Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Venons-en à 2012 : comme je vous l'ai dit, j'ai fait de la transparence totale ma ligne de conduite. Lisez le rapport, monsieur le député. Si vous aviez pris le temps de le lire, vous ne vous exclameriez pas : 2012, 2012, 2012 !

Je suis le premier à reconnaître qu'en 2012, il est impossible d'établir une responsabilité, pas plus celle du Gouvernement que celle du Parlement. Mais ce n'est pas moi qui le dis : c'est le rapport. De ce point de vue, celui-ci est extrêmement clair. Il met en lumière un point intéressant pour nous tous : en 2012, le Gouvernement comme le Parlement sont partis sur une mauvaise piste.

En effet, si la la question de la conformité de la taxe de 3 % sur les dividendes avec la directive européenne dite mère-fille a bien été soulevée, comme Charles de Courson et Gilles Carrez l'ont rappelé, le point de conformité soulevé par le Parlement, comme par certains experts, n'était pas le bon.

Certains – peu nombreux, disons-le – se sont posé la question de la compatibilité de la taxe avec l'article 5 de la directive mère-fille, lequel dispose que les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont exemptés de retenue à la source. Or il se trouve que ce n'était pas le problème soulevé par la taxe : le vrai problème était celui de sa compatibilité avec l'article 4 de la directive, avec la rupture d'égalité face à la fiscalisation des distributions de dividendes provenant de filiales, selon que ces dernières sont établies dans un État membre de l'Union européenne, en France ou dans un État tiers.

En 2012, comme le rapport l'établit de manière très claire, personne – je dis bien personne – n'a soulevé la question de la conformité de la taxe sur les dividendes avec l'article 4 de la directive mère-fille : seuls quelques-uns, peu nombreux au demeurant, ont soulevé la question de sa conformité avec l'article 5 de cette directive, concernant la retenue à la source, ce qui n'a, en définitive, été retenu comme motif de non-conformité ni par la Commission, ni par la Cour de justice de l'Union européenne, ni, évidemment, par le Conseil constitutionnel.

Par la suite, en revanche – sur ce point également, le rapport est sans appel, il montre que la faiblesse se situe bien là – , à partir du 26 février 2015 et de la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne, des mesures correctrices auraient dû être prises. À partir du moment où la France était mise en demeure par la Commission pour non-conformité de la taxe à la directive mère-fille, le Gouvernement aurait dû prendre des mesures correctrices. Or aucune mesure en ce sens n'a été prise à cette date ni ensuite.

Le 19 juin 2015 – je le dis pour ceux qui ont eu ici la tentation de mettre en cause l'administration fiscale – , la direction de la législation fiscale rédige une note « alarmiste » – le terme figure dans le rapport, que je ne fais que citer. Cette note établit qu'il existe effectivement un risque de contentieux, que l'issue en paraît incertaine et qu'il ferait courir un risque important au budget de l'État. Or, toujours selon le rapport, cette note n'a suscité aucune réaction.

En outre, et j'y vois un élément extraordinairement probant, à partir de la fin de l'année 2015, les contentieux ouverts par les entreprises concernées par la taxe sur les dividendes ont explosé, puisque si jusqu'au 1er janvier 2015, on n'en dénombrait que 23, pour le seul mois de décembre 2015, on en enregistrait 429 !

Entre la mise en demeure de la Commission européenne en date du 26 février 2015, la note de la direction de la législation fiscale en date du 19 juin 2015 et l'explosion du nombre des contentieux à la fin de 2015, il y avait là suffisamment d'éléments pour que les décisions politiques nécessaires soient prises afin de parer aux risques liés à cette taxe sur les dividendes : il n'en a rien été.

Gilles Carrez a soulevé un problème majeur : celui de la jurisprudence européenne qui doit tous nous interroger. Comment les prochains contentieux seront-ils traités ? Quelles difficultés d'interprétation les directives peuvent-elles soulever au regard des différences fiscales existant entre États membres ? Il y a là un vrai débat.

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