Intervention de Antoine Savignat

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Comme j'ai eu l'occasion de le dire à votre prédécesseur, Bercy a définitivement la main, ministère régalien ou pas, justice ou pas. Oui, le budget est en hausse. Oui, c'est mieux qu'une diminution des moyens affectés à la justice. Oui, cela permettra des progrès. Mais est-ce suffisant ? La réponse est non, évidemment, et vous le savez. Comme vous nous l'avez dit vous-même en commission il y a quelques jours, vous auriez préféré nous présenter un budget de 10 milliards, ce qui prouve bien que vous savez ce budget insuffisant.

Non, monsieur le ministre, nous n'aurions pas préféré que vous nous présentiez un budget en déficit. Cela est impossible puisque premièrement – et c'est une règle de comptabilité budgétaire – , il n'y a aucun poste relatif aux recettes à mettre en face des dépenses, deuxièmement, les moyens mis à disposition ne peuvent couvrir les besoins réels : il y a de fait un déficit. L'inquiétude est grande, les moyens sont insuffisants et les réformes et autres expérimentations se multiplient, venant grever un budget qui ne les avait pas anticipées et encore moins prévues.

La crise sanitaire a fortement ralenti le processus judiciaire au printemps dernier et la réforme de la justice des mineurs va générer dans sa phase transitoire un surcroît de travail et un besoin en personnels qui n'avaient pas été envisagés dans la loi de programmation. L'extension, à moyens constants, de l'expérimentation de la nouvelle juridiction que sont les cours criminelles accaparera elle aussi des magistrats, des greffiers et des salles au détriment d'autres activités, dont celles des cours d'assises qu'elles sont pourtant censées désengorger. La lutte contre les violences intrafamiliales, déclarée priorité nationale, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, nécessitera elle aussi, si l'on veut des résultats, d'importants moyens humains et financiers, notamment pour la généralisation de bracelet anti-rapprochement, pour laquelle rien n'a été provisionné.

La justice de proximité que vous appelez de vos voeux, et que nous souhaitons, ne sera effective qu'à condition de lui consacrer des moyens. Il en va de même pour la multiplication des travaux d'intérêt général, dont l'encadrement sera extrêmement onéreux. Nos prisons sont indignes, vous le savez, vous n'avez eu de cesse de le répéter à juste titre. Il faut en construire et cela coûte cher. L'accès de tous à la justice, alors que les procédures avec représentation obligatoire par un avocat se multiplient, doit être financé justement pour permettre à l'ensemble des professionnels du droit d'en vivre dignement, vous le savez mieux que quiconque.

Vous vous retrouvez face à un budget sans marges de manoeuvre, face à des choix cornéliens, et finalement face à une impossibilité totale de faire évoluer les choses. Monsieur le ministre, ce budget était déjà insuffisant en 2018 lorsqu'il a été construit, insuffisant en 2019 lorsqu'il a été voté : comment voulez-vous qu'il devienne satisfaisant aujourd'hui ? La loi de programmation est appliquée, c'est bien, mais est-ce raisonnable ? Nous ne voulons pas faire le procès du passé. De multiples raisons ont présidé à son vote et à la détermination des fonds à affecter pour les années à venir. Nous ne voterons pas ce budget, non par défiance mais simplement parce que nous ne pouvons trouver satisfaisant ce qui ne l'est pas. Nous ne voterons pas ce budget, qui partage le même objectif que la loi de programmation pour la justice que nous n'avions pas votée, d'autant que les insuffisances sont encore plus nombreuses. Ce n'est pas raisonnable. C'est à vos côtés que nous porterons le combat pour notre justice, en mettant sans cesse le doigt sur les impérieuses nécessités qui lui sont attachées afin qu'elle fonctionne bien, pour tous, et non en nous accommodant des subsides accordés par Bercy. Se satisfaire aujourd'hui de l'insuffisant, c'est préparer des lendemains qui pleurent.

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