Intervention de Agnès Thill

Séance en hémicycle du lundi 22 mars 2021 à 21h30
La dette publique : la payer ou l'annuler

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill, UDI-I :

Depuis le printemps dernier, le « quoi qu'il en coûte » a beau être de mise au sommet de l'État, la question du remboursement de la dette redevient urgente à mesure que se rapproche l'espoir d'une sortie de crise. Le coût de cette dernière devrait faire bondir la dette publique à plus de 120 % du PIB. C'est bien ce qui nous préoccupe : la dette explose. Au regard de cette situation, que faut-il faire ? Au-delà des 186 milliards d'euros qu'a coûté la crise à nos finances publiques, les Français s'inquiètent légitimement pour les générations futures qui devront payer cette dette croissance, car nul dette ne s'envole.

Le rapport de la commission Arthuis, paru ce mois-ci, semble montrer que la dette publique française ne pose pas de problème dans l'immédiat et qu'elle est pour le moment soutenable, près de 80 % de la dette émise par la France en 2020 ayant été rachetée par les banques centrales. Cependant, si la France ne rencontre pas de problème pour s'endetter, elle en rencontre indéniablement pour rembourser. Rappelons à juste titre que l'absence d'inflation, la faiblesse des taux d'intérêt et la politique accommandante de la BCE – qui rachète les titres d'emprunt des pays membres de la zone euro – permettent aux États européens de s'endetter à moindre coût et sans crainte d'éventuelles attaques des marchés financiers. Quoi qu'il en soit, l'évolution de la conjoncture et le principe de réalité laissent à penser qu'aucune inversion de tendance, ni davantage de visibilité budgétaire ne seront observées d'ici à la prochaine élection présidentielle.

Quelle stratégie adopter pour garantir à nos concitoyens la soutenabilité des finances publiques ? Lors des débats budgétaires, le groupe UDI et indépendants a souvent proposé de réfléchir à la réduction des dépenses de fonctionnement afin de ne pas augmenter les impôts. Dans le contexte que nous traversons, les dépenses de relance ont été nécessaires. Nous les avons soutenues, tout en appelant à la vigilance et à la prudence afin de ne pas sacrifier les générations futures.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale qu'il n'y aura pas de hausse des prélèvements obligatoires et, par vos réformes des retraites ou de l'assurance chômage, une baisse du pouvoir d'achat des Français ? Notre groupe attend des réponses de votre part. Même si nous sommes favorables au paiement de la dette, nous sommes attentifs à ce que ce remboursement n'entraîne pas une accentuation de la pression fiscale.

Nous souhaitons réfléchir au-delà d'une éventuelle annulation, car cette question appelle souvent des conclusions manichéennes ou schématiques, au détriment de toute nuance. Dans cette perspective, nous rejoignons les arguments suggérés par la commission Arthuis : l'annulation de la dette détenue par la BCE serait une erreur grave et remettrait en cause l'indépendance et la crédibilité de cette institution, véritable pilier de la zone euro. Cela ouvrirait une crise politique avec nos principaux partenaires. En outre, la dette perpétuelle n'est pas non plus la solution : en pratique, la demande des investisseurs pour des dettes de très long terme n'est pas suffisamment forte pour absorber la masse de nos émissions de dette.

De plus, son cantonnement à proprement parler ne changerait pas la donne, car ce mécanisme consisterait à isoler la dette liée à la crise du covid-19 en fléchant une ressource nouvelle ou déjà existante pour son remboursement. La priorité reste in fine d'apurer les dépenses publiques, afin de faire en sorte qu'elles progressent moins vite que nos recettes. La baisse de l'endettement à l'horizon 2030 est un objectif qui reste crédible, à condition de créer un contexte de croissance favorable et une intensification dans la durée des efforts sur les dépenses.

Je suis sincèrement convaincue que nous pouvons nous donner les moyens d'atteindre cet objectif. En somme, quelle solution reste-t-il ? Une optimisation du fonctionnement de l'État. Ce chantier n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui du comité Action publique 2022, qui, présenté au début du quinquennat, se heurta à la difficulté de dessiner une nouvelle organisation des services publics tout en réduisant la dépense. Monsieur le ministre, qu'en est-il de cette piste ? L'avez-vous écartée ?

En conclusion, la France doit s'aider de la crise pour moderniser ses propres règles de gouvernance budgétaire avec, pourquoi pas, la création d'une institution budgétaire indépendante, comme le préconise la commission Arthuis. Cela nous permettrait de mettre à plat les modalités de fonctionnement de l'État, afin d'être capable d'anticiper les enjeux de la transition écologique, du numérique, de la recherche, de l'éducation ou encore de la formation professionnelle, et surtout d'acquérir une réelle indépendance technologique et entrepreneuriale en assumant un souverainisme qui nous a tant manqué pendant la crise.

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