Intervention de Benoit Simian

Séance en hémicycle du jeudi 17 décembre 2020 à 9h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Simian :

Pour la dernière fois, nous examinons le projet de loi visant à proroger les quatre premiers articles de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT », ainsi que l'article 25 de la loi relative au renseignement. La mise en oeuvre de ces dispositions législatives visant à prévenir les actes de terrorisme avait en effet été autorisée par le législateur jusqu'à la fin de l'année 2020 et nous approchons sérieusement de l'échéance.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, cette demande strictement encadrée dans le temps apparaît justifiée au regard du retard accumulé dans le calendrier parlementaire. Si l'Assemblée nationale avait, en première lecture, raccourci la durée de prorogation de ces mesures à six mois au lieu d'un an, ce retard justifie que l'on revienne à la prolongation initiale d'un an prévue par le projet de loi.

Toutefois, au-delà des mesures strictement exceptionnelles, nous n'accepterons pas le prétexte de l'embouteillage parlementaire pour exonérer une nouvelle fois le Parlement d'une révision sur le fond des mesures relatives applicables en 2021. Nous l'accepterons d'autant moins qu'à l'instant où nous discutons de ce texte, des travaux sont en cours sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, également appelé texte contre les séparatismes – il me semble d'ailleurs qu'on ne devrait examiner ce type de texte qu'en période calme.

Dans l'immédiat, nous répétons que nous sommes soulagés de voir que le texte soumis à notre examen ne comporte pas les dispositions du Sénat visant, au lieu de simplement les prolonger, à pérenniser dans notre droit l'ensemble des mesures sécuritaires. Il convient de rappeler que ces mesures permettent au ministère de l'intérieur d'imposer différentes restrictions aux personnes placées sous contrôle direct de l'administration, comme l'interdiction de quitter une commune ou l'obligation de pointer quotidiennement au commissariat, alors qu'elles reposent sur des critères imprécis et sur des informations généralement issues de notes blanches. J'en profite d'ailleurs pour saluer l'excellent travail mené par les services de renseignement français, qui font ce qu'ils peuvent, avec des effectifs contraints, pour faire aux menaces que nous connaissons.

Le groupe Libertés et territoires éprouve des réserves de fond tant sur la loi renforçant la sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme que sur la loi relative au renseignement. D'après certaines analyses, les dispositions de la loi SILT créent une zone de non-droit : le régime de l'état d'urgence a été introduit dans le droit commun, avec tous les vices que cela entraîne du point de vue du respect des droits humains. Au demeurant, rien n'indique que ces dispositions sont utiles et plus efficaces que celles du droit commun.

Une évolution du cadre légal est cependant absolument nécessaire, et notre groupe y prendra toute sa part le moment venu.

Néanmoins, s'agissant de la technique de recueil de renseignement dite « de l'algorithme », dont la prolongation est prévue à l'article 2 du projet de loi, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement demande elle aussi un bilan de l'application du cadre légal mis en place en 2015.

Par ailleurs, des recours sont en cours d'examen devant les juridictions européennes. Le Gouvernement devra tirer les conséquences des décisions qui seront rendues par la Cour de justice de l'Union européenne. Saisie sur plusieurs questions préjudicielles de constitutionnalité relatives à la conservation des données, la Cour a formulé différentes préconisations.

En définitive, le groupe Libertés et territoires confirme qu'il votera pour la prorogation des mesures concernées mais sera particulièrement vigilant lors de leur examen sur le fond dans quelques mois.

Monsieur le président, vous sachant très amoureux de Jacques Chirac, je terminerai par cette magnifique citation de Charles Pasqua : « La démocratie s'arrête là où commence la raison d'État. » Je vous souhaite de belles fins d'année !

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