Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 23 novembre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Parce que je vous entends bavarder, madame la secrétaire d'État.

Ce week-end, nous avions organisé dans ma circonscription une collecte alimentaire. C'était l'un de ces moments où la satisfaction de se rendre utile est totalement écrasée sous la peine et surtout l'inquiétude. Je ne cesse de repenser à cette bénévole du Secours populaire de Saint-Denis, qui me confiait son désarroi et son désespoir de constater que la situation continuait de s'aggraver depuis le premier confinement et que de plus en plus de gens faisaient la queue pour des couvertures et de la nourriture. Elle nous confiait que même eux, membres d'une association réputée qui fête ses soixante-quinze ans, ont désormais du mal à récolter suffisamment de denrées au regard de l'ampleur des besoins.

Je ne cesse de penser à ces bénévoles, fatigués physiquement mais surtout humainement d'être abandonnés par l'État face à toutes ces misères et face aux 1 à 2 millions de nouveaux pauvres apparus, selon les estimations, en quelques mois. Ils sont fatigués d'être abandonnés dans une période où les distributions alimentaires ont augmenté de plus de 25 % et où, rien qu'en Seine-Saint-Denis, la demande adressée aux Restos du coeur s'est accrue de 40 % : 40 % de personnes en plus dont les dernières petites économies ne suffisent plus à remplir le réfrigérateur et qui sont contraintes d'envisager de sauter des repas.

Chers ministres, vous qui avez tout le pouvoir, vous qui portez la responsabilité de l'état de notre pays devant l'histoire, qu'avez-vous fait, qu'avez-vous choisi de faire ? Rien ou ridiculement peu. Vous êtes même allés jusqu'à diminuer éhontément de 8 millions d'euros l'aide alimentaire dans le budget de l'année prochaine et à aligner, comme dans ce PLFR, toujours plus de cadeaux aux plus riches et aux plus grosses entreprises, sans fléchages ni contreparties. Que faites-vous, madame la secrétaire d'État, à part lancer quelques mesures gadgets d'un coup de PLFR, avant de baisser, de l'autre main, des budgets dans le PLF de l'année d'après ?

Dans ce texte, vos mesures censées s'attaquer à la pauvreté sont à la fois dérisoires et totalement inadaptées à l'urgence et à la nature de la crise. Il n'y a aucune augmentation des minima sociaux, ni même d'extension du RSA – revenu de solidarité active – aux jeunes de moins de 25 ans, alors que cette mesure serait, dans la situation et même de manière exceptionnelle, le minimum du minimum. Il n'y a rien sur le logement ni sur l'augmentation des expulsions locatives et du nombre de SDF – sans domicile fixe.

Vous continuez sur la même lancée dans tous vos textes, avec la même logique libérale et mortifère, que vous assumez de nouveau. Même lorsque le Sénat arrange un tout petit peu votre texte en demandant à taxer les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – ou à rendre le fonds de solidarité plus proportionnel et plus juste, notamment pour les petits commerçants, les artisans et les indépendants, vous ne laissez rien passer qui sorte de vos plans libéraux mortifères.

Pourtant, c'est la quatrième fois de l'année que vous voulez nous faire voter une loi de finances rectificative : je l'ai dit, en théorie, ces lois devraient servir à rectifier les erreurs et les manques budgétaires. Mais que rectifiez-vous aux inégalités ? Avec la suppression de la taxe d'habitation, vous avez offert 8 milliards d'euros aux 753 000 foyers fiscaux les plus riches, alors que vous n'avez, en pleine crise, que 2 milliards, toutes lois de finances confondues, à offrir aux 10 millions de pauvres ? Vous n'êtes même pas capables d'augmenter, ne serait-ce que de 10 %, le RSA, alors qu'une telle hausse ne coûterait que 1,2 milliard d'euros, et que vous avez offert 28 milliards d'euros aux plus aisés entre la suppression de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – , l'instauration du PFU – prélèvement forfaitaire unique – , la suppression de la taxe d'habitation pour les plus riches et les cadeaux aux grosses entreprises encore prévus pour l'année prochaine !

Il est temps de rendre ces 28 milliards d'euros à la solidarité nationale, ce qui serait plus efficace que votre politique de l'offre, car cela doperait la consommation populaire. De même, il serait temps d'aider davantage le petit commerce en taxant les profiteurs de crise que sont les grandes entreprises du e-commerce. Alors que vous corrigez votre copie pour la quatrième fois de l'année, il est temps de corriger les inégalités et la misère qui étouffent notre pays. J'ai bien entendu ce matin M. Castex affirmer qu'il allait répondre à l'appel des maires des quartiers populaires, en leur donnant 1 milliard des 100 milliards d'euros du plan de relance, mais j'avoue mon inquiétude en entendant que ce montant sera réparti entre des mesures pour l'insertion, l'emploi, le secteur de l'éducation, la mobilité et les commerces de proximité, c'est-à-dire des enveloppes convoquées pour d'autres aides : cette façon d'utiliser plusieurs fois les mêmes mesures financières en fonction des pressions est un peu facile !

Il ne faut plus hésiter : un plan d'urgence contre la pauvreté, financé par une taxation des plus riches, est absolument nécessaire. Voilà ce sur quoi vous devriez faire travailler l'Assemblée nationale !

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