Intervention de Aina Kuric

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 21h30
Mission d'information sur les enfants sans identité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Les constats que nous dressons dans notre rapport vous ont été présentés, et je tiens à souligner que des initiatives ont été lancées pour encourager l'enregistrement des naissances, depuis les grands textes du droit international jusqu'aux actions nationales, en passant par la mobilisation des ONG et de la communauté internationale, dont la France.

Il est important de rappeler que l'état civil est, par nature, une matière régalienne qui nécessite l'engagement des États concernés. Certains États ont lancé des réformes de fond pour améliorer leur état civil, avec souvent des résultats significatifs – c'est le cas de la Côte d'Ivoire, du Maroc, de la Serbie et de l'Inde. Toutefois, il faut bien distinguer les pays qui enregistrent les naissances et ceux qui développent des systèmes d'enrôlement de toute leur population, sans nécessairement mettre l'accent sur l'enregistrement des naissances, comme l'Inde. Les initiatives nationales sont souvent soutenues par des actions régionales, mais aussi, très fréquemment, par la communauté internationale. Les agences onusiennes et de nombreuses ONG promeuvent également l'enregistrement des naissances. Des acteurs de la société civile y contribuent aussi en développant des technologies particulièrement innovantes, comme le bracelet iCivil testé avec succès au Burkina Faso. Son fonctionnement est simple : les naissances sont préenregistrées à la maternité, en scannant un bracelet attribué à chaque enfant. Ensuite, l'officier d'état civil délivre un acte de naissance, en scannant à son tour le bracelet, lorsque les parents se présentent devant lui.

Qu'en est-il en France ? La question des enfants sans identité est traitée de manière assez éclatée au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dont différents services sont impliqués. L'Agence française de développement – AFD – est encore trop souvent centrée sur l'identification numérique, sans lien direct avec l'enregistrement des naissances. Le ministère de l'intérieur intervient lui aussi, par l'intermédiaire de CIVIPOL, son opérateur de coopération technique internationale. Des collectivités se mobilisent également : les actions de coopération décentralisée en matière d'état civil conduites à La Roche-sur-Yon ou à Grenoble sont très prometteuses, et doivent être encouragées.

Malgré toutes ces belles initiatives, nous dressons deux constats principaux. Premièrement, l'état civil n'apparaît pas encore comme une priorité pour de nombreux États, de même que pour la communauté internationale, alors qu'il est indispensable au développement. Deuxièmement, les initiatives nationales et internationales sont insuffisamment coordonnées. C'est pourquoi nous avons formulé vingt-trois propositions, aussi opérationnelles que possible, autour de trois axes.

Le premier axe correspond aux actions que la France peut mener sur son territoire. Nous devons respecter nos engagements internationaux en donnant une identité légale à tous les enfants présents sur notre sol. Montrons-nous exemplaires et entraînons d'autres pays dans notre sillage. Pour parvenir à cet objectif, la France doit renforcer les moyens techniques et humains dédiés à l'état civil, notamment en Guyane et à Mayotte. Par ailleurs, la reconstitution de l'état civil des mineurs étrangers est encore trop souvent longue et fastidieuse. Pour y remédier, la coopération bilatérale en matière d'état civil pourrait être renforcée avec les pays qui sont trop longs à répondre aux demandes de levée d'acte de la France.

Le deuxième axe de nos propositions concerne les contributions financières et techniques de la France, qui peuvent être rationalisées et renforcées. Vu l'enjeu que représentent les enfants sans identité en matière de développement, il paraît nécessaire d'attribuer une contribution volontaire aux acteurs onusiens de l'enregistrement des naissances dans le prochain projet de loi de finances – voilà une idée d'amendement ! S'agissant des plus petits projets, le fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain – FSPI – du Quai d'Orsay peut aussi être utilisé pour des initiatives de renforcement de l'état civil.

Le troisième axe, enfin, consiste à mobiliser les nombreux outils qui sont à la disposition de la diplomatie française. La France a la chance de posséder un des premiers réseaux diplomatiques au monde. En le mobilisant, elle serait sûre d'avoir un impact fort sur l'enregistrement des naissances et la délivrance d'actes de naissance. En parallèle, les diplomates peuvent réaliser toutes les actions de plaidoyer possibles dans les grandes organisations internationales – à cet égard, l'espace francophone offre des opportunités évidentes. Nous pourrions également citer le travail de l'Organisation internationale de la francophonie – OIF – et de l'Assemblée parlementaire de la francophonie en la matière. La France peut en outre mobiliser ses représentations permanentes à New York et à Genève pour promouvoir la thématique à l'ONU. En bref, les occasions ne manquent pas. L'une de nos propositions cible plus spécifiquement l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, occasion de promouvoir l'enregistrement des naissances.

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