Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 16h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Nous devrions nous réjouir d'une proposition de loi sur la santé. Nous devrions nous réjouir de pouvoir partager le quotidien, l'expérience de nombre d'entre nous, en vue d'avancer ensemble pour améliorer notre système de santé. Pourtant, ce texte ne répond en rien, absolument en rien aux maux dont font état les soignants, leurs collectifs, leurs représentants syndicaux, et les groupes de l'opposition qui construisent pour le pays des projets alternatifs.

Le 10 juillet 2017, nouvelle députée, je rappelais ici les quatorze besoins fondamentaux de Virginia Henderson qu'apprennent tous les soignants pour exercer leur métier – une charte éthique en somme. Reprenons mon discours de 2017, besoin par besoin, et faisons le point ; regardons où nous en sommes trois ans et demi plus tard.

Premier besoin : respirer, une chose simple en soi et pourtant compliquée quand il fait plus de trente degrés dans une chambre de centre hospitalier universitaire. Aujourd'hui, rien n'a changé.

Deuxième besoin : boire et manger. J'avais fait sourire en comparant le gavage des humains à celui des oies et des canards, mais sur l'homme comme sur les animaux, vous n'y êtes pas.

Troisième besoin : éliminer. C'est la capacité d'une personne à être autonome pour éliminer selles et urine et assurer son hygiène intime, besoin tellement évident, sauf que, faute de temps pour accompagner les patients aux toilettes, la pose d'une protection est devenue systématique. Pas de changement, si ce n'est des économies sur la qualité des protections.

Quatrième besoin : se mouvoir et maintenir une bonne posture. C'est la capacité d'une personne à se déplacer seule ou avec des moyens mécaniques. Nous n'avons pas le temps : ce sera donc fauteuil roulant ou maintien au lit pour tout le monde. L'ironie fait qu'aujourd'hui, on est confiné jusque dans son lit.

Cinquième besoin : dormir, se reposer. Les laboratoires ne vous ont jamais autant remerciés.

Sixième besoin : se vêtir, se dévêtir, non pas découper les vêtements, comme je vous l'expliquais. Je parle toujours de permettre aux gens d'être habillés dignement. Toujours pas résolu.

Septième besoin : maintenir sa température corporelle dans la limite de la normale. Je vous demandais à l'époque si nous pouvions avoir, comme dans la plupart des foyers français, des thermomètres en nombre suffisant. Je ne vous ferai pas l'affront de vous reparler des équipements de protection individuelle – masques, surblouses, gants.

Huitième besoin : être propre et protéger ses téguments. Je vous avais proposé le jeu de la toilette, chacun chez vous en moins de six minutes. Vous n'y arrivez pas, les soignants non plus, et pourtant rien n'a changé.

Neuvième besoin : éviter les dangers, les morts. Le covid-19 démontre que ce n'est toujours pas le cas.

Dixième besoin : communiquer avec ses semblables. J'alertais, à l'époque : « Considérez-vous, madame la ministre, que répondre aux patients : ''désolé, je n'ai pas le temps'' constitue une forme de communication sociale ? » Cela n'a évidemment, monsieur le ministre, pas changé.

Je rassemble de nouveau les quatre derniers besoins fondamentaux : agir selon ses croyances et ses valeurs, s'occuper en vue de se réaliser, se récréer, apprendre. À l'époque, je remerciais et témoignais mon respect à toutes les personnes bénévoles qui, par leurs actions, permettaient que ces derniers besoins soient préservés, mais vous serez d'accord avec moi que les confinements ont bien mis à mal leurs actions. Même ça, ce n'est plus le cas.

Vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, la boussole servant à examiner une politique n'est pas une guerre de chiffres abstraite, mais consiste bien à juger de la réalisation possible ou non des principes élémentaires aux métiers de la santé. Vous avez hérité d'une situation désastreuse, j'en conviens, mais au lieu d'engager un véritable plan en faveur du monde de la santé, vous avez perpétué les mêmes politiques d'austérité et de regroupement forcé. C'est encore dans une bulle technocratique que cette proposition de loi a été conçue. Pire, elle comporte des erreurs de rédaction prouvant que nous sommes une nouvelle fois en train de discuter d'un brouillon.

Tout cela n'est pas sérieux. La période actuelle exige pourtant plus que tout de regarder avec responsabilité le monde de la santé. Après quatre PLFSS ratés, après un Ségur raté, voici des corrections ratées. Si c'était une fiction nous pourrions en rire, mais la France n'est pas une série et voir le monde de la santé se prendre les pieds dans le tapis ne fait rire personne. Vous mettez à mal un pan considérable de notre société. Le rappel des règles élémentaires des soignants est un exemple significatif. Quand allez-vous écouter les propositions de La France insoumise ? Quand allez-vous écouter les soignants ? Vous avez applaudi à vingt heures, soit, mais vous n'avez hélas rien fait d'autre.

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