Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du lundi 22 juin 2020 à 16h00
Santé au travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

La présente proposition de résolution appelle à améliorer les performances du pays en matière de santé au travail – un sujet qui doit en effet faire consensus, cher Stéphane Viry. Il est indéniable que la crise sanitaire agit aussi comme un révélateur des spécificités du modèle français de l'emploi, de ses atouts aussi bien que de ses failles.

J'ai déjà eu l'occasion d'interroger le Gouvernement, ici même, sur le risque de contamination par le virus de nombreux professionnels dans le cadre de leur activité. La semaine dernière, le secrétaire d'État Pietraszewski a d'ailleurs confirmé que des décrets devaient prochainement reconnaître l'infection au covid-19 comme une maladie professionnelle – l'État exprimant ainsi son devoir envers ces professions. Cette reconnaissance a posteriori souligne l'importance considérable de l'entreprise comme acteur primordial dans la protection de la santé de ses salariés.

C'est bien l'entreprise qui fut en première ligne face à la crise et c'est donc elle qui doit disposer de moyens suffisants pour pouvoir réagir le plus rapidement possible, l'État n'intervenant qu'en second lieu. Or, face à la crise sanitaire, de nombreuses entreprises se sont retrouvées esseulées, ne sachant pas vers quel interlocuteur se tourner en matière de prévention.

La principale piste d'amélioration réside assurément dans le renforcement des moyens mis à la disposition des entreprises en matière de prévention, préalable indispensable à toute réforme structurelle des questions de santé dans le monde du travail. En effet, lorsqu'une crise de cette ampleur survient, l'efficacité de la réponse dépend intégralement des moyens mis en oeuvre pour éviter l'extension de ses effets, et de leurs conséquences à long terme. Le proverbe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir prend ici tout son sens : il faut en tout savoir prendre la mesure des précautions afin d'éviter au maximum les difficultés. Il est en effet plus aisé d'empêcher un problème douloureux que de le résoudre.

Le rapport intitulé « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », remis au Premier ministre en août 2018 par notre collègue Charlotte Lecocq, propose de favoriser l'accès des entreprises aux dispositifs de prévention par l'instauration d'un guichet unique à l'échelon régional. Le groupe Agir ensemble est favorable à cette simplification qui permettra un gain de temps nécessaire et bienvenu.

De plus, une réflexion doit être amorcée en vue de revaloriser la profession de médecin du travail, car on observe que celle-ci est choisie en dernier par les étudiants en médecine, preuve de son manque d'attractivité. Il est indispensable de rendre à la médecine du travail ses lettres de noblesse en lui conférant une place reconnue dans le parcours de soins du salarié et en l'instituant comme une véritable référence auprès des médecins de ville. Votre proposition de résolution va dans ce sens, ce qui nous satisfait.

Vous soulignez en outre l'importance de l'inclusion professionnelle. Tout comme vous, je suis intimement convaincu que l'entreprise de demain doit être plus solidaire et adaptée aux spécificités de chacun. La société est un tout : nous sommes tous liés les uns aux autres. Il est primordial que le travail puisse être accessible aux plus vulnérables d'entre nous pour que leurs fragilités d'aujourd'hui puissent être transformées en forces pour la collectivité.

Je tiens de plus à souligner la nécessité d'apporter une sécurité juridique aux employeurs en limitant la possibilité que leur responsabilité soit engagée lorsque l'un de leurs salariés est atteint d'une maladie comme le covid-19. Vu le risque pandémique, dont l'actualité démontre quotidiennement qu'il reste extrêmement difficile à maîtriser, il serait cohérent de mieux adapter le cadre juridique de la responsabilité des employeurs. Ainsi, dès lors qu'il n'y a pas de faute intentionnelle et que l'entreprise a mis à la disposition des employés tous les moyens de protection individuelle, il conviendrait de ne pas faire peser sur elle le poids moral et financier d'une éventuelle mise en cause de sa responsabilité pénale et civile et de clarifier les responsabilités respectives et les obligations qui en découlent. Il serait nécessaire que le cadre juridique évolue en prenant en compte ces considérations.

Le texte inscrit à notre ordre du jour a vocation à ouvrir le débat sur la nécessaire réforme du système de santé au travail. Je remercie nos collègues Carole Grandjean, Charlotte Lecocq et Cendra Motin d'avoir ainsi porté ce sujet avec force au sein de notre assemblée. Les membres du groupe Agir ensemble soutiendront la proposition de résolution. Pénibilité, prévention, nouveaux risques, protection des salariés : les enjeux sont tels, madame la ministre du travail, que nous espérons voir la traduction de ce texte dans un projet de loi à examiner au plus vite.

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