancaires au-delà des personnes éligibles à l'offre spécifique, c'est-à-dire aux personnes surendettées ou fichées à la Banque de France.

À la suite du mouvement social des gilets jaunes, dont l'une des principales revendications concernait l'amélioration du pouvoir d'achat, l'Élysée a annoncé en décembre 2018 que les frais seraient plafonnés à hauteur de 25 euros par mois pour les clients les plus fragiles. Force est de constater que la promesse n'est pas complètement tenue. Certains établissements ne remplissent pas leur obligation morale. Les députés socialistes, à l'époque, avaient regretté que les engagements des banques ne soient pas contraignants.

Le cadre juridique actuel est insuffisant. L'améliorer est une évidence et une urgence en période de crise car il ne saurait reposer sur la seule volonté des banques d'appliquer ou non le dispositif. Selon le gouverneur de la Banque de France, auditionné le 6 mai dernier, il faudrait déjà revoir la période des trois mois, dont la longueur excessive ferait naître des situations irrémédiables.

Le plafonnement des frais bancaires est une mesure sociale destinée à mettre fin à une spirale infernale dans laquelle la fragilité financière engendre de nouveaux frais, rendant la situation de plus en plus critique. Elle redonnera des millions d'euros de pouvoir d'achat aux personnes les plus démunies, pour des besoins essentiels.

Enfin, pour rendre effectif et efficient le plafonnement des frais bancaires, nous devons légiférer. C'est pourquoi les députés Socialistes et apparentés soutiendront cette proposition de loi de La France insoumise dont ils partagent l'ambition et les principales dispositions. Toutefois, notre groupe sera force de proposition pour compléter ce texte en s'appuyant sur la proposition de loi des sénateurs socialistes, consacrée au même sujet et adoptée au Sénat la semaine dernière. À cet égard, je formule le voeu que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale si la proposition de loi que nous examinons n'est pas adoptée.

Pour conclure, nos amendements reposent sur trois grands principes. Le premier est celui de la solidarité, d'abord par l'exonération temporaire, pour certains publics, de frais d'incidents bancaires pendant l'état d'urgence sanitaire et les trois mois suivants, ensuite par une révision à la baisse du plafonnement des frais bancaires pour les particuliers bénéficiant de l'offre spécifique ; le second est celui de la transparence, par le renforcement de l'information des clients concernant le montant des tarifs des frais d'incidents bancaires avec des standards comparables sur une base annuelle ; le dernier est celui de la responsabilité, par les précisions apportées quant aux missions de l'Observatoire de l'inclusion bancaire, à travers l'évaluation de la mise en oeuvre du plafonnement des frais pour incidents et la publication du nom des établissements qui ne respectent pas leurs engagements – ce que vous avez proposé, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, renforcer et rendre effectif le plafonnement des frais bancaires en l'inscrivant dans la loi est un levier concret pour lutter contre les inégalités et aider les personnes les plus modestes. Face à une crise d'une ampleur inédite, l'urgence sociale nous oblige à agir avec efficacité et rapidité.

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