Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Pourquoi ne pas choisir, comme le proposent depuis le début de l'examen du texte de nombreux amendements que nous avons soutenus aux côtés de plusieurs députés de l'opposition et de la majorité, des modes de filiation simples, identiques pour toutes et tous, tels que la reconnaissance et la possession d'état, et les inscrire dans le droit commun ?

Aux termes de ce texte, et pour reprendre la formule d'Orwell, toutes les personnes seraient égales, mais certaines seraient plus égales que d'autres. En l'état, le texte issu des travaux de la commission en deuxième lecture ne résout pas non plus certains problèmes qui se posent aux familles déjà constituées. Quid, par exemple, des couples de femmes séparés où seule la mère ayant porté l'enfant a été reconnue comme telle, l'autre mère ne pouvant l'adopter puisqu'il faudrait, pour cela, qu'elle soit mariée ?

Enfin, il y a dans le projet de loi un sujet qui relève bien de la bioéthique, mais qui a été traité comme un enjeu mineur : l'interdiction des mutilations subies par les enfants intersexes. Ces derniers, qui ne représentent pas moins de 1,7 % de la population, présentent, à la naissance, des variations de développement génital. La médecine et la société infligent à ces enfants, parfois encore nourrissons, des opérations parfois très lourdes, généralement à visée purement esthétique, sans aucune urgence vitale, pour leur assigner de force une identité de genre et les conformer à l'idée que la société se fait de ce à quoi doit ressembler une fille ou un garçon. Bien évidemment, cela se fait sans leur consentement éclairé : un genre leur est ainsi attribué de force, pratiquement au hasard, en fonction de la taille de leur organe génital ; plus d'un tiers d'entre eux ne s'y reconnaîtront pas à l'âge adulte. Ces opérations peuvent entraîner de très lourdes séquelles physiques et psychologiques et des pathologies nécessitant des traitements à vie.

Ces actes constituent des violations des droits humains, pour lesquelles la France a été condamnée à plusieurs reprises dans le cadre de l'ONU – Organisation des Nations unies – en 2016, par la voix du Comité des droits de l'enfant, du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et du Comité contre la torture. Des associations internationales de défense des droits humains, telles que Human Rights Watch et Amnesty International, se sont ouvertement positionnées en faveur de l'arrêt de ces pratiques. En France, la DILCRAH, la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT – personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans – , appelle également à l'arrêt des mutilations. Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Conseil d'État ont respectivement publié des avis en ce sens en mai et juillet 2018. Je suis sûre, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes particulièrement sensible à la question de la protection des enfants et de leur intégrité : ce sont des personnes, à qui il faut donner la possibilité de choisir leur genre.

Il a fallu des mois et les appels répétés des associations de personnes concernées pour que le sujet arrive enfin dans le débat et, au bout du compte, c'est une mesure d'accommodement plutôt que d'interdiction qui a été introduite dans le texte.

Voilà pourquoi, même si nous soutenons la majeure partie des mesures du texte, celui-ci nous paraît encore inachevé et largement perfectible. Pour toutes les personnes concernées, qui ont parfois vécu ces débats comme une remise en cause de leur vie, de leur famille, de leur corps, voire de leur humanité, mais aussi pour toutes celles qui ont manifesté, pétitionné, lutté, protesté, écrit, filmé, expliqué le plus pédagogiquement possible, et même raconté leur intimité, pour qu'enfin cessent ces discriminations flagrantes, le groupe de la France insoumise continuera, en deuxième lecture et, nous l'espérons, jusqu'à l'adoption du texte, à interpeller la majorité, à amender, et à formuler des propositions pour défendre ces légitimes revendications.

Comme le disait Marsha P. Johnson, l'une des femmes transgenres noires ayant lancé les émeutes de Stonewall, qui sont à l'origine des marches des fiertés et de nouvelles avancées pour les droits des personnes LGBT :

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