Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du mercredi 24 mars 2021 à 15h00
Évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Adrien Taquet, secrétaire d'état chargé de l'enfance et des familles :

Le 20 novembre 2020, vous aviez auditionné le ministre Olivier Véran dans le cadre de la commission d'enquête relative à l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Il vous avait alors indiqué tout son attachement à faire progresser notre action en la matière. Si beaucoup reste à faire, beaucoup a été fait. Je souhaite ici rendre hommage à celles et ceux qui, depuis 2017, ont agi dans des domaines très concrets même s'ils peuvent sembler techniques, pour supprimer le dioxyde de titane de notre alimentation, permettre le remboursement des aides techniques de seconde main ou encore réduire les déchets et sortir de l'ère du plastique jetable.

Dès son arrivée au ministère des solidarités et de la santé, Olivier Véran a évoqué la santé environnementale, non pas pour faire de beaux discours, mais bien parce que l'environnement est un des principaux déterminants de la santé individuelle et communautaire. Le rôle du ministère des solidarités et de la santé, à cet égard, est bien d'assurer la protection de la population, notamment des personnes vulnérables, des risques environnementaux. Protéger les générations actuelles et futures doit être une responsabilité partagée. Nous la partageons d'ailleurs avec tous les membres du Gouvernement, en particulier avec Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.

En novembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé s'était engagé, avec notre collègue, à décaler de quelques semaines la finalisation du plan national santé environnement 4 pour mieux prendre en considération les recommandations issues de vos travaux. La consultation publique sur le plan, qui était alors en cours, a pris fin en décembre dernier. Quant à la commission d'enquête, elle a également achevé ses travaux en décembre. Je vous remercie d'avoir mené à bien ce débat public, sur un thème qui préoccupe légitimement nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes.

L'occasion m'est offerte de présenter les actions conduites par le ministère des solidarités et de la santé au cours des derniers mois pour faire progresser notre action en matière de santé environnementale.

Tout d'abord, le 4 février dernier, à l'occasion de la journée mondiale contre le cancer, le Président de la République a dévoilé la stratégie décennale de lutte contre le cancer pour les années 2021 à 2030. Cette stratégie, dotée de moyens renforcés, a pour objectif de réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français. Elle prévoit d'agir pour mieux prévenir les cancers, notamment ceux liés aux facteurs environnementaux, par la réduction de notre exposition quotidienne à ces facteurs.

À ce propos, j'appelle votre attention sur la question complexe des clusters, à laquelle je sais les membres de la commission d'enquête particulièrement attachés. Je partage votre souhait de renforcer notre capacité à les traiter et à les prendre en charge. C'est pourquoi la stratégie décennale, que nous conduisons avec la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, inclut le développement, sur la base des registres disponibles, de nouvelles méthodes de détection et d'investigation des clusters de cancers, en particulier des cancers pédiatriques. Cette stratégie s'attachera également à mieux reconnaître les expositions professionnelles, pour prévenir les cancers au travail. Pleinement inscrite dans le plan européen de lutte contre le cancer, elle traduit de manière très concrète notre ambition de poursuivre ce combat.

Le 24 février dernier, c'est cette fois avec Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, qu'Olivier Véran a lancé le quatrième plan chlordécone. Au plus proche des besoins des populations martiniquaise et guadeloupéenne, ce plan a pour ambition de permettre, non seulement à l'État et aux collectivités locales, mais également à la société civile, d'agir en commun pour protéger au mieux la population antillaise de la pollution à la chlordécone et déployer des mesures d'accompagnement adaptées, tout en répondant aux besoins de la population. Ce plan constitue un exemple concret de la territorialisation de la politique de santé environnementale, à laquelle, je le sais, les membres de la commission d'enquête sont également attachés – plusieurs d'entre vous l'ont d'ailleurs mentionnée au cours de vos interventions.

Un autre exemple concret est celui du radon. Je salue, à cet égard, la coordination interministérielle qui a conduit au lancement du quatrième plan national d'action pour la gestion du risque lié au radon, sous l'égide de l'Autorité de sûreté nucléaire – ASN.

Je signale également l'aboutissement, en février dernier, de l'élaboration du dispositif réglementaire consacrant les centres régionaux de pathologies professionnelles et environnementales, qui contribuent à l'animation des réseaux de professionnels de santé au travail ainsi qu'à l'enseignement et à la recherche sur lesdites pathologies. Dans chaque région, l'agence régionale de santé – ARS – désignera un établissement public de santé chargé d'accueillir un de ces centres. Ces derniers devront répondre au cahier des charges publié en annexe de l'arrêté du 16 février dernier, qui précise la nature de leurs activités et leur organisation. En lien avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, ainsi qu'avec Santé publique France, nous pourrons saisir ces centres pour conduire des travaux relatifs aux pathologies professionnelles et environnementales à partir des données issues directement des territoires.

J'en viens à présent au plan national santé environnement 4. Je tiens tout d'abord à remercier la députée Élisabeth Toutut-Picard qui, en tant que présidente du groupe santé environnement, organise, avec l'ensemble des parties prenantes, la coconstruction de ce plan depuis 2019.

Je tiens également à remercier l'ensemble des membres de la commission d'enquête, à commencer par Mme la rapporteure Sandrine Josso. Vous avez accompli un travail remarquable grâce aux nombreuses auditions d'acteurs – au plan national ou dans les territoires – aux profils très variés. Ce travail très riche, ainsi que vos recommandations, ont apporté un éclairage utile à la finalisation du PNSE 4 et, plus largement, à la définition et à la conduite de cette politique de santé environnementale.

Le PNSE 4 répondra, je l'espère, à vos préoccupations, qui sont également celles du ministère. Vous le savez, ce plan devait être publié dès le début de l'année 2020 dans le cadre du comité interministériel pour la santé piloté par le Premier ministre. La crise sanitaire, qui a débuté il y a un an, et qui nous préoccupe encore chaque jour, a entraîné l'interruption de ces travaux et est venue nous rappeler – certains d'entre vous l'ont évoqué – les liens étroits qui existent entre la santé humaine, celle des animaux et, à un autre niveau, celle des écosystèmes.

Le PNSE 4 se devait de tenir compte de cet enjeu, qui vient s'ajouter au problème de nos expositions aux agents chimiques et physiques qui peuvent contribuer à l'apparition de nombreuses pathologies chroniques multifactorielles comme les maladies cardiovasculaires, les pathologies respiratoires, le diabète ou encore l'obésité. C'est la raison pour laquelle, en janvier 2020, nous avons souhaité, avec Barbara Pompili, que le PNSE 4 intègre pleinement l'approche « Une seule santé », évoquée par certains d'entre vous, et déjà très ancrée dans la politique de lutte contre l'antibiorésistance que mène Olivier Véran, aux côtés de Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

L'utilisation durable et raisonnée des biocides, la lutte antivectorielle ou contre les nuisibles, la prévention des nuisances lumineuses, la surveillance de la santé animale sont autant de sujets traités dans le PNSE 4 pour protéger non seulement l'homme et l'animal mais aussi, plus largement, les écosystèmes. Nous avons également souhaité, comme vous le proposez, que la formation des professionnels de santé soit renforcée, notamment par la prise en considération de ces interactions entre toutes les santés.

La santé environnementale est l'affaire de tous. Face à la multiplication des sources d'information, notamment à travers les réseaux sociaux, il est de la responsabilité de l'État de garantir une information fiable de nos concitoyens. Cette sensibilisation doit intervenir dès le plus jeune âge. C'est pourquoi, avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous souhaitons que la santé environnementale fasse partie des cursus de formation – pour les plus jeunes, dans le cadre de la démarche « école promotrice de santé », pour les adolescents, dans le cadre du service national universel et, enfin, pour les étudiants en santé, dans le cadre du service sanitaire des étudiants en santé.

Concernant le public adulte, un service numérique informera les personnes les plus vulnérables, notamment, à la qualité de l'air, sur la qualité de l'environnement à proximité de chez eux et sur les bons gestes à adopter.

Avec le PNSE 4 et sur le modèle du Nutri-Score auquel, vous le savez, M. Olivier Véran est attaché, nous souhaitons aller vers une lecture simplifiée des étiquetages des produits, en lien avec la politique européenne, pour permettre à chacun un usage limitant les expositions et les risques.

La question de la recherche est tout aussi importante à nos yeux, compte tenu des liens complexes entre l'environnement et la santé et des nombreuses incertitudes qui demeurent. Elle recouvre plusieurs dimensions, tout d'abord celle de l'accès aux données, au niveau national et au niveau territorial. Je sais que vous avez abordé ce thème au cours de vos travaux et que certains l'ont évoqué ici. Je rejoins votre souhait de faciliter l'accès à ces données. S'agissant des données de santé, la création de la plateforme des données de santé – PDS, ou health data hub – , en 2019, par le ministère des solidarités et de la santé, a répondu à ce besoin de mutualiser les données, de faciliter leur accès et par conséquent d'encourager la recherche. Avec Barbara Pompili, nous souhaitons qu'un tel dispositif soit mis en place pour les données environnementales, afin de répondre aux besoins de la recherche ainsi qu'à ceux des acteurs dans les territoires. Ce sera le cas avec la création du green data for health.

La recherche doit aussi disposer de moyens pour mieux connaître l'exposome humain et les écosystèmes et explorer les pathogènes émergents en lien avec les zoonoses. Grâce au soutien de Frédérique Vidal, deux programmes et équipements prioritaires de recherche, adossés au PNSE 4, permettront de faire progresser les connaissances. Ces enjeux s'inscrivent pleinement dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle dont vous avez débattu.

J'en viens maintenant à la question de la gouvernance de la politique de santé environnementale et, en particulier, à sa déclinaison dans les territoires. Je sais que vous avez consacré – à juste titre – une large place à ce sujet dans vos travaux. C'est en effet par la mobilisation de toutes les échelles de territoire, chacun avec ses compétences, que nous pourrons mener une politique de santé environnementale efficace.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler que, depuis 2016 déjà, le code la santé publique prévoit que chaque région doit établir un plan régional santé environnement, mis en oeuvre par l'ARS, par le préfet et par le conseil régional. Le plan régional santé environnement décline le plan national du même nom, tout en l'adaptant aux besoins spécifiques de chaque territoire. Quinze plans régionaux, représentant plus de 500 actions dans les territoires, sont aujourd'hui en cours. Ils ont déjà permis le développement d'une ingénierie locale en appui de l'application de la politique de santé environnementale. Chaque année, dans le cadre d'appels à projets, les pilotes des plans accompagnent des collectivités, des départements, des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – et des communes, dans la définition et le déploiement d'actions en santé environnementale.

Avec la deuxième génération de ces contrats, la prise en considération de la santé environnementale s'est amplifiée – il faut s'en réjouir. En Bretagne, par exemple, l'ensemble des contrats locaux de santé disposent désormais d'un volet santé environnementale, tandis qu'en Nouvelle-Aquitaine c'est le cas de plus de 80 % d'entre eux. La dynamique est engagée : elle doit maintenant se poursuivre et continuer de s'amplifier.

C'est pourquoi, avec Barbara Pompili, nous souhaitons la création d'un comité d'animation des territoires qui permettra, par la mise en commun des compétences et des expériences d'identification de nouveaux leviers d'action, d'accroître l'intégration de la santé environnementale dans les politiques locales. Face à des collectivités qui sont en attente, les agences régionales de santé poursuivront leur action pour répondre aux besoins exprimés.

Au plan national, le groupe santé environnement sera conforté grâce à une consolidation de son rôle, de sa composition et de son mode de fonctionnement. Nous y sommes particulièrement attachés compte tenu du rôle essentiel de la participation des parties prenantes à la définition des grandes orientations de nos politiques publiques en la matière. À cet égard, et compte tenu de la réforme en cours, nous souhaitons que le Conseil économique, social et environnemental et ses déclinaisons régionales soient associés à la gouvernance du PNSE 4 pour renforcer encore la participation de la société civile à cette politique, pour laquelle nos concitoyens manifestent évidemment des attentes aussi fortes que légitimes.

Il y a non seulement ce que nous construisons dans le cadre du Parlement, mais il y a aussi ce que les élus locaux et les citoyens, guidés par les circonstances et par le pragmatisme – souvent – , et par le souci du bien commun – toujours – , construisent de leur propre initiative. Il ne faut pas passer à côté de ces mouvements, surtout lorsqu'ils vont dans le sens de l'histoire et d'une meilleure santé environnementale. Ces dernières semaines, ces derniers mois, la physionomie de nos villes a changé. Partout nous avons vu apparaître des infrastructures destinées à sécuriser les mobilités actives. C'est un sujet très sérieux, car il s'agit d'un levier de transformation sans pareil que les jeunes générations et les familles, tout autant que nos aînés, attendent. Vous le savez : certains de nos voisins européens – je pense aux Pays-Bas ou au Danemark, souvent cités – ont ouvert la voie depuis longtemps en multipliant les possibilités de se déplacer sans risque ni peur, sans pollution ni bruit, et en faisant de l'exercice physique.

Avec le plan vélo annoncé en 2018, un fonds de 350 millions d'euros sur sept ans a été créé pour aider les collectivités territoriales à construire des pistes cyclables sûres et fiables. Dans le cadre du plan France relance, 100 millions supplémentaires ont été apportés. L'objectif est de tripler, d'ici à 2024, la part du vélo dans les déplacements quotidiens – il passerait alors de 3 à 9 %. On ne peut parler de santé environnementale sans interroger la façon dont nous nous déplaçons : c'est pourquoi je voulais, au terme de mon intervention, appeler votre attention sur cette question.

Je vous souhaite un travail parlementaire riche à l'occasion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui a déjà été débattu en commission et qui sera discuté dans cet hémicycle à partir de la semaine prochaine.

Pour conclure, je réaffirme mon engagement, celui d'Olivier Véran, du ministère des solidarités et de la santé et de l'ensemble du Gouvernement, en matière de consolidation de notre politique de santé environnementale et de protection de la santé de nos concitoyens pour aujourd'hui et pour demain.

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