Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du lundi 30 novembre 2020 à 21h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

Nous avons déjà largement évoqué les constats auxquels nous a conduits la crise sanitaire actuelle : bureaucratisation du temps médical, concentration des médecins et des hôpitaux, manque d'attractivité des professions paramédicales ou des spécialités, répartition inégale des budgets dans les territoires. Or, s'il a mis en lumière l'extraordinaire force de nos soignants, le virus a également révélé l'incapacité de notre système de santé à réduire les inégalités sociales face à la maladie.

La grande consultation du Ségur de la santé avait pour objectif d'envisager la hausse des rémunérations promise, d'améliorer les conditions de travail et la prise en charge des malades à l'hôpital. À défaut de prendre en compte l'ensemble des professionnels de santé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – pour 2021, que l'Assemblée vient d'adopter définitivement, prévoit des mesures importantes concernant l'investissement dans les établissements, les revalorisations salariales, le recrutement de nouveaux personnels et l'augmentation significative de l'ONDAM – objectif national des dépenses d'assurance maladie. Nous aurions préféré que les mesures non budgétaires du Ségur fassent l'objet d'un projet de loi, et soit donc présenté par le Gouvernement, car cela aurait permis de disposer d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État, mais vous avez fait un autre choix.

Reste que ce texte ne permet pas de distinguer une mobilisation massive du système de santé en faveur de la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. En effet, il ne dit rien de la capacité de notre organisation à appréhender la diversité des situations sanitaires dans les territoires et à rattraper les situations les plus alarmantes, résultat d'un passé industriel, de spécificités économiques, de situations sociales fragiles et de caractéristiques démographiques, forcément différentes d'une région à l'autre : il n'y a pas un, mais plusieurs états de santé, en fonction des régions, et auxquels on ne saurait apporter que des réponses différenciées.

Sur la forme, nous partageons les objectifs du titre du texte : la réforme de notre système de santé doit passer par plus de confiance et de simplification envers et pour ses professionnels. D'ailleurs, les divers articles permettant de donner plus de souplesse aux établissements pour s'organiser librement et favoriser les recrutements nous semblent aller dans le bon sens.

Cependant, sur le fond, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est bien éloignée du texte initial : beaucoup de modifications opérées en commission des affaires sociales, la semaine dernière, ont permis de lever des incohérences.

Je pense notamment à l'article 1er, dont la rédaction initiale avait pour objectif de donner un cadre légal à une nouvelle profession médicale intermédiaire. La marche arrière finalement opérée en la matière nous a rassurés, tout comme l'ensemble des professionnels de santé, en particulier les médecins, dont l'ordre avait menacé de ne plus participer aux discussions sur cette profession intermédiaire si l'article n'était pas retiré. De fait, les Français ayant déjà du mal à s'orienter dans le système de soins, créer une nouvelle profession aurait ajouté de la confusion sans débloquer le cloisonnement important existant actuellement entre les métiers.

Nous espérons que l'article 7, qui porte sur l'accélération de l'intégration au sein de groupements hospitaliers de territoires, connaisse le même sort : en effet, cette intégration nous semble relever d'une démarche autoritaire qui ne correspond pas au volontariat affiché dans la stratégie « Ma santé 2022 ». Il existe actuellement 135 GHT sur notre territoire, présentant chacun des tailles, des histoires, des organisations différentes. Des intégrations et des directions communes existent déjà, qui sont la volonté des acteurs désirant aller au-delà d'un projet médical partagé : faisons leur confiance pour organiser des structures au plus proche des besoins des patients, tout en permettant aux établissements de conserver une direction autonome, même en cas de vacance de poste pendant une période donnée, si cela est nécessaire.

Par ailleurs, l'introduction par amendement de l'article 7 bis, relatif au service universel d'appel d'urgence, nous semble inappropriée. Même si cette proposition est dans la droite ligne du rapport « Pour un pacte de refondation des urgences », remis en décembre 2019 par notre rapporteur général, et que, face à encombrements constatés, la simplification et la mise en cohérence de l'organisation des appels d'urgence doivent être envisagées, cette disposition est loin de faire consensus : des expérimentations sont en cours, laissons-leur le temps d'être évaluées. Cette question mérite un texte spécifique et un débat éclairé, c'est pourquoi nous défendrons un amendement de suppression de l'article.

Nous souhaitons également que nos débats puissent aborder l'enjeu des effectifs de personnels dans nos établissements de santé. Beaucoup de soignants ont la sensation de ne pas pouvoir exercer leurs fonctions correctement, de bâcler leur travail et de ne pas accorder une attention suffisante aux patients dont ils ont la charge. Il nous semble donc indispensable de tenir compte de cette revendication cruciale des infirmiers et aides-soignants pour améliorer la qualité des soins. Les enjeux sont connus de tous : il s'agit notamment de lutter contre un taux de rotation et d'absentéisme importants.

Pour conclure, je veux rappeler notre ambition première, qui est de nous donner enfin les moyens de lutter contre un paradoxe français : un bon état de santé moyen, mais des inégalités se creusant dès le plus jeune âge et se maintenant tout au long de la vie.

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