Intervention de Aina Kuric

Séance en hémicycle du lundi 27 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric :

Le progrès humain nous surprend chaque jour, repoussant sans cesse la frontière des possibles. Il est à l'origine des plus belles réalisations de l'humanité, mais aussi de ses heures les plus sombres. Aiguillon constant de notre conscience, il nous pousse à tout questionner. Dans un processus aussi inévitable que bénéfique, c'est ainsi que notre société évolue peu à peu. Les lois, qui sont le reflet de la société, ne peuvent qu'en accompagner les changements.

Cependant, les avancées scientifiques ne peuvent pas et ne doivent pas devancer l'éthique. Par le terme « éthique », j'entends les normes qui définissent notre société et notre nation, tout ce que nous avons collectivement et tacitement considéré comme souhaitable et raisonnable : la lutte contre les discriminations, l'intérêt supérieur de l'enfant, ou plus largement le respect des droits humains. Ces normes constituent en réalité le ciment de notre contrat social.

Ainsi, lorsque nous traitons de sujets sanitaires, médicaux ou biologiques, notre boussole doit être l'équilibre entre deux principes : d'une part, ouvrir certains droits qui favorisent le bien-être des Français et encourager la recherche pour que notre législation ne s'embourbe pas dans le passé ; d'autre part, s'assurer que c'est bien l'éthique qui définit les orientations de la science et non l'inverse. En synthèse, l'enjeu auquel nous devons répondre devant les Français consiste à faire en sorte que le progrès humain reste humain.

À cette fin, tout ce que nous construisons en matière de bioéthique doit se fonder sur trois piliers. Le premier d'entre eux est la dignité, qui recouvre des principes tels que la primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, l'absence de caractère patrimonial du corps humain et son inviolabilité, ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine. Ces principes se traduisent, par exemple, par l'interdiction de créer des embryons chimériques.

Le deuxième pilier est la solidarité. Illustrée par le don altruiste, elle s'exprime par exemple dans l'assurance maladie obligatoire, l'égal accès aux soins ou la place accordée aux plus vulnérables. Le principe de solidarité implique également d'entendre la souffrance exprimée par certains, notamment par ceux qui sont confrontés à un projet familial qui ne peut aboutir. Enfin, le troisième pilier est la liberté, qui vise à préserver la part de vie privée et donc l'autonomie de l'individu dans ses choix. Elle suppose la possibilité d'exprimer un consentement personnel réellement libre et éclairé.

La synthèse de ces trois piliers constitue le fil rouge de nos politiques publiques en matière de bioéthique depuis plus de vingt-cinq ans. Depuis 1994, le Gouvernement et le Parlement légifèrent en ce sens. À chaque fois, même si les débats ont été passionnés, notre société en est ressortie grandie. Les droits nouvellement ouverts nous paraissent désormais, avec du recul, tout à fait naturels et incontestables.

En 1994, trois lois de bioéthique sont venues encadrer la gestion des données pour la recherche médicale, les dons d'organes et de gamètes, l'assistance médicale à la procréation ainsi que le diagnostic prénatal. En 2004, il a fallu s'adapter à différentes évolutions scientifiques. Le choix a ainsi été fait d'interdire le clonage et, sauf à de rares exceptions, le diagnostic préimplantatoire, mais d'autoriser la recherche sur les embryons. En 2011, pour répondre au manque de donneurs d'organes et à l'essor de la procréation médicalement assistée, le législateur a ouvert la voie au don croisé des premiers et a redéfini les modalités de la seconde.

En 2020, il est l'heure de répondre aux nouvelles évolutions de la recherche. Il nous incombe de nous appuyer sur ce qui a été fait en matière de bioéthique ces vingt-cinq dernières années, sans renier les principes directeurs que j'ai énoncés, mais sans hésiter non plus à faire évoluer les dispositions du droit qui n'ont plus de sens.

Il est normal que le fait de parler de bioéthique suscite de l'inquiétude et des tensions. Mais je suis convaincue qu'aujourd'hui encore, comme nous l'avons fait en première lecture, nous trouverons un consensus qui prendra en compte toutes les sensibilités et s'affranchira des clivages politiques classiques. Députés et sénateurs de tous bords ont su se mettre d'accord, nous l'avons vu et nous le verrons encore.

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