Intervention de Perrine Goulet

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPerrine Goulet :

L'examen des missions sur lesquelles nous nous penchons aujourd'hui est intrinsèquement lié à la construction même du budget de l'État : il y a d'une part ce qui relève du budget de la sécurité sociale, que nous avons étudié au cours des semaines précédentes, et d'autre part les crédits des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Si une telle distinction peut s'entendre, elle ne contribue pas pour autant à une meilleure lisibilité des politiques de santé ou de solidarité. Le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés s'apprête donc à examiner cette mission avec exigence au regard des enjeux auxquels notre pays fait face en ces temps de crise sanitaire et économique.

Dans ce contexte de crise sanitaire, la mission « Santé » du PLF devrait avoir un rôle stratégique, notamment son programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », et les diverses actions qu'il comporte. Pourtant, on ne retrouve pas de traduction budgétaire de cette crise dans les crédits demandés pour 2021, alors qu'il paraît évident que l'année à venir sera fortement perturbée par l'épidémie. Il faut nous y préparer, anticiper, pour être en mesure d'apporter les meilleures solutions à la population.

Cette mission pourrait être l'occasion d'une meilleure coordination de la politique de santé, qu'il s'agisse des aspects curatif et préventif ou bien de l'organisation des différentes agences. Au fil des années, le financement de ces agences a basculé du budget de l'État vers celui de la sécurité sociale. Elles sont aujourd'hui majoritairement financées par l'assurance maladie et nous avons pu constater les difficultés que cette situation induit avec Santé publique France, notamment lors de l'achat des masques au printemps dernier. Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, un effort a été opéré pour regrouper la multitude d'agences sanitaires et sociales. La crise actuelle démontre que cet effort doit être poursuivi dans les années à venir. Entendons-nous sur la philosophie de ce regroupement : l'éclatement de ces entités entraîne un manque de lisibilité et d'efficacité dans la conduite de la politique de santé publique, alors que c'est la recherche de cette efficacité au service des Français qu'il nous faut poursuivre.

On note aussi, dans cette mission, l'ouverture de crédits substantiels pour l'investissement et le financement de l'agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna. C'est une bonne nouvelle pour ce territoire ultramarin, et il nous faut la saluer.

Plusieurs programmes portent sur la prévention. Vous savez, monsieur le ministre, que ce sujet est cher à notre groupe. En effet, c'est l'investissement dans la prévention et dans la recherche qui permet d'éviter le recours à des soins curatifs. Nous attirons votre attention sur leur importance dans le cadre de la lutte contre la maladie de Lyme ou encore contre les cancers pédiatriques. Il sera nécessaire d'augmenter les budgets qui leur sont dédiés.

La mission « Santé » comporte deux programmes. Figure dans le programme 183 une action volontiers instrumentalisée, l'aide médicale de l'État. On peut constater que les deux tiers de ses crédits sont utilisés à l'occasion d'une hospitalisation, ce qui témoigne de la grande précarité des publics qui en ont besoin. Je tiens à souligner ici que les soins prodigués dans le cadre de l'AME ne relèvent pas de soins de confort, encore moins d'un quelconque tourisme sanitaire, mais bien de la dignité de la France à soigner les plus indigents.

Quant à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », elle appuie les mesures en faveur du handicap, notamment les dispositions d'insertion des personnes handicapées et la concrétisation des promesses de revalorisation de l'AAH. Depuis 2017, cette allocation a augmenté de 11 %. S'y adjoignent des mesures de simplification et d'humanité : passé un certain taux d'incapacité, il est inutile de justifier de nouveau de son handicap quand celui-ci ne peut évoluer favorablement. Disons-le clairement, c'est une avancée logique, nécessaire et attendue.

L'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, voit son budget progresser. Il s'agit de mener des actions de prévention à destination des femmes, d'améliorer la prise en compte et l'accueil des victimes, mais aussi – enfin, pourrait-on dire – de mettre en oeuvre la plateforme d'écoute du numéro téléphonique 3919 vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce budget, en croissance de 40 %, semble nécessaire au regard des enjeux.

Le budget relatif à l'inclusion sociale est stable, alors que ce secteur va certainement connaître la plus grande tension, compte tenu de la situation économique découlant de la crise sanitaire actuelle. Il traite en effet de la grande pauvreté et prévoit les amortisseurs sociaux qui s'ajoutent au dispositif commun, comme l'aide à alimentaire.

Le budget de ce programme concrétise aussi la contractualisation entre l'État et les collectivités locales. La mise en oeuvre des politiques de solidarité est de plus en plus souvent déléguée à des collectivités locales, à des structures associatives ou bien à l'économie sociale et solidaire – ESS. Si cette volonté d'efficacité et de proximité avec les Français, au plus près des territoires, est louable en soi, elle nuit à la lisibilité des politiques publiques et à leur appropriation par les parlementaires. La contractualisation, qui permet de fixer des objectifs à l'action et aux dépenses de l'État, doit pouvoir être contrôlée par les parlementaires et visible par tous les Français. Cela concerne tant les politiques de solidarité que la protection de l'enfance et l'insertion sociale.

La réflexion sur la contractualisation doit conduire à s'interroger plus largement sur le rapport entre l'État et les collectivités. Le projet de loi dit 3D – décentralisation, différenciation, déconcentration – pourrait apporter une réponse mais, aujourd'hui, les systèmes ne remplissent plus leur rôle. Je pense bien sûr à la protection de l'enfance, dont le modèle est inéquitable car, territorialement morcelé, il n'obéit pas à des standards nationaux. Malheureusement, même si c'est une compétence obligatoire, la protection de l'enfance peut être l'objet d'une réponse politique moins-disante. Ce sujet est connu et j'ai bon espoir que nous puissions le traiter prochainement.

Je soulignerai en conclusion que ces deux missions connaissent une grande stabilité budgétaire, peut-être en deçà des besoins et des enjeux de la crise. Néanmoins, le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates et apparentés a hâte de débattre et de proposer des amendements sur ces sujets et votera les crédits qui y sont dévolus.

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