Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Dispositif zéro charge pour l'embauche de jeunes de moins de 25 ans — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Études interrompues, difficulté à obtenir des contrats en alternance, perte d'emploi : les jeunes sont les premières victimes collatérales de la crise sanitaire devenue économique. Leur taux de pauvreté atteint 25 %, soit onze points de plus que dans la population générale. Le risque d'une génération sacrifiée est réel.

Selon l'OIT, plus d'un jeune sur six aurait été privé d'emploi depuis le début de la crise liée au covid. Ceux qui ont conservé leur poste ont subi une réduction de leur temps de travail de 23 %. Rien qu'en France où l'on compte 8 millions de jeunes, soit 12 % de la population, 620 000 emplois ont été détruits, notamment en contrat à durée déterminée ou d'intérim.

Bien qu'ils aient été gravement affectés, le Gouvernement a tardé à réagir à leur détresse. À ce jour, 800 000 jeunes victimes de précarité en raison de la crise sanitaire ont reçu ou devaient recevoir une aide de 200 euros. Est-ce suffisant ? Je ne le crois pas !

Mais la proposition de loi qui nous est soumise permet-elle de mieux soulager cette détresse ? Je ne le crois pas non plus. Le groupe Écologie, démocratie, solidarité ne votera donc pas pour ce texte.

L'exonération de charges sur les bas revenus existe déjà, monsieur Peltier : ce dispositif, communément appelé « zéro cotisation URSSAF », consiste à réduire significativement les charges patronales sur les salaires allant jusqu'à 2,5 fois le SMIC. Il bénéficie aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises comme à l'employabilité des secteurs à bas salaires. Mais il est à juste titre controversé, car, dans les secteurs recrutant à un niveau de salaire élevé, il peut se révéler inefficace, voire dangereux.

Je signale par ailleurs que les jeunes ayant du mal à se faire embaucher à 2,5 SMIC sont également, dans certains cas, discriminés en raison de leur origine. J'espère donc, mon cher collègue, que vous soutenez aussi cette jeunesse qui marche en ce moment dans la rue pour dénoncer les discriminations.

Vous proposez pour votre part une exonération de charges patronales jusqu'à 4,5 SMIC, soit 6 930 euros bruts. Comme l'indique le Conseil d'analyse économique, ce sont les cotisations qui financent la sécurité sociale. Or la situation financière de cette dernière n'est pas au beau fixe : il est question de transférer à la CADES la dette due au covid, ce qui va déjà repousser de dix ans l'apurement des déficits. Votre proposition de loi ne pourrait qu'aggraver encore les choses : il est certain que la perte due à l'exonération sera défavorable à la sécurité sociale, qui devra soit réduire la protection sociale, soit demander à l'État de combler le déficit.

En réalité, la mesure ne serait profitable que pour les employeurs, et non pour les jeunes, ni pour la sécurité sociale, qu'elle empêcherait de lancer le fameux plan d'investissement massif pour les hôpitaux attendu de nos concitoyens.

Par ailleurs, notre jeunesse a besoin de réponses fortes concernant ses perspectives professionnelles et, plus généralement, son avenir au sein de la société. Nous devons les lui fournir, et non nous en tenir à une énième pirouette politique qui servirait simplement d'alibi social à votre parti, Les Républicains.

Le groupe Écologie, démocratie, solidarité veut redonner espoir aux jeunes. À cette fin, nous avons formulé des propositions concrètes qui pourraient leur bénéficier directement. Outre les mesures relatives à l'apprentissage que vous avez annoncées, madame la ministre, et que nous soutenons, nous souhaitons qu'il ne soit plus possible à l'employeur de ne pas rémunérer les stages qui durent moins de deux mois. Il est essentiel de ne pas oublier celles et ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi et qui vont être les premiers à souffrir de la crise sociale qui s'annonce.

Nous proposons aussi une extension de la garantie jeunes par l'assouplissement des critères d'éligibilité, la reconduction automatique du dispositif pour celles et ceux qui arrivent en fin de droits et une dotation exceptionnelle aux missions locales.

Enfin, nous proposerons au cours des semaines qui viennent l'expérimentation d'actions sociales innovantes, dont l'instauration d'un RSA pour les moins de 25 ans etou d'un revenu universel d'activité dès 18 ans.

Antoine Dulin, qui siège au Conseil économique, social et environnemental, confirmait il y a quelques jours que les premières victimes de la crise économique et sociale sont les jeunes, variables d'ajustement du marché du travail. C'est vrai, mais je ne vois pas ce que votre proposition de loi y changerait.

Alors qu'elle défile depuis des mois pour le climat, depuis des semaines contre le racisme, se battant pour son avenir, notre jeunesse nous somme désormais de réagir. Écoutons-la ! Nous ne voulons pas de génération covid, mais un monde d'après créé par et pour les jeunes. Ils ont souvent été les premiers à se montrer solidaires pendant le confinement lorsqu'il s'est agi de venir en aide à leurs aînés ou à des personnes encore plus en difficulté qu'eux. Pour cette raison, ils méritent notre soutien au moins autant que le reste des Français. Ne leur donnons pas le sentiment que les plus vieux sont protégés alors qu'eux sont oubliés.

Même au sommet de l'État, la conscience du risque d'un conflit de générations semble se faire jour. J'espère que l'allocution du Président de la République dimanche en tiendra compte et sera guidée par l'intérêt des jeunes. Notre groupe y sera en tout cas très attentif.

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