Intervention de Karine Lebon

Séance en hémicycle du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Lebon :

Leur situation est tellement ubuesque que je ne peux débuter cette intervention sans évoquer les services d'urologie à La Réunion. Pour résoudre un conflit entre des praticiens, l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – a décidé de fermer le service d'urologie du site nord du centre hospitalier universitaire en juin prochain. Elle va supprimer ce service public, au mépris des patients qu'elle invite à se diriger vers le site sud du CHU, déjà saturé, et vers le privé.

Cette décision n'est pas seulement choquante, elle est irrecevable pour qui connaît les taux records d'insuffisance rénale chronique de La Réunion. Madame la ministre déléguée, les Réunionnais ne peuvent pas faire les frais de ce psychodrame managérial. Ils attendent que leur santé soit au centre des décisions.

Le texte qui arrive aujourd'hui en nouvelle lecture et qui vise à améliorer le système de santé est bien différent de la proposition de loi originale. Initialement, il s'agissait de traduire les mesures organisationnelles et non financières issues du Ségur de la santé de juillet 2020.

Rappelons que cet accord a été jugé largement insuffisant par le personnel soignant, notamment sur le plan des moyens financiers dégagés et des revalorisations salariales inférieures aux revendications. L'accord continue d'ailleurs à laisser de côté des milliers de personnels de l'action sociale qui travaillent dans les établissements de santé. Eux aussi méritent de bénéficier, au même titre que leurs collègues soignants, des augmentations indiciaires décidées.

Passé de quatorze à quarante et un articles, le présent texte est un fourre-tout dont on peine à voir la cohérence d'ensemble. La première partie vise ainsi une réorganisation des compétences des professions médicales et un développement des pratiques avancées, mais on doute que celles-ci puissent répondre au contexte de pénurie de la ressource médicale. D'autres mesures prévoient d'assouplir les règles de recrutement des praticiens hospitaliers en s'affranchissant des procédures habituelles, sans que cela garantisse une meilleure couverture des besoins de santé.

En réalité, ce qui se dégage à la lecture des différentes dispositions, c'est la logique de déréglementation, qui n'apporte pas les réponses structurelles aux véritables défis posés à notre système de santé et à l'hôpital public.

En ce qui concerne l'hôpital, vous appliquez toujours les mêmes recettes. Quelques mesures vont dans le bon sens – l'ouverture de la gouvernance des hôpitaux à de nouveaux acteurs, ou la volonté de redonner des prérogatives aux médecins dans l'organisation des services – , mais d'autres risquent au contraire de prolonger le malaise hospitalier.

Vous prévoyez ainsi de renforcer la toute-puissance des groupements hospitaliers de territoires sans qu'aucun bilan n'ait été réalisé sur leur utilité, alors qu'ils contribuent bien souvent à des restructurations hospitalières ou à une mutualisation des moyens aux dépens des petits hôpitaux.

Vous rendez obligatoire la mise en place d'un volet managérial dans chaque établissement hospitalier. En préservant l'esprit qui a inspiré les dernières réformes de l'État, vous poursuivez l'instauration de règles de management privé dans le service public de santé, selon des logiques de rentabilité qui sont dénoncées depuis tant d'années par le personnel soignant. Or la crise sanitaire nous démontre, dans la douleur, que c'est précisément cette idéologie néolibérale qu'il faut désormais stopper.

Vous maintenez un ajout du Sénat sur la possibilité pour les médecins de réaliser des dépassements d'honoraires dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif – ESPIC – , alors que ces pratiques sont un frein à l'accès aux soins pour nos concitoyens.

La principale mesure de la toute dernière partie du texte, consacrée à la politique du handicap, est la création d'une plateforme numérique d'information. Confiée à la Caisse des dépôts et consignations, cette plateforme est destinée à faciliter les démarches administratives des personnes handicapées et de leurs aidants. Quel sera son véritable apport pour les personnes concernées ? Ne vaudrait-il pas mieux faciliter l'accès physique aux structures publiques pour accompagner ces personnes ?

En définitive, cette proposition de loi donne l'impression d'un bricolage utilisé comme véhicule législatif pour prendre des mesures qui ne changeront probablement rien au malaise hospitalier, au défi de la désertification médicale ou aux carences constatées en matière de démocratie sanitaire.

Ce texte ne prévoit rien non plus pour faciliter l'établissement des certificats de décès à domicile alors que l'attente des familles est si grande sur ce point, notamment chez moi, à La Réunion.

La crise sanitaire nous rappelle pourtant avec force que de nouveaux moyens sont indispensables dans nos hôpitaux pour embaucher du personnel soignant, ouvrir des lits qui continuent de manquer et revaloriser les salaires.

Des mesures plus contraignantes et plus efficaces auraient aussi pu être prises pour lutter contre la pénurie de médecins sur nos territoires. Je pense à l'ouverture de centres de santé permettant un exercice regroupé et salarié, ou à un conventionnement sélectif à l'installation des médecins. Et je ne fais que mentionner le silence sur la valorisation du coefficient géographique à La Réunion qui, Ségur ou pas, continue d'être l'objet d'une fin de non-recevoir.

Faute d'y voir de réelles améliorations pour notre système de santé, notre groupe se prononcera contre cette proposition de loi.

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