Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 16h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Les violences sexuelles sont source de traumatismes terribles pour les victimes, qui peuvent les hanter toute leur vie, parfois sous la forme de souvenirs incessants, parfois sous la forme d'une amnésie traumatique qui cesse brutalement des décennies plus tard.

Dans plus d'un quart des cas, les violences durent plus d'un an. La reconstruction est longue et difficile. Ces traumatismes vont affecter l'ensemble des aspects de la vie des victimes, leur sexualité, mais aussi leur vie de famille, leur vie professionnelle, sociale. Selon un sondage, près de la moitié des victimes de viols dans l'enfance auraient fait par la suite une tentative de suicide.

Pour les victimes, le coupable étant souvent un proche, le premier défi est d'arriver à porter plainte : seulement 14 % des victimes porteraient plainte. Surtout, il faut que ces plaintes aboutissent. Les récents mouvements de mobilisation, notamment avec le hashtag #MeTooInceste, ont généré un nombre considérable de témoignages dénonçant cette situation. Cela n'a échappé à personne dans cet hémicycle, la demande d'une réaction du législateur est forte et le législateur est au rendez-vous. Les associations demandent que notre loi soit modifiée pour mieux protéger les victimes de violences sexuelles.

Notre groupe Libertés et territoires souhaite s'associer à la démarche visant à construire la protection la plus adaptée dans notre droit pénal, dans l'intérêt des victimes.

La nécessité d'instaurer dans notre droit, à l'instar d'autres pays européens, un âge minimal en deçà duquel une présomption de non-consentement s'applique, recueille désormais le consensus des différents groupes politiques et du Gouvernement – nous nous en félicitons. Il nous reste à relever le défi consistant à trouver la formulation juridique la plus appropriée et la plus proportionnée. Plusieurs propositions ont été soumises à la représentation nationale : il y a quelques semaines, notre groupe a voté, comme toute l'Assemblée – le texte a été adopté à l'unanimité moins deux abstentions – , en faveur de la proposition de loi d'Isabelle Santiago. Le Sénat a adopté la proposition de loi issue du travail d'Annick Billon. Celle-ci a été réécrite par voie d'amendements en commission des lois par le Gouvernement, à juste titre.

La proposition de loi nous paraît satisfaisante dans ses grandes lignes. Nous soutenons l'instauration d'un seuil de non-consentement à 15 ans, en dessous duquel tout rapport sexuel entre un mineur et un majeur sera considéré comme un viol. Nous saluons également l'institution d'un seuil à 18 ans en cas d'inceste. Nous entendons les débats sur la pertinence d'imposer un écart d'âge de cinq ans. Nous comprenons les arguments de ceux qui pointent le risque de criminaliser les amours adolescentes et de voir un majeur de 18 ans ayant une relation consentie avec un ou une adolescente de 14 ans et demi encourir une peine de vingt ans de prison. Mais nous comprenons aussi les arguments de ceux qui alertent sur la situation de mineurs de 13 ou 14 ans sous l'emprise psychologique totale de jeunes majeurs qui les manipulent. Ces mineurs doivent aussi être protégés. La disposition exonérant le majeur qui entretenait déjà une relation avant l'acquisition de la majorité pourrait être une solution de compromis.

S'agissant de la prescription, si nous entendons les revendications en faveur de l'imprescriptibilité, rappelons que celle-ci s'applique aux seuls crimes contre l'humanité. Dans le domaine de la proportionnalité des peines, il serait peut-être plus raisonnable d'agir avec précaution. Dès lors, la prescription glissante, proposée par le Gouvernement, en vertu de laquelle le délai de prescription du premier crime serait allongé de celui du deuxième crime ou de tout nouveau crime en cas de récidive, nous semble une mesure très intéressante.

Le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de loi en espérant qu'après les nombreuses discussions ayant déjà eu lieu sur un tel sujet dans notre assemblée, le texte recueillera un accord transpartisan et que ses dispositions s'appliqueront le plus rapidement possible.

Je le rappelle, on estime qu'un adulte sur dix a été victime d'inceste. Cela concerne toutes les classes sociales. Autrement dit, dans cet hémicycle, cinquante-sept collègues auraient subi un inceste. Combien l'ont révélé ? Peu. Combien gardent le secret encore enfoui ? Beaucoup trop. Faisons en sorte que cela n'advienne plus.

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