Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 29 octobre 2020 à 21h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Conseil et contrôle de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Bon, chers collègues, votre littérature est un peu aride ! J'ai regardé les documents et survolé des rapports plein de tableaux, de chiffres, de zéros et d'euros. Mais, combien reste-t-il d'oiseaux dans le ciel, de poissons dans les fleuves, de lombrics sous terre ? Cela, on ne nous en dit rien. Rien non plus sur le corail des océans, sur les abeilles, sur les ours blancs que nous massacrons comme des brigands. Mais les autorisations d'engagement pour la coordination de la politique européenne, elles, nous les connaissons à l'euro près : 16 524 457 euros !

Voilà ce qu'est le contrôle de l'État, un contrôle des euros. Il y a des tas d'organes qui comptent : la Cour des comptes bien sûr, mais aussi le Haut Conseil des finances publiques, et puis, ici, à l'Assemblée, le printemps de l'évaluation. C'est un joli nom, même s'il n'est pas question d'évaluer les hirondelles qui reviennent ou les coquelicots qui éclosent, mais « la mobilisation des crédits budgétaires » et « les répercussions budgétaires » de la crise. Voilà notre poésie !

On reste collé à l'origine du mot « contrôler », à son étymologie dans l'ancien français. Contre-roller : vérifier des comptes en inscrivant sur un second registre. Sept siècles plus tard, cette définition étroite, étriquée, limitée demeure la nôtre. Voilà notre contrôle de l'État et de l'exécutif : un contrôle des euros, sans social, sans environnement, sans morale. Nous sommes restés au Moyen Âge budgétaire.

Bon, regardons tout de même ces comptes ! C'est avec hauteur, tambours et trompettes que, cet été, l'Élysée claironnait que le plan serait de retour. Il est vrai que nous aurions bien besoin d'un plan, tant à force de confinement-déconfinement-reconfinement notre pays semble être aujourd'hui sans boussole, sans cap, sans capitaine – à moins que ce dernier ne soit borgne et aveugle, et que le navire France, emporté par les courants, flotte au gré des flots, à peine guidé au doigt mouillé.

Que découvre-t-on donc à lire vos rapports ? Que le plan n'existe pas, en tout cas n'existera pas l'année prochaine ! Pas un rond ne lui est dédié. En Sherlock Holmes du budget, madame Dalloz, rapporteure spéciale intriguée, a appelé le cabinet du Premier ministre qui a confirmé qu'il n'y avait pas de crédits inscrits pour le fonctionnement du plan.

Je me suis en conséquence demandé qui contrôlait l'État, qui contrôlait ces effets d'annonce frauduleux et ces publicités mensongères. Quand le président Macron lance la convention citoyenne pour le climat, 5 millions d'euros sont bel et bien inscrits, mais quand il s'engage à reprendre les propositions qui en seront issues, sans filtre, qui vient contrôler l'État, le chef de l'État ? Personne. Finalement, ce sont les 150 citoyens tirés au sort qui s'y collent eux-mêmes, sans un euro, lançant un observatoire des mesures proposées. Oubliés le moratoire sur la 5G, l'interdiction de nouveaux aéroports, la fin des liaisons aériennes intérieures !

L'année précédente, le même président Macron avait initié le grand débat, pour 12 millions d'euros, comme une « concertation d'ampleur nationale », un « outil consultatif de sortie de crise ». Il y eut 16 000 cahiers de doléances à travers le pays, jamais ouverts, jamais lus, jamais mis en ligne. Tout cela pour finalement ne rien retenir. Qui contrôle l'État, le chef de l'État ? Qui contrôle la confiance rompue, le lien qui se délite quand, le 14 juillet, le Président assure que nous sommes prêts pour la seconde vague ? Quand, avant la rentrée, le Gouvernement affirme que les écoles sont prêtes ? Quand le ministre de la santé, la semaine dernière encore, à la une des Échos, garantit que « L'hôpital est prêt à faire face, la digue et solide » ? Qui contrôle l'État ?

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