Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du lundi 1er février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

Je laisserai à mes collègues du groupe La République en marche le soin de préciser notre position sur les articles parce que, même si ce texte est examiné dans la procédure du temps législatif programmé, le débat va vivre et sera riche. Ce soir, je vous préciserai ce qui fait la raison d'être de ce projet de loi.

Tout d'abord, certains territoires de notre République vont mal et leurs habitants s'y sentent abandonnés. L'effacement de l'action publique y est manifeste, même si, depuis trois ans, nous pouvons saluer le fait que la majorité et le Gouvernement ont opéré un retour des services publics, de l'école, de l'action.

Cette situation a créé un symptôme qui est devenu une nouvelle cause de la souffrance de ces quartiers. Le Président de la République a nommé ce symptôme avec une grande clarté lors de son discours des Mureaux, le 2 octobre dernier. Il a résumé d'un mot l'idéologie des groupes qui défendent un projet politique ou religieux visant à l'instauration d'une contre-société au sein même de la République. Ce mot, c'est le séparatisme : imposition de normes sociales, diffusion d'une morale religieuse rigoriste, refus de l'altérité, de la mixité et, tout simplement, de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Dans certains de nos territoires, des écosystèmes islamistes se sont créés, formant ce que le ministre de l'intérieur a appelé le terreau du terrorisme.

Le constat est dressé depuis longtemps. Le rapport Obin, qui pointait déjà les soubresauts de l'école face à l'islamisme, date de 2004. Dix-sept ans se sont écoulés, et les gouvernements successifs ont mis la poussière sous le tapis. Il y a un constat lucide à faire, celui d'une double impunité. À l'incapacité de la puissance publique à tenir son rang, s'est ajoutée une cécité vis-à-vis du communautarisme de certaines associations à qui nous avons, de fait, délégué la gestion sociale de certains quartiers. Ce n'est pas le cas de ce gouvernement !

Combattre le séparatisme, comme l'a rappelé le Président de la République, c'est articuler une réponse sociale à la réaffirmation des principes de la République. Restaurer la promesse de la République et l'égalité républicaine, c'est s'appuyer sur ces deux piliers. Ce texte n'est qu'une des étapes du rétablissement du pacte républicain dans notre pays. Ce n'est certes pas la première. Je voudrais rappeler la création des quartiers de reconquête républicaine, le réinvestissement social avec le dédoublement des classes de CP et de CE1, la loi contre les violences sexuelles et sexistes. Ce n'est pas non plus la dernière. Je pense aux 3,3 milliards d'euros de mesures annoncées la semaine dernière en faveur des quartiers et de la rénovation urbaine ; je pense aux dispositions législatives, notamment sur le logement, qui les compléteront.

Le Gouvernement articule les outils de l'action publique dans leur pluralité et leur cohérence. Les différents piliers de l'action publique sont et seront toujours mis en oeuvre. Mais l'objet du présent projet de loi est bien de lutter contre le séparatisme partout où il s'est infiltré.

Je voudrais dire un mot sur la jeunesse. La jeunesse est une cible des séparatismes, en particulier des séparatismes islamistes, notamment dans les territoires abîmés du pays. L'identité que nous leur proposons, que leur propose la République, leur paraît creuse. Dans ce cas, il est tentant d'écouter ceux qui vous disent : « tu n'es pas accepté ici, tu n'es pas d'un ailleurs que tu pourrais fantasmer, mais tu appartiens à quelque chose qui nous dépasse tous. » La contre-société islamiste a des vecteurs multiples – de l'imam sur internet au club sportif qui impose la prière – et elle sait parfaitement profiter des interstices de notre système. Ce qui est insupportable à l'ensemble de nos concitoyens, c'est que des fanatiques aient trouvé des angles morts dans nos règles et dans notre État de droit. Face à cela, la solution n'est pas l'intolérance mais bien la clarté et la transparence. Clarté, pour qu'une règle exprime les principes républicains qui nous font vivre ensemble ; transparence, pour que ceux qui voudraient les manipuler ne puissent en aucun cas profiter des brumes administratives pour le faire en toute impunité. Nous devons donc énoncer des règles générales qui s'appliquent à tous.

C'est aussi pour cette raison que le projet de loi ne qualifie pas les comportements séparatistes. Ceux-ci sont aujourd'hui majoritairement islamistes, mais l'adversaire pourra, demain ou après-demain, être différent : la loi doit garder une visée généraliste et une certaine hauteur de vue. Je rappelle que la République a constamment procédé ainsi : la loi de 1905 ne fait aucune mention du catholicisme qui était alors visé.

Le premier enjeu de ce texte est d'étendre le principe de neutralité religieuse de l'ensemble des acteurs de l'action publique, tout en respectant les usagers des services publics dans l'intimité de leurs convictions, y compris quand ils ou elles accompagnent des enfants lors des sorties scolaires. Il s'agit aussi de protéger les acteurs de l'action publique contre le séparatisme. Malheureusement, l'actualité nous montre combien cela est nécessaire. Les associations sont les acteurs fondamentaux de notre pacte républicain, et comme le Président de la République l'a dit dans son discours des Mureaux, elles doivent unir la nation non la fracturer.

Certains fondamentalistes ont parfaitement compris l'usage qu'ils pouvaient faire de notre système. Ils savent même comment percevoir de l'argent public pour combattre la République. Nous allons renforcer certaines obligations administratives et financières des associations. Ces nouvelles dispositions pourront apparaître comme une complexification irritante pour certains, mais la quasi-totalité de nos concitoyens et de nos associations n'y trouveront qu'une case à cocher sans difficulté quand cette même case sera la preuve du mensonge des radicalisés. Il faut donc faire quelques concessions pour le bien commun, comme l'a reconnu le président du CFCM devant la commission spéciale le 11 janvier dernier. L'égalité devant la loi nous oblige tous à accepter les restrictions pour nous protéger collectivement.

Le projet de loi contient également des mesures sur la dignité que j'associe d'ailleurs à celles sur l'éducation. Les certificats de virginité ne concernent que quelques personnes ; de même, les mesures sur la sortie du système scolaire ne concernent que quelques milliers de petites filles. Mais au nom de quoi, au nom de quel mépris accepterions-nous ces situations ? Uniquement parce qu'elles ne concernent que peu de monde et que, sur le reste, c'est un petit peu dérangeant ?

Nous ciblons enfin les réseaux sociaux où les influenceurs salafistes et fréristes sont légion, chassent en meute et distillent leur poison. C'est ce terreau de haine que nous combattons, car nous avons constaté à quel point il était meurtrier avec l'assassinat du professeur Samuel Paty.

Le second grand volet du projet de loi entend mettre de l'ordre et de la transparence dans l'exercice du culte, notamment musulman, car les financements des associations qui gèrent les mosquées demeurent parfois opaques à bien des égards. Cela est facilité par le statut d'association de la loi 1901, lequel se caractérise actuellement par des obligations comptables minimales et permet de surcroît une certaine porosité entre le cultuel et le culturel.

La religion, en tant que conviction spirituelle et pratique cultuelle, est un droit fondamental. Son exercice n'a de limite que dans la liberté de chacun et dans le respect de l'ordre public. Mais nous pouvons convenir qu'elle est aussi souvent le prétexte de la radicalité. C'est le cas lorsqu'elle est dévoyée par des entrepreneurs religieux qui diffusent des conceptions en rupture avec la société française.

Oui, il faut protéger la gouvernance des associations cultuelles, combattre l'intervention des puissances étrangères et donner accès à des financements sereins et transparents ; c'est ce que nous faisons pour le bien de tous et pour le plus grand bénéfice d'une religion, l'islam, qui participe à la richesse de notre nation autant que les autres. Je le dis en tant que laïque, nourri par les Lumières et serein dans mon amour de la République et de ses principes.

Nous examinons un projet de loi qui nous protège tous. Je lui promets le même avenir que la loi de 1905 et même celle de 2004. Toutes ont provoqué des passions, mais elles créent en définitive une forme d'évidence, car elles prouvent toutes que les divers croyants, les athées et les agnostiques pouvaient vivre dans la concorde qui doit être la réalité de notre République.

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