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Guy Teissier
Question N° 10090 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 3 juillet 2018

M. Guy Teissier interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'introduction d'une dose de proportionnelle pour les élections législatives dans le projet de loi dit « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ». En effet, alors que ces derniers mois, de nombreux pays européens ont été marqués par de longues crises politiques dues à un manque de majorité claire sortie des élections, la France souhaite malgré tout introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des membres de l'Assemblée nationale. Les cas de l'Allemagne et de l'Italie suffisent à fournir des exemples des effets néfastes que peuvent produire de telles mesures, d'autant plus lorsque celles-ci se font pour satisfaire une alliance politique. La Constitution de la Ve République avait pour motif principal de donner à la France des institutions stables, promesse jusque-là tenues puisque la Constitution du 4 octobre 1958 sera dans quelques années la Constitution républicaine qui aura la plus perdurée dans l'histoire de France. De plus, la réduction du nombre des députés va réduire le nombre de circonscriptions et donc affaiblir la représentativité de la Nation française à travers ces représentants. Ainsi, l'élection de certains députés sur une liste nationale va non seulement créer un certain nombre de députés sans attache territoriale et va de plus, réduire le nombre de circonscriptions, ce qui va davantage aggraver le sentiment de crise de la représentativité dans le pays. Ainsi, en souhaitant satisfaire la volonté d'exprimer un plus grand pluralisme des opinions au sein de l'Assemblée nationale, le risque est à l'inverse d'accroître un fossé qui semble s'être creusé entre les élus et les citoyens dont l'augmentation des votes pour les partis extrêmes en sont les premiers symptômes. Ainsi, il souhaiterait savoir si l'introduction d'une dose de proportionnelle ne serait pas contraire à l'esprit de la Constitution et si d'autres moyens ne seraient pas plus souhaitables pour permettre une meilleure représentativité du pluralisme des opinions dans les instances décisionnelles.

Réponse émise le 11 septembre 2018

Le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit l'introduction d'une part de représentation proportionnelle pour les élections législatives (15 % de l'effectif de l'Assemblée nationale, soit 61 députés) afin de favoriser la représentation de formations politiques qui réalisent des scores significatifs à chaque scrutin sans toutefois obtenir un nombre de sièges en rapport avec ces résultats, notamment en raison du mode de scrutin majoritaire. D'abord, une telle mesure n'est contraire ni à l'esprit, ni à la lettre de la Constitution. Au contraire, c'est soucieux d'une tradition républicaine française bien ancrée que le constituant avait décidé de ne pas constitutionnaliser le mode de scrutin en 1958, pour permettre son adaptation en fonction des circonstances et des choix politiques. En outre, la juxtaposition de deux modes de scrutins différents existe déjà pour le Sénat. Mieux, le projet de réforme institutionnelle permettra de concilier les effets bénéfiques du scrutin majoritaire, prépondérant, à savoir la constitution de majorités stables et cohérentes, et ceux du scrutin proportionnel, autrement dit la garantie de l'expression pluraliste des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation conformément à l'article 4 de la Constitution. Par ailleurs, l'instauration d'une dose de proportionnelle préservera intégralement le principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage des électeurs, qui éliront tous des députés selon le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel. Ensuite, vous craignez les effets de la réduction du nombre de députés prévue par le projet de loi organique accompagnant ce projet de loi ordinaire en termes de représentativité des élus et d'enracinement territorial de ces derniers. Le Gouvernement a souhaité que les territoires ruraux demeurent aussi bien représentés que les territoires les plus urbains. Le projet de loi prévoit ainsi que chaque département ou collectivité assimilée comptera, a minima, un député et un sénateur, et que la modification induite des limites des circonscriptions sera effectuée « sur des bases essentiellement démographiques » conformément à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel En outre, le dispositif retenu s'inscrit dans la dynamique de renforcement des moyens mis à disposition du système représentatif qui a notamment conduit à accentuer l'encadrement du cumul des mandats parlementaires, en permettant aux députés et sénateurs, moins nombreux, d'être mieux identifiés dans leur circonscription, de s'investir pleinement dans leur mission et de disposer d'une marge d'action raffermie. Enfin, les comparaisons avec d'autres démocraties caractérisées par un système bicaméral sont éclairantes. Aujourd'hui, avec 577 députés et 348 sénateurs, la France compte un parlementaire pour 72 000 habitants. En 2022, avec une réduction de 30 %, notre pays comptera un parlementaire pour 103 000 habitants, un ratio comparable à celui de l'Allemagne qui compte un parlementaire pour 106 000 habitants, et nettement en deçà de celui des Etats-Unis (un parlementaire pour 608 000 habitants). Pour les raisons qui précèdent, le Gouvernement considère que l'introduction d'une dose de proportionnelle est conforme à l'esprit de la Constitution et permet même de l'enrichir en renforçant la représentativité de la Chambre basse.

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