Intervention de Jacques Maire

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Accord de coopération avec les États membres de l'union monétaire ouest-africaine — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Maire, suppléant M Jean François Mbaye, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

En introduction, je tiens à souligner l'implication du rapporteur Jean François Mbaye qui, avec Marc Le Fur, a mené des consultations importantes sur ce sujet, en France et en Afrique.

Il me revient de présenter à l'ensemble de l'Assemblée nationale le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l'UMOA, conclu le 21 décembre 2019 à Abidjan, qui porte sur la réforme du franc CFA dans sa composante ouest-africaine. Le débat dans cet hémicycle sur un sujet relatif à la souveraineté monétaire de pays tiers montre qu'il était temps d'ouvrir une nouvelle ère.

Oui, le débat sur le franc CFA est particulièrement sensible. Oui, cette monnaie porte en elle à la fois ce qu'elle est – un instrument d'échange, une valeur économique – , mais aussi ce qu'elle représente pour de nombreuses personnes et qu'il faut entendre : le souvenir de blessures du passé qu'il est grand temps de refermer.

Aussi vrai que l'euro représente l'identité d'une partie de l'Europe, le franc CFA continue de charrier les débats identitaires de la jeunesse africaine. Plus de soixante ans après les indépendances, le seul fait que cette monnaie conserve l'acronyme des colonies françaises d'Afrique est vécu comme un frein à sa représentativité par une partie de la population. Aussi, il est salutaire et emblématique que, dans cette assemblée, des femmes et des hommes, dont certains sont le fruit de la double histoire africaine et française, vous proposent d'aller de l'avant dans un grand débat démocratique et appellent les sociétés civiles de France et d'Afrique à se saisir du sujet.

Chers collègues, la France gagne-t-elle de l'argent sur le dos de l'Afrique en garantissant sa monnaie ? Non. La France a-t-elle besoin des réserves de change bloquées par les banques centrales africaines ? Non. Le franc CFA est-il l'arme de la Françafrique ? Encore une fois, non.

Il nous revient, à l'occasion de ce projet de loi, de démystifier la question du franc CFA et d'ouvrir, à la demande des pays de l'Ouest africain, une nouvelle page d'intégration monétaire et économique au bénéfice des jeunesses africaines. Notre parlement a été à la hauteur des enjeux lors de l'examen d'un texte qui déterminera à n'en pas douter l'écriture des prochaines pages de la grande histoire qui lie la France au continent africain et plus particulièrement à sa partie occidentale. En notre qualité d'héritiers de cette histoire, il ne pouvait en être autrement.

Avant de revenir sur les axes principaux de cette réforme, rappelons succinctement le fonctionnement de l'actuel franc de la communauté financière africaine, plus connu sous le nom de franc CFA ou XOF.

Arrimé à taux fixe depuis 1945 à la monnaie nationale française, celui-ci est utilisé par les huit pays de l'UMOA, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. En pratique, cette parité fixe a le mérite de prévenir les risques d'inflation, protégeant ainsi le pouvoir d'achat et l'épargne des ménages. De même, elle permet d'assurer la stabilité monétaire en évitant les risques de change, ce qui constitue un avantage non négligeable pour les investisseurs, qu'elle place dans un environnement comparable à celui de la zone euro.

Elle n'est néanmoins pas dénuée d'inconvénients, comme la contrainte que la force de sa valeur impose à l'économie des pays à faibles revenus. Les conséquences concrètes de cette situation prennent notamment la forme d'une perte de compétitivité à l'export, difficulté palliée par la pratique de taux d'intérêt très élevés, pouvant atteindre 15 % à 20 %, par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest – BCEAO – et par les banques commerciales.

La force d'une monnaie trouve sa source dans la confiance qu'ont en elle les agents économiques. C'est ici que la France intervient, car elle garantit, au moyen de son propre budget, la valeur du franc CFA. Aux termes de l'accord monétaire de 1973, la contrepartie de cette garantie prend la forme d'un dépôt de 50 % des réserves de la BCEAO auprès du Trésor français ; un représentant de celui-ci est en outre délégué auprès des instances dirigeantes de la BCEAO.

Rappelons que, contrairement aux idées reçues, la participation française à la gouvernance de la BCEAO constitue la simple traduction de la prérogative du garant de contribuer à la gestion du risque auquel il s'expose. Il ne s'agit en aucun cas pour la France de s'ingérer dans la conduite des affaires intérieures d'États exerçant pleinement leur souveraineté.

Avec l'accord soumis à notre examen, le compte d'opération ouvert dans les livres du Trésor français sera clôturé au plus tard au 31 décembre 2020, permettant à la BCEAO de disposer à sa guise de l'ensemble des réserves et de les placer où cela lui semblera opportun.

L'accord met également un terme à la représentation française permanente auprès des instances monétaires ouest-africaines ; la France ne pourra faire intervenir une personne désignée par elle qu'en cas d'activation de la garantie apportée par le Trésor français.

Quelles que soient les réformes monétaires auxquelles conduira cette évolution, la France s'inscrit dans le sens de l'histoire. En effet, elle répond aux faux procès en néocolonialisme qui lui sont faits.

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