Intervention de Carole Grandjean

Séance en hémicycle du lundi 15 février 2021 à 16h00
Santé au travail — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Grandjean, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Depuis les révoltes ouvrières du XIXe siècle et la loi du 9 avril 1898, premier texte à avoir organisé la réparation des accidents du travail, la protection sociale en France s'est construite autour des enjeux de sécurisation des travailleurs. Au moment où notre pays traverse une des plus graves crises sanitaires du XXIe siècle, il est nécessaire de renforcer les dispositifs concourant au maintien des travailleurs en bonne santé physique et psychique. Alors que les dispositions relatives à la santé au travail se sont historiquement construites autour de la notion de réparation, une nouvelle culture de la prévention doit désormais prévaloir, l'enjeu étant de lutter contre la désinsertion professionnelle.

Cette volonté est aussi celle qui a animé les discussions des partenaires sociaux lors des négociations qui ont abouti à la signature, en décembre dernier, d'un accord national interprofessionnel. Au travers de cet accord, les organisations syndicales et patronales ont pris l'engagement explicite de donner une place effective à la prévention et de favoriser une offre de services harmonisée et renforcée. Tels sont bien les principaux objectifs de la proposition de loi que nous avons déposée : renforcer la culture de la prévention, réorganiser les structures de la santé au travail et les doter d'outils performants, décloisonner la santé publique et la santé au travail, favoriser l'accès de tous les travailleurs à ces services.

Particulièrement attachés au dialogue social, nous avons souhaité proposer un texte de loi respectueux des engagements pris par les signataires de l'accord. Sa structuration politique a été le fruit de plusieurs travaux et rapports parlementaires, d'un processus de concertation et de conférences territoriales avec les acteurs. Sa construction juridique a été sécurisée par un avis du Conseil d'État. Le texte soumis aujourd'hui à notre assemblée a été enrichi de propositions émanant de tous les bancs de cet hémicycle. Sa construction se poursuivra en séance publique, nourrie de nos nouveaux échanges.

Nous avons souhaité améliorer les outils de prévention, en prévoyant d'une part une visite médicale de mi-carrière, d'autre part un rendez-vous organisé à la demande du salarié en congé maladie de longue durée afin d'anticiper son retour dans les meilleures conditions et de procéder aux aménagements nécessaires du poste et du temps de travail. La cellule de prévention de la désinsertion professionnelle accompagnera les situations individuelles qui nécessitent une coopération des acteurs pour aménager le poste et éviter l'inaptitude.

Pour assurer une prise en charge de meilleure qualité, nous avons souhaité favoriser le décloisonnement entre la médecine du travail et la santé publique, en confiant aux médecins du travail des missions renforcées de vaccination et de dépistage, en leur permettant de recourir à la téléconsultation avec l'accord du salarié, de travailler en partenariat avec un médecin praticien correspondant ou encore d'intégrer les communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS. Nous estimons que l'amélioration de la coordination des acteurs et leur coopération sont essentielles pour permettre à la France de rejoindre la voie de l'excellence dans la prise en charge de la santé des travailleurs. C'est aussi pour cette raison et dans cette finalité que nous avons souhaité permettre aux médecins du travail d'accéder au dossier médical partagé des travailleurs, sous réserve de leur consentement exprès, et de permettre en outre aux médecins du soin d'accéder au dossier médical en santé au travail.

Pour favoriser la complémentarité, nous préconisons de renforcer la composition des équipes pluridisciplinaires et de permettre aux infirmiers d'exercer en pratique avancée au sein d'un service de prévention et de santé au travail. Afin d'assurer un meilleur suivi de tous les travailleurs, y compris des travailleurs indépendants et des chefs d'entreprise, nous avons souhaité encourager une offre dédiée par les services de santé au travail.

Mes chers collègues, nous avons la conviction que la présente proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail répond aux enjeux que je viens de vous exposer. Notre responsabilité collective est d'améliorer le classement de la France, actuellement vingt-neuvième sur trente-cinq en Europe pour l'évaluation des risques professionnels. Notre responsabilité collective est d'accompagner nos entreprises, petites et grandes, sur le chemin de l'acculturation en matière de prévention ; nous partageons cette responsabilité avec l'ensemble des partenaires sociaux, qui devront s'engager comme nous dans cette voie, par des négociations d'entreprise et de branche. Notre responsabilité collective est d'offrir à tous les travailleurs français, qu'ils soient salariés ou non, une meilleure prise en charge de leur santé au travail et de développer une véritable culture de la prévention dans notre pays.

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