Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 16h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

Nous voici réunis une deuxième fois en un mois pour légiférer sur les crimes sexuels sur mineurs. L'actualité brûlante nous rappelle, s'il était encore nécessaire, notre immense responsabilité face à l'ampleur des violences, mais aussi, et surtout, face aux insuffisances de notre droit pour protéger efficacement nos enfants.

La Cour de cassation rendra ce mercredi son arrêt sur le pourvoi de Julie, qui demande que ses agresseurs, trois pompiers actuellement poursuivis pour atteintes sexuelles, soient jugés pour viol. C'est précisément pour en finir avec ces décisions judiciaires difficilement compréhensibles et douloureuses pour l'ensemble de la société que notre droit doit changer. En 2018, c'est le désormais tristement célèbre procès de Pontoise qui nous avait alertés collectivement. Trois ans après, force est de constater que nous ne sommes pas allés assez loin. Nous devons tirer collectivement les leçons de nos erreurs.

C'est le moment de le faire, en votant cette proposition de loi qui propose de poser un interdit clair et d'en finir enfin avec la recherche du consentement des enfants. En effet, aucune ni aucun d'entre nous ne souhaite être confronté à nouveau, à titre personnel ou dans le cadre de notre mandat, à la souffrance de celles et ceux qui ont vécu ces violences, comme victime ou comme témoin, père, mère, tante ou ami, car ils et elles nous racontent le silence mortifère de la salle d'audience, le bruit de la porte qui s'ouvre, le froissement des robes des juges, et puis la parole, le déversement de paroles, ces mots qui décrivent l'horreur, et puis les larmes que l'on retient, mais qui empêchent de voir, et le remords, dans le même temps, de n'avoir rien vu, rien entendu.

Ils nous disent aussi l'espoir de voir enfin une page se tourner et la justice être rendue. Mes chers collègues, nous devons être à la hauteur de ce qu'ils ont vécu. Parce qu'il me semble que nous ne serions pas réunis aujourd'hui sans le courage de milliers de victimes qui ont pris la parole et mis des mots sur l'indicible, je veux rendre hommage à l'une d'entre elles, Adélaïde Bon, qui, dans son excellent ouvrage intitulé La Petite fille sur la banquise, nous raconte l'importance de la justice et l'importance qu'il y a à être reconnue victime : « J'aime regarder les visages des jurés perdre de leur superbe, témoignage après témoignage. J'aime qu'au fil des jours, leurs cernes se creusent, leur masque s'affaisse. J'aime ces jurés qui se risquent parfois à nous regarder, à nous signifier, le temps d'un battement de paupières, leur empathie, leur humanité. À force d'aimer, à force de pleurer, je m'approprie peu à peu l'espace-temps de la justice. Ici où toute mon existence est contenue en quelques mots, ici où j'ai toujours neuf ans, ici où le chaos du monde s'ordonne, où l'horreur se qualifie enfin, je me sens à l'abri, je n'ai rien à prétendre, je me rassemble, enfin je me ressemble. »

Mes chers collègues, nous avons l'occasion historique de faire en sorte que toutes les victimes se sentent protégées par la justice. Soyons à la hauteur. Pour elles, je vous remercie.

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