Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 25 juin 2020 à 9h00
Gouvernance des établissements publics de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Nous ne le dirons jamais assez : merci aux équipes médicales, soignantes, techniques, administratives et aux directeurs, qui ont su s'organiser rapidement au début de l'épidémie pour accroître nos capacités hospitalières et faire face, autant que faire se pouvait, à la vague des malades.

La responsabilité du groupe La République en marche dans la crise est grande. Alors que nous alertions le Gouvernement depuis le début de la législature sur le manque de lits, le manque d'effectifs médicaux et soignants et le manque de reconnaissance des professions hospitalières, ces trois dernières années ont été marquées du sceau des fermetures de lits, de services hospitaliers et d'hôpitaux de proximité.

Au beau milieu d'un mouvement sans précédent de grèves des soignants, à l'automne dernier, nous frôlions déjà la catastrophe par manque de lits de réanimation. À l'époque, vingt-deux enfants avaient dû être transférés à Rouen, Caen, Amiens ou Reims depuis la région francilienne, faute de lits pédiatriques en nombre suffisant, parfaite illustration de l'absurdité de la méthode consistant à réaliser à marche forcée des économies sur la santé.

Dans son programme, Emmanuel Macron prévoyait de réaliser 15 milliards d'euros d'économie dans ce domaine. Force est de constater qu'il est en passe d'y parvenir. Il semble même en être fier, comme le montre sa dernière allocution télévisée : une honte !

La situation actuelle de nos établissements de santé ne peut donc en aucun cas être expliquée uniquement par des problèmes d'organisation.

Néanmoins, la question de la gouvernance des hôpitaux mérite d'être posée et je remercie le rapporteur de nous permettre d'en discuter aujourd'hui.

Nous comprenons l'intention, louable, qui est à l'origine de cette proposition de loi : s'adapter à chaque contexte local et tirer profit des expérimentations prometteuses pour lutter contre le non-recours aux soins et éviter une deuxième vague de l'épidémie. Nous saluons nous aussi certaines initiatives qui ont été prises et partageons cet objectif. Toutefois, celui-ci ne doit pas entrer en contradiction avec la volonté de mettre sur pied une véritable démocratie sanitaire et de proposer une offre de soins juste et harmonisée sur l'ensemble du territoire.

Depuis la loi dite Bachelot du 21 juillet 2009, les directeurs d'établissement ont déjà des pouvoirs très étendus, qui s'opposent bien souvent à la logique médicale. Les laisser seuls maîtres à bord fait courir le risque de dérives majeures et de ruptures d'égalité dans l'accès aux soins. En plus d'être dangereux, ce serait pour sûr inefficace, car les bonnes décisions se prennent toujours à plusieurs, et non seul.

Un dispositif d'urgence existe déjà, qui permet aux directeurs d'hôpitaux d'obtenir des autorisations exceptionnelles dans un laps de temps très court. Graver ce type de dispositif dans le marbre de la loi ne serait pas souhaitable.

Pour le comprendre, il faut rappeler le contexte actuel, celui du carcan de la tarification à l'activité et des regroupements hospitaliers. La logique des groupements hospitaliers de territoire – GHT – est mortifère pour les établissements publics de santé, parce qu'elle détruit la diversité de l'offre hospitalière et accroît la complexité du management, au détriment des hôpitaux de proximité et de taille moyenne.

Dans un tel contexte, qu'attendre des directeurs d'établissement, sinon qu'ils jouent le jeu du Gouvernement en fermant des lits, des services et en licenciant du personnel ? Vous vous fourvoyez si vous pensez qu'il suffirait de leur remettre les clefs des établissements de santé pour améliorer la situation.

En définitive, quel devrait être le rôle du ministère et de ses relais dans les territoires, les agences régionales de santé ? Il devrait être d'énoncer des règles claires permettant de mener une politique sanitaire harmonisée à l'échelle nationale, et non pas, en aucun cas, d'appliquer une politique d'austérité qui asphyxie nos établissements de santé, les met en concurrence les uns avec les autres et méprise la démocratie sanitaire. Quel devrait être le rôle du directeur d'établissement ? Il devrait être de mettre en application la politique sanitaire en s'adaptant aux contextes locaux, en codécision avec les équipes soignantes, tel un trait d'union, un chef d'orchestre, un animateur de la démocratie sanitaire, et non pas, en aucun cas, de décider seul des regroupements hospitaliers, des fermetures de services et de lits, avec pour seule boussole l'objectif des économies à réaliser et pour seule carte une vision comptable et managériale. Qui devrait être aux commandes de l'hôpital public, au coeur de sa gouvernance, sinon les équipes médicales et soignantes, proches des réalités du terrain, ainsi que les usagers, tous deux ignorés par cette proposition de loi ? C'est la condition sine qua non d'un diagnostic juste et d'une gestion humaine des établissements. En aucun cas cette gouvernance ne doit être confisquée par des structures technocratiques éloignées des patients ou par des directeurs d'hôpitaux réduits à la fonction de managers.

L'hôpital public n'est pas une entreprise. Nous devons sortir d'une structuration trop bureaucratique et verticale pour passer à une logique plus humaine et horizontale. C'est pourquoi le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.

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