Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du vendredi 20 novembre 2020 à 15h00
Sécurité globale — Article 24 (appelé par priorité)

Gérald Darmanin, ministre :

Ce point me semble important. J'ai bien compris que Guillaume Larrivé assumait ce choix et distinguait les journalistes des autres citoyens. Toutefois, au-delà des journalistes, la loi concernera n'importe quel citoyen souhaitant capter et diffuser des images – ce qu'il pourra continuer de faire, nous ne cessons de le répéter. La comparution immédiate me paraît dès lors disproportionnée et risquerait de faire l'objet d'une censure constitutionnelle. Je crains donc qu'il ne faille rejeter les amendements et les sous-amendements visant à intégrer les dispositions de l'article 24 dans le code pénal plutôt que dans la loi sur la liberté de la presse. Cela ne rendrait pas service aux personnes visées et cela nuirait à la sécurité juridique du texte.

Une deuxième catégorie de sous-amendements portent sur la mention spécifique des opérations de police, Mme Kuric demandant même pourquoi il faudrait s'y limiter. Il est assez étonnant d'estimer que l'article 24 ne sert à rien ou bien qu'il interdit tout, pour finalement proposer des dispositions encore plus sévères. Les opérations de police, qu'il s'agisse de maintien de l'ordre ou d'interventions sur la voie publique, me semblent être celles qui entraînent le plus de mises en danger des fonctionnaires. Supprimer la mention « lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police » pour que l'ensemble de la vie des policiers et des gendarmes soit concernée me paraîtrait durcir le texte par rapport à la formulation proposée par le Gouvernement.

Une troisième catégorie de sous-amendements, celui de M. Jolivet, entre autres, évoquent l'ajout d'autres professions – pompiers, douaniers, agents de sûreté de la RATP ou de la SNCF – qui exercent des métiers difficiles et dangereux. Je l'entends bien mais, même si la question se pose, le présent texte s'adresse aux policiers et aux gendarmes. Je ne méconnais pas les autres professions susceptibles d'être concernées mais il me semble qu'il faut savoir être limitatif et cibler particulièrement la haine anti-flic évoquée par plusieurs intervenants. Cette haine est organisée par de très petits groupes, certes, mais qui existent ; il est donc nécessaire de circonscrire notre incrimination. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur la mention « dans le cadre d'une opération de police ». Il est vrai que l'on pourrait ajouter « ou d'une opération douanière », mais il serait plus difficile d'inclure les autres professions évoquées.

Monsieur Jolivet, vous pourriez sans doute retirer votre amendement. J'ai bien compris le sens de votre intervention mais je ne pense pas que, dans le temps qui nous est imparti et dans le cadre de ce débat, nous puissions détricoter l'article pour y intégrer des professions qui risquent certes d'être victimes des mêmes faits que les forces de l'ordre mais ne le sont pas à ce jour, à ma connaissance. Je propose que l'article puisse être complété, si nécessaire, lors de la navette parlementaire.

M. Bernalicis et consorts ont par ailleurs demandé pourquoi il fallait compléter les dispositions déjà en vigueur – je crois en être arrivé à la quatrième catégorie de sous-amendements, mais je m'exprime sans doute de façon confuse. Même si la pédagogie est l'art de la répétition, je vais m'efforcer de me répéter en coupant court à l'argument, qui me paraît désormais fallacieux, au sujet de l'article 73 du code de procédure pénale ; je le répète à votre intention notamment, monsieur Mélenchon, puisque vous avez évoqué des éléments ne figurant pas dedans en réalité. J'éprouve beaucoup d'intérêt pour vos arguments – comme pour ceux de l'ensemble des parlementaires – mais je vous propose que nous relisions ensemble l'article 73 du code de procédure pénale pour vérifier qu'il ne mentionne absolument pas l'intention, mais le flagrant délit : « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement [sur ce point vous n'avez pas tort], toute personne [un policier, mais pas uniquement] a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche. » Dans la mesure où vous avez cité cet article de mémoire, monsieur Mélenchon, je me permets de vous inviter à le lire in extenso : il n'y est pas question ici d'un soupçon que pourrait avoir un policier quant à la commission d'un crime.

Il ne me semble pas nécessaire d'entrer plus avant dans le détail de la démonstration de M. Bernalicis. Ses deux reproches sont absolument infondés.

Premièrement, le texte de loi ne prévoit pas que des policiers puissent intervenir pour empêcher qu'on les filme au prétexte des conséquences psychiques dont ils pourraient souffrir, c'est totalement faux.

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