Intervention de Marine Le Pen

Séance en hémicycle du mercredi 3 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarine Le Pen :

Lors de son discours aux Mureaux, le Président de la République a énoncé un constat qui me semblait assez juste, et rejoignait d'ailleurs celui que je fais depuis des décennies. Il semblait avoir enfin compris, comme le dit si bien Jean-Paul Garraud, que le but des islamistes n'est pas tant de se séparer de la République que de s'en emparer. Il déclarait ainsi que nous devons nous attaquer au séparatisme islamiste, « ce projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, qui se traduit souvent par la constitution d'une contre-société ». Il continuait en ces termes : « il y a dans cet islamisme radical [… ] une volonté revendiquée, affichée, une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle, ériger d'autres valeurs, développer une autre organisation de la société, séparatiste dans un premier temps, mais dont le but final est de prendre le contrôle, complet celui-ci ». Or le texte que nous examinons me paraît participer d'une vision bien différente du constat du Président. J'en suis la première désolée.

Nous avions pourtant dit, à l'occasion d'un long entretien avec vous, monsieur le ministre, que nous participerions activement à un tel élan national, indispensable pour lutter contre l'hydre islamiste, laquelle s'infiltre partout. Malheureusement, lorsque j'ai découvert votre projet en décembre dernier, j'ai constaté que je n'avais pas su vous convaincre. Nous sommes bien loin d'un texte visant à lutter contre l'islamisme et, comme d'autres orateurs l'ont dit avant moi, les changements de titre successifs sont la triste illustration de votre reculade politique. Plus problématique, beaucoup de mesures s'appliqueront à tous, alors que les risques qu'elles ont pour objet de prévenir ne concernent que les agissements d'une faible minorité, pour reprendre les mots du Conseil d'État.

De notre côté, nous avons déposé un texte pour lutter précisément et exclusivement contre la minorité qui diffuse et impose les idéologies islamistes. Ce sont en effet leurs défenseurs qui nous ont déclaré la guerre depuis plusieurs décennies. Quand je dis « nous », je ne désigne pas seulement les Français, même si nous sommes une cible privilégiée ; ce « nous » est mondial. Ces idéologies sont à l'offensive partout, y compris dans certains pays musulmans. Elles visent le Moyen-Orient, la bande sahélo-saharienne et bien sûr l'Europe, qui est non seulement touchée par le terrorisme islamiste, mais également victime d'entrisme dans tous les secteurs de la société, dans le but d'en changer fondamentalement la nature.

Ainsi, pour nous attaquer au séparatisme islamiste, il faut tout d'abord désigner l'ennemi. Ne pas le faire est une des grosses lacunes de votre texte. Désigner l'ennemi, c'est prendre conscience de son existence, de son mode de fonctionnement, de ses modes de pensée, de ses armes ainsi que de ses soutiens, actifs et passifs. Cela permet aussi d'éviter tout risque de confusion ; en effet, vous admettrez qu'il y a une incohérence à vouloir lutter contre une idéologie politique en élaborant une loi qui modifie les règles, plus que centenaires, applicables aux religions. Les idéologies islamistes sont totalitaires et hégémoniques. Vous ne parviendrez pas à les vaincre en essayant seulement de les freiner, de les gêner. Sur ce point, je rejoins l'interrogation du Conseil d'État « sur la capacité de la réforme à atteindre tous ses buts ».

Ce défaut, le sociologue Bernard Rougier – que vous avez longuement consulté – le souligne cruellement lorsqu'il explique que ce texte doit permettre de concurrencer l'islamisme à défaut de l'éliminer. Car concurrencer l'islamisme, ce n'est pas suffisant, monsieur le ministre ! La proposition de loi que j'ai déposée – et j'invite à la cosigner tous ceux qui veulent isoler le problème de l'islamisme radical – ne se contente pas, elle, de vouloir gêner les islamistes en appliquant des dispositions technocratiques telles que des contrôles renforcés ou de nouvelles contraintes. Les mesures que je propose sont éminemment politiques. Elles sont destinées à empêcher partout la diffusion, les manifestations et la pratique d'idéologies qu'une minorité cherche à imposer dans le but de régir l'intégralité des existences individuelles et de la vie sociale et de guider tous les actes de la vie civile et politique.

L'islamisme a réussi, malgré nos mises en garde, à s'immiscer partout, notamment à cause de la faiblesse, de la lâcheté et parfois même de la compromission de nos dirigeants. Ce projet de loi est une occasion loupée – je m'en attriste. Or, dans la guerre contre les islamistes, chaque minute compte : eux continuent méthodiquement d'avancer leurs pions. Il y va de la vie de nos enfants, de notre survie en tant que civilisation, de la paix dans le monde. Alors j'invite tous ceux qui ne veulent plus voir nos valeurs bafouées, nos libertés reculer, notre modèle social remplacé et l'unité de notre nation menacée à se rassembler pour éradiquer ce nouveau totalitarisme.

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