Intervention de Martine Wonner

Séance en hémicycle du lundi 8 juin 2020 à 21h30
Débat sur la gestion des masques entre 2017 et 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Wonner :

Dans un entretien datant du 18 mai, le Président de la République affirmait que le pays n'avait jamais été en rupture de masques pendant la période de crise sanitaire que nous venons de vivre. Pour le moins maladroite, cette déclaration s'inscrit dans une suite de dysfonctionnements que de nombreux experts n'ont pas manqué de relever.

Le débat concernant l'utilisation des masques et la gestion des stocks apparaît désormais aux yeux des plus lucides comme une aberration totale. En expliquant dans un premier temps que les masques n'avaient qu'une utilité faible ou nulle puis, dans un deuxième temps, que leur port était devenu indispensable pour tous, le Gouvernement n'a eu de cesse de se discréditer et de susciter de nombreuses interrogations et inquiétudes, que j'estime justifiées.

Le Gouvernement doit désormais des réponses aux Français. Dans une période aussi importante, toute la lumière doit être faite sur ce dysfonctionnement majeur de l'État, qui devait protéger les soignants et toute la population.

Ce fiasco des masques n'est pas nouveau, et il ne serait pas juste d'imputer l'entière responsabilité de cette cacophonie générale – sinon du mensonge – au seul gouvernement de M. Philippe. Depuis plusieurs années, les stocks de masques s'amenuisent. Pourtant renouvelés considérablement en 2009, lorsque Roselyne Bachelot dirigeait le ministère de la santé, les masques ont ensuite été purement et simplement abandonnés par les gouvernements successifs. Alors que Jérôme Salomon indiquait dès 2016 que la France était mal préparée pour faire face à une possible épidémie, rien n'a été entrepris pour enrayer cette politique de destruction des stocks, ou du moins de leur non-renouvellement.

La France a donc subi cette impréparation de plein fouet. Le manque chronique de masques a perduré pendant plusieurs semaines dans un contexte d'immobilisme mortifère. Bien qu'ayant apparemment commandé plusieurs millions de masques en février, le Gouvernement français savait pertinemment qu'ils ne seraient pas disponibles avant plusieurs mois. Était-ce suffisant pour les déclarer inutiles ? De plus, il est désormais avéré que les commandes passées pendant cette période étaient insuffisantes. À quel administratif besogneux la tâche a-t-elle été déléguée ?

Dans le même temps, les stocks français de masques alors réservés aux soignants ont été pour partie détruits. En l'espace de trois ans, le stock de masques a été divisé par six. Rappelons donc que c'est bien au cours des dernières années que ce stock a connu la chute la plus importante.

Les premiers à en pâtir ont été les médecins libéraux, qui ont payé le prix fort : le nombre de ceux qui sont décédés est quatre fois supérieur à celui des décès parmi les médecins hospitaliers. Ils ont été au combat sans protection ni armes, car empêchés de soigner.

Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez certes annoncé l'arrivée massive de masques dès le mois de mars, mais force est de constater que la réalité fut différente. En revanche, votre réactivité concernant le limogeage du directeur de l'ARS du Grand Est, qui avait pris la liberté et l'initiative de commander 5 millions de masques, en a surpris plus d'un.

On relève encore une fois un cocktail explosif mêlant lenteur administrative, absence de décision politique réelle et sanction de celles et ceux qui en ont pris. C'est désormais une évidence pour tous : la destruction du stock de masques était une grave erreur et personne ne veut en endosser la responsabilité. Ainsi, comme le souligne le journal Le Monde, l'exécutif aurait triplement fauté en négligeant l'importance du renouvellement des stocks, en réduisant considérablement leur production et, enfin, en détruisant des masques qui, pourtant, étaient parfaitement utilisables.

Nous avons donc assisté à la faillite totale de l'État, qui a tenté de cacher le manque de moyens par des déclarations politiques et sanitaires contradictoires qui n'ont fait que renforcer le climat de méfiance des citoyens envers le Gouvernement.

En somme, le fiasco de la gestion des masques pendant la crise sanitaire du covid-19 révèle des incohérences mais aussi des mensonges. En supprimant les stocks existants, puis en ne saisissant pas toutes les occasions de commande, l'État a failli gravement à son devoir de protection des citoyens. Alors que les soignants se sont vaillamment battus contre le virus, l'État français n'a pas été capable de leur donner les armes nécessaires au combat. Bien que nous connaissions désormais les grandes lignes de cet épisode dramatique, les élus et les citoyens attendent des explications !

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