Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 9 novembre 2017 à 8h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président :

– Cet échange démontre que nous devons nous saisir de cette question.

En effet, l'analyse scientifique est difficile, en particulier dans les sciences de la vie, et l'épidémiologie en situation est une discipline particulièrement délicate.

Plusieurs raisons peuvent expliquer que les agences obtiennent des résultats différents. Le mot « dangereux », par exemple, n'a pas toujours la même définition. Il existe en outre des différences de méthodologie entre le point de vue nord-américain, appuyé sur une étude du produit en situation et l'approche européenne, qui s'intéresse d'abord aux substances actives. Un produit peut contenir une substance dangereuse sans être dangereux en situation, et vice-versa.

Aujourd'hui, les scientifiques se demandent si certains effets nocifs observés sur le terrain sont dus au glyphosate lui-même, à une combinaison de substances ou à des variantes de glyphosate. Il nous revient d'expliquer comment des méthodologies différentes aboutissent à des résultats différents.

Il n'existe apparemment que trente-cinq études épidémiologiques sur le glyphosate ; c'est peu. Certains experts soutiennent d'ailleurs que la moitié des résultats publiés sont faux ou discutables, car leur précision statistique n'est pas suffisamment solide, dans un contexte où la statistique a longtemps été considérée comme un domaine mineur que chacun pouvait aisément s'approprier, ce qui n'est pas le cas.

Notre rôle est d'expliquer les méthodologies et leurs conséquences aux citoyens et aux politiques. Le Conseil scientifique de l'Union européenne l'a fait, d'ailleurs, en rendant compte des différences de résultats.

Il existe toutefois une autre possibilité : une éventuelle manipulation, une interférence de groupes de pression. C'est une question politique, mais aussi scientifique, dont nous sommes également saisis.

Des éléments récents ont mené à l'ouverture d'un procès en class action aux États-Unis. Les Monsanto Papers ont montré que cette entreprise payait des lobbyistes pour influencer les résultats des études. Le Parlement européen s'est penché sur la question, mais Monsanto n'a pas répondu à son invitation. On ne peut pas douter, pourtant, que ses pratiques n'étaient pas toutes reluisantes. L'agence européenne de sécurité des aliments, l'EFSA, mise en cause, s'est défendue en cherchant à montrer que, malgré les pressions, ses résultats sont dignes de foi.

En France, Le Monde a publié des articles ravageurs le mois dernier sur les échanges entre Monsanto et la Commission européenne, et sur les conditions de publication de certains articles qui appuyaient l'utilisation de certaines substances produites par cette entreprise. Le devoir du politique est de répondre à l'inquiétude des citoyens. S'il y a un problème dans nos institutions décisionnelles, il faut faire des propositions pour le résoudre, s'il n'y en a pas, il faut l'expliquer et restaurer la confiance.

Je suis d'accord pour ne pas répondre à la saisine dans les termes dans lesquels elle nous a été adressée ; faisons-la évoluer. Je recommande toutefois de commencer à travailler de manière informelle dès maintenant en nous accordant sur la méthodologie. Nos collègues députés Mme Anne Genetet et M. Philippe Bolo sont intéressés et piaffent d'impatience !

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