Intervention de Annie Vidal

Séance en hémicycle du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Je tiens en premier lieu à saluer le travail des assistants maternels et des salariés à domicile en emploi direct. Ils jouent en effet un rôle essentiel : celui de prendre soin de nos enfants, d'apporter une aide aux familles dans la gestion du quotidien et de permettre aux personnes fragilisées par l'âge, la maladie ou le handicap de mieux vivre chez elles et d'y rester le plus longtemps possible. Ce faisant, ils assurent la solidité du tissu social. Les assistants maternels représentent le premier mode de garde : six enfants sur dix leur sont confiés. Les salariés du domicile exercent une dizaine de métiers auprès des familles qui en ont besoin mais aussi auprès des personnes âgées ou en situation de handicap.

Ils ont en commun d'être employés par des particuliers et d'avoir, le plus souvent, plusieurs employeurs. On comptait ainsi, en 2018, 3,4 millions de particuliers employeurs dont près de la moitié étaient considérés comme fragiles et devant à ce titre bénéficier d'une aide sociale. Les femmes sont particulièrement représentées dans ces professions : 90 % pour l'aide à domicile et 97 % pour l'assistance maternelle. Leurs salaires ne sont pas à la hauteur de leur utilité sociale et, bien qu'elles travaillent à temps partiel, leur activité, pour une journée, peut être longue. En outre, elles peuvent rapidement perdre leur source de revenus en fonction des aléas de la vie de leurs employeurs. Au-delà de cette précarité, elles ont en commun la singularité de leurs secteurs respectifs et la particularité de la relation de travail ; ce qui les caractérise, c'est le morcellement de leur profession et l'isolement qui en résulte.

Par ailleurs, à en juger par la transition démographique déjà amorcée en France, les besoins d'accompagnement du domicile vont augmenter considérablement. Or le nombre des salariés diminue de 1 % chaque année et leur moyenne d'âge est de 46 ans contre 41 ans pour l'ensemble de la population active. Ainsi, le secteur devra faire face à 700 000 départs à la retraite d'ici à 2030. En outre, la crise sanitaire a montré avec acuité les besoins des professionnels de première ligne, notamment pour faire garder leurs enfants, mais aussi la vulnérabilité des personnes isolées à leur domicile. Les salariés du secteur ont été au rendez-vous et je les en remercie.

Je note également que le Gouvernement et les parlementaires se sont mobilisés pour aider les salariés du secteur qui ont ainsi pu bénéficier des dispositifs d'activité partielle. Sans ce soutien inédit, ce sont des centaines de milliers de personnes qui auraient pu basculer dans le chômage. Ne pouvant accueillir le même nombre d'enfants, les maisons d'assistants maternels – MAM – ont pu bénéficier d'une aide pour couvrir les charges de loyer. Je rappelle que la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique a ouvert de nouvelles possibilités pour les assistants maternels, comme la possibilité d'exercer leur profession dans un tiers lieu ou encore de bénéficier de la médecine du travail, ainsi que, sous certaines conditions, des allocations chômage.

Voilà l'esprit de cette proposition de loi : des avancées concrètes en faveur de la garantie des droits par le biais d'un bénéfice assuré de la protection sociale complémentaire.

Je conviens de la dimension technique du texte. Il s'agit en effet d'accompagner la convergence de deux branches professionnelles en consolidant le dispositif juridique afférent. Actuellement, les salariés des particuliers employeurs, assistants maternels et employés à domicile, relèvent de deux branches professionnelles distinctes couvertes par deux conventions collectives différentes. Les nombreuses similitudes entre ces secteurs ont conduit les partenaires sociaux à s'engager sur le chemin d'une convergence. À cette fin, un accord de méthode a été conclu le 21 novembre 2018 afin d'organiser les négociations relatives au futur dispositif conventionnel. La Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM, et les organisations syndicales des deux branches se sont fixé pour objectif d'achever leurs travaux dans les prochaines semaines. Cette convergence, qui permettra un alignement des droits par le haut pour les salariés des deux branches, est le fruit d'un travail de plusieurs années et dont l'ensemble des organisations syndicales se félicite.

Ce rapprochement s'appuie par ailleurs sur des organisations préexistantes. Ainsi, l'accord du 19 décembre 2019 entre les deux branches a conduit à la création d'une nouvelle association paritaire nationale interbranches, l'APNI. Cette association paritaire qui agit au nom et pour le compte des employeurs renforce l'accès à la formation pour les salariés concernés, qui bénéficient d'un droit de formation dès la première heure travaillée. Il s'agit d'un droit essentiel pour le maintien et l'acquisition des compétences, gage d'évolution dans un parcours professionnel dynamique.

L'APNI porte désormais le mandat des particuliers employeurs et, à ce titre, verse directement aux salariés le salaire et les frais relatifs à la formation, ce qui facilite bien sûr considérablement l'accès à la formation. Depuis le mois de janvier, ils ont également accès, par le biais de l'APNI, à des activités sociales et culturelles et 30 000 personnes ont déjà pu en bénéficier. Ce progrès permet d'améliorer le quotidien des salariés et de renforcer l'attractivité du secteur.

La convergence a également été l'occasion de consolider le droit syndical, essentiel pour lutter contre l'isolement des salariés. Ces derniers pourront désormais participer à des congrès ou à des actions de formation syndicale. Enfin, point particulièrement important, la future convention devrait modifier l'éligibilité à la prime de départ à la retraite, ouvrant ainsi l'accès à un plus grand nombre de personnes. Les partenaires sociaux, dans ce processus de convergence des branches, auront donc prouvé qu'ils s'engageaient concrètement pour améliorer les conditions de travail et de vie de ces professionnels. C'est trop peu, nous diront certains ; je préfère pour ma part souligner les progrès quand ils sont accomplis.

La convergence des branches porte toutefois en elle un risque juridique que cette proposition de loi s'attache à supprimer. En effet, les dispositions relatives aux assistants maternels et aux salariés des particuliers employeurs sont prévues respectivement par le code de l'action sociale et des familles et par le code du travail. La convergence invite naturellement les branches à intégrer l'ensemble des salariés au même dispositif. De plus, les deux conventions collectives en vigueur contiennent des modalités de désignation d'un organisme de protection sociale. Or une décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 a jugé la clause de désignation contraire au droit de la concurrence. La future convention collective ne pourra donc pas en établir, ce qui fragilise la garantie des droits des salariés. En effet, un salarié employé par plusieurs particuliers pourrait être, à ce titre, rattaché à autant d'organismes différents.

Le texte vise à corriger ce point. Plus précisément, il vise à créer un nouveau circuit de recouvrement des cotisations sociales au titre de la protection complémentaire. Actuellement, les cotisations sociales complémentaires – retraite complémentaire, prévoyance santé – comme les cotisations obligatoires sont recouvrées par les organismes du régime général et, à de rares exceptions, du régime agricole. Dans le contexte de la convergence des champs conventionnels des deux branches, la présente proposition de loi entend consolider le cadre juridique de la future convention. Pour cela, il est proposé d'unifier les circuits de recouvrement des cotisations sociales des deux branches en intégrant les assistants maternels au dispositif prévu par le code de la sécurité sociale pour les salariés des particuliers employeurs.

Il est d'autre part proposé d'intégrer l'APNI au circuit de recouvrement. Elle aura une double mission : collecter les cotisations sociales au titre de la protection complémentaire auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, et choisir par appel d'offres un organisme de protection sociale unique auquel elle reversera les cotisations sociales complémentaires. L'intégration de l'APNI, la gestion centralisée et le choix d'un organisme de protection unique permettront à la fois de respecter le droit à la concurrence tout en sécurisant le circuit de recouvrement. Les titres simplifiés – le CESU, chèque emploi service universel, et Pajemploi – , reconnus unanimement comme des outils efficaces de simplification pour les particuliers employeurs, resteront intégrés au circuit. Les partenaires sociaux, quant à eux, pourront pleinement jouer leur rôle de contrôle dans ce dispositif pour tenir compte de la singularité du secteur.

Outre la sécurisation de la collecte des cotisations sociales complémentaires, la préservation de la simplification pour les employeurs et la garantie de l'effectivité des droits pour les salariés, ce dispositif ouvre la voie à d'autres évolutions – je pense au droit à la santé au travail.

Chers collègues, vous l'aurez compris, cette proposition de loi constituée d'un article unique peut sembler technique ; il s'agit pourtant bien d'une étape importante dans la reconnaissance de ce secteur essentiel. Aussi, je compte sur votre soutien pour adresser avec moi à l'ensemble des salariés et employeurs concernés une marque de la reconnaissance qu'ils méritent.

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