Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 16 septembre 2020 à 15h00
Conseil économique social et environnemental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Chambre consultative de la société civile, le Conseil économique, social et environnemental devait être un atout démocratique. Au lieu de cela, ce sont de petites nominations entre amis, un coût extravagant et un travail clairsemé, voire anémique. Le moins que l'on puisse dire est que le CESE est loin de faire l'unanimité. Rien d'étonnant à cela car, malgré son aspiration à représenter les différents acteurs de notre société – des syndicalistes aux associations, en passant par le patronat – , lorsque vous préférez les nominations aux élections, copinage et cooptation ne sont jamais très loin. En 2010, d'ailleurs, une quarantaine de nominations pour le moins douteuses avaient défrayé la chronique. À l'époque, Jean-Paul Delevoye – eh oui ! – , alors président du CESE, reconnaissait, entre fatalisme et légèreté : « On n'y échappera pas, quels que soient les gouvernements, il y aura toujours la récompense, la câlinothérapie. » Lorsque c'est le représentant de l'institution décriée qui en est à dire cela, il ne faut plus s'étonner de rien.

Rien, c'est d'ailleurs, peu ou prou, ce qui a été fait depuis lors pour lutter contre cette dérive qui porte un sacré coup à la légitimité d'une institution qui se rêve pourtant en égale de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Rien non plus pour corriger le tir quant au coût faramineux de ce Conseil aux grandes aspirations, mais aux petits résultats. Pour rappel, ce sont 41 millions d'argent public qui sont injectés chaque année dans les caisses du CESE. En contrepartie de quoi ? D'un quasi-néant, sinon une vingtaine de rapports et avis émis chaque année, sur des thèmes largement traités par d'autres. La note est un peu salée et, à ce prix-là, on pourrait s'attendre à un travail non seulement de qualité, mais aussi d'une impartialité irréprochable.

Au lieu de cela, ce sont – pour ceux qui les lisent – des textes en écriture inclusive, qui se font les porte-voix de quelques lobbies et qui se permettent, par exemple, de prendre position sur des sujets aussi graves que la fin de vie en paraphrasant et maquillant le mot d'euthanasie, trop clivant, sous le terme de sédation « explicitement létale ». Quelle hypocrisie !

Critiqué depuis de décennies, le palais de l'Iéna a d'ailleurs failli être libéré de son locataire quand le Général de Gaulle a voulu fusionner le Conseil avec le Sénat – pour ne pas dire : le supprimer – , déjà conscient que l'institution s'était éloignée des aspirations initiales et qu'elle s'était encroûtée. Aujourd'hui, ce placard confortable où quelques recasés de l'Élysée et de Matignon siègent au compte-gouttes est le nouveau grigri d'Emmanuel Macron. Rien n'est trop beau pour lui : le CESE doit devenir la nouvelle plaque tournante d'une démocratie renouvelée.

Avec, pour ce faire, le fameux tirage au sort, remis au goût du jour par la convention citoyenne sur le climat pour « représenter pleinement la société dans toute sa diversité et sa vitalité », selon les mots mêmes du Président de la République. Pour justifier le tirage au sort, on s'est beaucoup référé à la Grèce antique, et particulièrement à la démocratie athénienne. On en est pourtant loin, car les Athéniens ne confiaient pas au sort les questions qu'ils jugeaient fondamentales, comme la conduite de la guerre. Dans cet esprit, remettre l'écologie à la loi du hasard donne l'impression, au contraire, qu'on en fait vraiment peu de cas. Oui, c'est faire peu de cas de nos assemblées parlementaires légitimement et démocratiquement élues que de valider le tirage au sort pour pouvoir mieux représenter les Français. Le paradoxe est de taille.

On regrette, enfin, que le droit de pétition ne soit pas réformé avec plus de pragmatisme, en souvenir des grandes manifestions contre le mariage pour tous et de la pétition jugée irrecevable, justement, par le CESE, alors qu'elle avait recueilli 690 000 signatures.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.