Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du vendredi 31 juillet 2020 à 21h30
Bioéthique — Article 19 bis

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

En tant que toubib, médecin qui veut faire progresser la recherche et reculer les problèmes de santé quels qu'ils soient, j'ai tendance à l'approuver, sur le principe, la démarche qui consiste à autoriser le diagnostic préimplantatoire à la recherche d'une aneuploïdie pour éliminer des risques de malformations ou d'anomalies chromosomiques susceptibles d'entraîner une fausse couche ou l'apparition de problèmes de santé graves pour un enfant.

Cependant, parmi les arguments que j'ai entendus, il y en a un auquel je ne souscris pas. En première lecture, il m'avait fait vaciller en conscience, mais je vous propose aujourd'hui de ne pas le retenir, et de voter différemment. En effet, je ne crois pas à l'argument de l'eugénisme. Je considère que ni les parents engagés dans une démarche de DPI-A ni les médecins désireux que soient pratiqués ces diagnostics n'ont une vision eugéniste de la société ou l'intention d'éliminer un enfant parce qu'il serait porteur d'une anomalie chromosomique. Je n'y crois pas.

Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas vous lancer ? Parce qu'en fait, nous ne savons pas. On ne sait pas dire aujourd'hui, même sans certitude, si le mosaïcisme, les mosaïques chromosomiques, produit assurément des anomalies de nombre chromosomique lorsque l'embryon se développe, et on ne sait pas dire si l'enfant sera porteur d'une trisomie ou d'une autre forme de maladie, ou si la fausse couche est certaine. Or, en médecine – et c'est à nouveau le médecin qui parle – , lorsque l'on ne sait pas, on fait de la recherche.

Le Gouvernement ne vous propose pas le statu quo. Il ne s'agit pas de fermer la porte aux parents qui veulent savoir ou aux médecins qui veulent que les parents puissent savoir, en invoquant un risque de dérives. Nous vous proposons un projet de recherche multicentrique, un PHRC – programme hospitalier de recherche clinique – réalisé dans six CHU, notamment à Paris, Nantes, Clermont-Ferrand, Strasbourg et Dijon, avec en outre un protocole géré par le professeur Catherine Patrat à Cochin, soit sept centres au total qui veulent expérimenter pour comprendre, savoir et répondre. Cette démarche qui permet de faire avancer la recherche médicale me paraît saine. Le mosaïcisme conduit-il à des anomalies chromosomiques de l'embryon et à un sur-risque de fausse couche ? C'est ainsi que l'on fait progresser la médecine. Nous sortons de quelques mois compliqués au cours desquels nous avons bien vu que, lorsque la recherche voulait se précipiter, on faisait des erreurs. Nous ne vous demandons pas de supprimer une disposition sans rien proposer à la place, mais de faire confiance aux chercheurs qui veulent s'engager dans le projet de recherche multicentrique.

Parce que vous êtes pragmatiques et que vous souhaitez, comme moi, que les choses avancent rapidement, vous serez sensibles au fait que le PHRC débutera dès cet automne : dans deux à trois mois, nous aurons un projet de recherche clinique. Si nous en restions à une expérimentation dans deux établissements – et pourquoi, d'ailleurs, deux centres seulement ? – , elle n'entrerait en vigueur qu'assez tard en 2021. Entre une expérimentation inscrite dans le marbre de la loi sans qu'on en maîtrise les tenants et les aboutissants, qui ne concerne que deux centres et qui ne commencera que dans un an et demi, avec un objectif direct de réalisation pratique, et, d'autre part, un projet de recherche clinique multicentrique qui commencera dans trois mois, porté par la communauté hospitalo-universtaire et permettant d'obtenir des réponses avant d'avancer dans la pratique si ces réponses reçoivent le soutien des familles et des médecins, je préfère la seconde solution, celle du PHRC. C'est pourquoi je vous demande, en confiance, de voter l'amendement du Gouvernement qui vise à supprimer le dispositif relatif au DPI-A tel qu'il figure dans le texte qui nous est soumis.

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