Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du mardi 23 mars 2021 à 21h00
Seniors face à la crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon, FI :

Avant toute chose, j'aimerais rendre hommage à la mémoire des milliers de personnes âgées emportées par la covid-19 ; j'ai une pensée pour leur famille et leurs proches. Les personnes âgées ont été très fortement touchées par l'épidémie dont la gestion laisse sérieusement à désirer. Souvenons-nous du triste épisode de tri pour les admissions dans les hôpitaux au plus fort de la crise : quand les personnels soignants des EHPAD appelaient les urgences de certains hôpitaux, on leur répondait de garder les malades car il n'y avait plus de place. Cette discrimination était insupportable ! Cette situation, qui risque de se renouveler dans les prochaines semaines si la courbe des admissions en réanimation ne s'inverse pas, est l'une des conséquences du démantèlement du service public entrepris par Nicolas Sarkozy et poursuivi par François Hollande puis Emmanuel Macron.

Ces personnes âgées, qu'à La Réunion on appelle les gramounes, ont droit à la dignité et à une santé de qualité. Les Français n'en peuvent plus, et les seniors tout particulièrement : ils sont déboussolés, perdent leurs repères et ont peu de liens sociaux ; leur moral en prend un sacré coup et beaucoup perdent leur joie de vivre. Les gramounes vivent très mal la rupture des contacts, celle-ci étant aggravée par l'éloignement dû au numérique : bien avant la crise, votre politique du « tout dématérialisé » avait compliqué la vie de ces gens sans aucune mesure d'accompagnement ni de soutien social.

La situation est pire dans les EPHAD car les personnels y sont soumis à une obligation de chiffre et non de plus-value humaine : nos gramounes y sont traités comme de la marchandise. Le rapport sur les EHPAD rendu par Caroline Fiat et Monique Iborra en mars 2018 avait déjà mis en lumière les dysfonctionnements et les maltraitances institutionnels. Il insistait sur la nécessité de doubler le ratio de soignants par résident, mais, comme d'habitude, vous n'avez pas tenu compte de ces recommandations, ce dont nous payons aujourd'hui le prix fort.

En juin 2018, Emmanuel Macron avait promis une loi sur le grand âge pour 2019 : où est-elle ? Elle est sans cesse reportée : au début de l'année 2019, Agnès Buzyn avait promis un texte pour l'automne suivant ; à la fin du mois de janvier 2020, la même Agnès Buzyn avait assuré que le projet de loi serait présenté à l'été 2020 ; une fois l'été arrivé, Olivier Véran avait annoncé une loi pour la fin de l'année ; enfin, Emmanuel Macron a promis il y a quelques mois une loi pour le début de l'année 2021 ; aujourd'hui, vous nous assurez que le texte de loi sera examiné après la crise sanitaire. Comment vous croire ? De qui se moque-t-on ? Pour vous, quand il s'agit de l'humain, il est urgent de ne pas se presser.

Votre politique en direction des seniors est mauvaise – comme toute votre politique d'ailleurs. Faut-il vous rappeler que les pensions de retraite sont très peu revalorisées ? Qui peut vivre avec quelques centaines d'euros par mois ? C'est pourtant le cas de dizaines de milliers de personnes âgées. Que dire des territoires d'outre-mer où la cherté de la vie fait des ravages ? Des gramounes tirent le diable par la queue, comme on dit chez nous, car leurs revenus se situent généralement en dessous du seuil de pauvreté. Je vous invite à faire un séjour dans ces familles et à vivre comme elles : si vous sortez indemne de cette expérience, vous comprendrez peut-être la détresse de ces gens. À quand une augmentation des pensions de retraite et une baisse des charges qui pèsent sur les personnes âgées ? Celles-ci coûtent-elles aussi pour vous un « pognon de dingue » ? Ne méritent-elles pas le respect et un traitement prioritaire visant à améliorer leur bien-être et leurs conditions de vie ?

La population française vieillit : il faudra plus de structures et de personnels, qui accomplissent un travail formidable, pour accueillir les personnes âgées. Madame la ministre déléguée, quand un grand plan pour les personnes âgées sera-t-il déployé ?

Il ne faut pas non plus oublier celles et ceux qui ne peuvent pas aller dans un EHPAD ou une maison de retraite pour des raisons financières. C'est là qu'interviennent les aides à domicile, qui sont des héroïnes comme les personnels soignants. Exposées, elles sont pourtant méprisées et invisibles : quand allez-vous leur reconnaître un véritable statut assorti d'une revalorisation salariale et de meilleures conditions de travail ? Lors du mouvement du 4 février dernier, des personnes ont raconté qu'elles avaient été augmentées de 30 centimes d'euro en dix ans. Ces aides à domicile doivent intervenir chez plusieurs personnes âgées dans un délai très court et utilisent leur véhicule personnel sans compensation. Il ne faut surtout pas casser ce maillon de la chaîne de solidarité : ne faudrait-il pas inciter les jeunes à se tourner vers ce métier d'avenir en le revalorisant ? Il serait grand temps que vous arrêtiez de penser uniquement à l'économie et que vous vous mettiez à penser à l'humain.

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