Intervention de Éric Diard

Séance en hémicycle du lundi 1er février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Diard :

Nous entamons l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Le 2 octobre 2020, le Président de la République s'exprimait aux Mureaux sur le thème du séparatisme : j'ai alors déclaré apprécier ses propositions, tout en espérant qu'un fossé ne se creuserait pas entre les mots et les actes, et que le projet de loi ne serait pas moins ambitieux que son discours.

Malheureusement, force est de constater que nous nous trouvons face à un texte cadenassé, sur le plan de procédure, tout d'abord : les débats ont été restreints en commission du fait que de nombreux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution ; en séance, ils le seront par le temps législatif programmé. Le combat contre l'islamisme radical constitue pourtant un sujet de taille !

Ce texte est aussi cadenassé sur le fond car, s'il traite du séparatisme, il élude précisément la radicalisation. Certes, le séparatisme ne débouche pas systématiquement sur la radicalisation, mais les individus radicalisés passent nécessairement par la case séparatisme et il est fort dommageable de vouloir dissocier les deux aspects dans ce projet de loi. Il existe en effet une véritable zone grise entre le séparatisme et la radicalisation : il est difficile de les cloisonner de façon arbitraire.

Ce texte n'aborde pas non plus le sujet du séparatisme en prison, alors que celle-ci est pourtant le terreau historique du séparatisme et de la radicalisation islamistes. Entre 1995 et 2000, ce sont près de 450 activistes du Groupe islamique armé, le GIA, qui se sont retrouvés en prison en région parisienne. Ce regroupement a évidemment eu des effets aussi spectaculaires que funestes. Il s'est poursuivi avec l'arrivée d'une deuxième vague de prisonniers djihadistes d'ex-Yougoslavie, qui ont fait basculer une partie de la population pénale de droit commun dans la radicalisation violente.

Loin de s'améliorer, la situation s'est aggravée avec, en plus des détenus terroristes dits TIS – terrorisme islamiste – , les détenus de droit commun soupçonnés de radicalisation – DCSR – , dont le nombre est bien évidemment difficile à évaluer. Beaucoup de ces détenus continuent à faire du prosélytisme et de nombreux DCSR sont passés à l'acte ces dernières années. Plus d'une quarantaine de détenus liés au terrorisme ont été libérés en 2020 et une soixantaine le seront en 2021. Près de 400 DSCR seront aussi libérés en 2020 et 2021. L'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic a déclaré qu'il n'était « pas sûr que nos services de renseignement aient la capacité de traiter autant de sorties à la fois ». Quant au procureur général François Molins, il reconnaît que le risque majeur est de voir sortir des gens « qui ne seront pas du tout repentis, qui risquent même d'être encore plus endurcis ». Le débat sur le séparatisme en prison aurait mérité de se tenir dans cet hémicycle à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.

Je regrette également que le sujet du monde de la santé ne soit pas directement abordé dans ce texte. Pourtant, les chemins du djihadisme et de l'hôpital se sont croisés. Farid Benyettou, mentor des frères Kouachi et concerné par l'attentat déjoué aux Buttes-Chaumont, était ainsi en formation d'infirmier à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière en janvier 2015. De même, Amine Ladjal, interpellé en Turquie en 2016 alors qu'il s'apprêtait à rejoindre les rangs de l'État islamique, était interne en chirurgie orthopédique à l'hôpital de la Timone, à Marseille. Il y a trois ans, la Fédération hospitalière de France a réalisé une enquête auprès des établissements : un tiers des sondés avaient alors répondu par l'affirmative à la question : « Avez-vous eu connaissance de problématiques liées à la gestion du fait religieux ? » Selon l'urgentiste Patrick Pelloux, « l'examen clinique se perd » et beaucoup de médecins « usés par les obstructions de certains patients, abandonnent la palpation et ordonnent tout de suite des examens et scanners. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.