Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Depuis le début des années 2000, les remboursements et dégrèvements augmentent à un rythme régulier – 5 % par an en moyenne. Ils s'établissaient à 61 milliards d'euros en 2001 ; ils ont dépassé la barre symbolique des 100 milliards d'euros en 2016 ; ils devraient atteindre 152 milliards d'euros en 2020.

Le budget pour 2021 constitue une rupture, puisque la dépense devrait fortement diminuer et s'établir à 126 milliards d'euros.

Sur l'année 2020, la prévision a été fortement révisée, ce que confirme le quatrième projet de loi de finances rectificative. Par rapport à la loi de finances initiale, elle augmenterait de 11 milliards d'euros.

Cette révision s'explique pour partie par l'évolution spontanée des recettes du fait de la crise économique. De plus, les entreprises ont pu obtenir le remboursement accéléré de leurs crédits de taxe sur la valeur ajoutée – TVA – et de certains crédits d'impôt sur les sociétés.

Cependant, ces mesures n'expliquent que la moitié de la révision, le reste étant dû à des causes externes à la crise économique, en particulier l'aggravation du coût des contentieux fiscaux, pour près de 4 milliards d'euros – j'y reviendrai.

En 2021 et pour la première fois depuis 2013, la dépense s'inscrirait en nette diminution par rapport à l'année précédente : elle reculerait de 26 milliards d'euros.

En matière d'impôts d'État, cette évolution s'explique par le contrecoup des fortes hausses enregistrées en 2020, que je viens de mentionner et qui ne se renouvelleraient pas en 2021– en tout cas, je l'espère.

En matière d'impôts locaux, la suppression du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages fera diminuer la dépense de 14,2 milliards d'euros, tandis que la réforme des impôts de production conduira à une baisse de 2,1 milliards d'euros.

Ces prévisions restent néanmoins fragiles : il est difficile de prévoir le rythme de la reprise, les comportements des entreprises et l'évolution de leurs résultats ; les dépenses associées aux contentieux fiscaux sont, comme chaque année, entourées de fortes incertitudes.

En raison du risque budgétaire que ces procédures font peser sur nos finances publiques, il me paraît important de faire un point concernant ces contentieux fiscaux. En effet, les années 2020 et 2021 devraient voir l'aboutissement budgétaire de procédures contentieuses anciennes et très coûteuses pour l'État.

En 2020, ces dépenses devraient ainsi atteindre 3,9 milliards d'euros au titre des contentieux de série, auxquels s'ajoutent 2,6 milliards d'euros au titre d'un contentieux exceptionnel portant sur l'impôt sur les sociétés.

En 2021, la dépense relative aux seuls contentieux de série atteindrait 2,5 milliards d'euros.

Je souhaite rappeler deux points importants.

Premièrement, le coût des intérêts moratoires devrait atteindre 2,3 milliards d'euros en 2020 et 1,3 milliard d'euros en 2021. La diminution adoptée en 2017 ne vaut en effet que pour l'avenir, et les intérêts ont été acquis dans le cadre de procédures anciennes.

Toutefois, du fait de l'insuffisance de son système d'information, l'administration fiscale ne parvient pas à évaluer correctement les conséquences budgétaires potentielles d'une nouvelle évolution du taux des intérêts moratoires, ce taux étant égal à celui des intérêts de retard. Notre commission a adopté un amendement sur ce sujet.

Deuxièmement, le contentieux sur la contribution au service public de l'électricité – CSPE – concerne 14 000 procédures devant les juridictions et 55 000 demandes et représente en enjeu financier de plus de 700 millions d'euros. Le décret permettant au président de la Commission de régulation de l'énergie – CRE – de transiger a enfin été pris.

Sur ce sujet, je souhaitais interroger le Gouvernement. Quand la CRE pourra-t-elle commencer à procéder au règlement des dossiers ? Eu égard au nombre de dossiers, quelle est l'organisation administrative retenue ?

Enfin, sur ma proposition, notre assemblée a adopté l'année dernière un amendement demandant au Gouvernement de publier les informations relatives aux « règlements d'ensemble ».

Cette pratique permet à l'administration fiscale de négocier les droits et les pénalités dus par un contribuable faisant l'objet d'un contrôle fiscal. Elle n'est pas encadrée par les textes et, à l'inverse de la transaction, elle n'empêche pas l'action contentieuse ultérieure. L'administration y a recours lorsque le quantum des rectifications est difficile à établir ou en présence d'un fort aléa juridique.

Les données publiées par l'administration fiscale, que vous trouverez commentées dans mon rapport, sont éloquentes : 116 règlements d'ensemble ont ainsi été identifiés, portant sur 3,2 milliards d'euros de droits et pénalités. Quelque 1,6 milliard d'euros de modérations ont été consentis, dont 1,1 milliard portant sur les droits, et près du tiers concerne une seule opération.

Je ne critique pas l'existence de cette procédure mais, eu égard à ces enjeux et en raison des implications du point de vue de l'égalité de traitement entre les contribuables, il me paraît important de disposer de plus d'informations sur la manière dont ces opérations sont conduites.

Au passage, je signale que j'attends toujours, en ma qualité de rapporteure spéciale, la réponse de la DGFiP concernant l'accès à ces 116 règlements d'ensemble.

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