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Boris Vallaud
Question N° 10644 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 17 juillet 2018

M. Boris Vallaud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le sujet de la reconnaissance de calamité agricole liée au déficit de production des apiculteurs. Des phénomènes de surmortalité de colonies d'abeilles touchent l'ensemble du territoire national et certains apiculteurs ont déjà perdu plus de 80 % de leur cheptel apicole. Maintenir les exploitations agricoles, conforter une production de miel suffisante et maintenir une activité de pollinisation restent essentiels pour assurer rendement et qualité aux cultures agricoles, aux plantes sauvages et à la conservation de la biodiversité. Les études en cours démontrent la nécessité d'adopter des mesures de protection des pollinisateurs vis-à-vis de l'emploi des pesticides avec le concours de l'ANSES avant toute autorisation de mise sur le marché. En conséquence, il lui demande d'apporter un soutien économique aux apiculteurs économiquement touchés par la reconnaissance de calamité agricole et de mettre en œuvre des moyens d'investigation pour permettre la mise en place d'analyses pertinentes en vue de renforcer les pratiques agricoles biologiques.

Réponse émise le 30 octobre 2018

Plusieurs organisations apicoles ont fait état de surmortalités de colonies d'abeilles particulièrement marquées en sortie d'hiver 2017/2018 dans plusieurs régions françaises. Face à cette situation, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé le 7 juin 2018 à ses services d'organiser un état des lieux précis des mortalités sur l'ensemble du territoire national. Un dispositif d'enquête combinant une appréciation qualitative et quantitative a ainsi été mis en place. Les remontées d'informations par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt font état de mortalités hivernales 2017/2018 en augmentation par rapport aux hivers précédents en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes Côte d'Azur et Bourgogne Franche-Comté principalement, même si des cas ponctuels de mortalités significatives sont également signalés dans d'autres régions, et touchent toutes les catégories d'apiculteurs (de loisir et professionnels). Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a donc décidé de mettre en place un dispositif d'aide exceptionnel pour les apiculteurs impactés, doté d'une enveloppe de 3 millions d'euros. Ce dispositif prend la forme d'une aide au renouvellement du cheptel apicole et est articulé avec les aides déjà mises en place par les collectivités territoriales, notamment les conseils régionaux. Afin de répondre au besoin de trésorerie des apiculteurs touchés, une avance sera versée rapidement dès la demande effectuée. Les apiculteurs auront ensuite jusqu'à la fin du printemps 2019 pour réaliser les achats d'essaims et transmettre les factures. Par ailleurs, une enveloppe spécifique du fonds national d'action sanitaire et sociale, déléguée à la mutualité sociale agricole, va être consacrée à la prise en charge des cotisations sociales des apiculteurs faisant face à des difficultés. En matière de risque climatique, le dispositif des calamités agricoles vise à indemniser les baisses quantitatives de production (pertes de récolte) ou la destruction de biens (pertes de fonds) résultant d'un aléa exceptionnel. La reconnaissance au titre des calamités agricoles est initiée par une mission d'enquête mandatée par le préfet, sur saisine des représentants des organisations professionnelles agricoles. Sur la base de cette mission et de l'avis du comité départemental d'expertise, le préfet demande la reconnaissance du caractère de calamité agricole pour le sinistre considéré. Il adresse son rapport au ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui saisit le comité national de gestion des risques en agriculture. Pour être indemnisés, les exploitants agricoles victimes d'un tel sinistre doivent faire état de pertes dépassant certains seuils (au moins 30 % de pertes pour la production sinistrée et les pertes doivent représenter plus de 13 % de la production totale de l'exploitation). Le calcul des dommages individuels et de l'indemnisation, qui représente environ 25 % des dommages, est réalisé sur des bases forfaitaires et collectives, à la différence d'un régime d'assurance. À ce jour, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'a pas connaissance de procédure de demande de reconnaissance en cours. Afin de préciser le premier état des lieux dressé par les services officiels, une enquête « quantitative » à destination des apiculteurs français, élaborée dans le cadre de la plateforme nationale d'épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA) a été lancée. Les apiculteurs ont été informés individuellement de l'ouverture de l'enquête à laquelle ils ont été invités à répondre par mail ou par courrier. En termes de surveillance, l'observatoire des mortalités et des affaiblissements des colonies d'abeilles, mis en place en 2017 de manière exploratoire dans deux régions pilotes (Bretagne et Pays de la Loire), doit notamment permettre d'objectiver la situation du cheptel apicole. Les apiculteurs ont participé activement au dispositif en portant à la connaissance de l'observatoire les évènements de santé rencontrés sur leurs ruchers. Un premier bilan de fonctionnement a été publié le 6 juin 2018. Des réflexions sont menées au niveau national avec les différents acteurs pour préciser les modalités d'investigation dans les recherches, sur le plan technique et analytique incluant le volet toxicologique. Cet observatoire a pour vocation à terme d'être déployé dans l'ensemble des régions françaises. Concernant la surveillance plus particulière des risques toxicologiques liés à d'éventuels mésusages ou effets non intentionnels de produits chimiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments vétérinaires), un dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës des abeilles existe depuis plusieurs années. Suite à son évaluation par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2017, ce dispositif a été revu début 2018, en lien avec un groupe de travail technique associant experts et parties prenantes pour améliorer le dispositif à court et à moyen terme. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation finance également l'étude « BAPESA », impliquant notamment l'institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation, l'institut national de la recherche agronomique et l'Anses, qui a pour objectif d'évaluer l'exposition de colonies d'abeilles aux substances antiparasitaires et biocides utilisées en élevage et d'étudier les éventuels effets de santé associés sur les colonies d'abeilles. En termes de lutte contre les agents biologiques responsables d'affaiblissement et de mortalités, compte tenu des enjeux sanitaires et économiques liés à varroa destructor, une stratégie nationale de prévention, surveillance et lutte a été élaborée afin de réduire la pression d'infestation des ruchers avec des travaux techniques menés par la fédération nationale des groupements de défense sanitaire France. La filière, éventuellement par son interprofession nouvellement créée, doit s'emparer de façon prioritaire de ce sujet en s'engageant dans une stratégie réglementaire face à ce parasite. En ce qui concerne la réduction de l'impact des produits chimiques et des produits phytopharmaceutiques en particulier, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, interdit l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Toutefois des dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Elles devront se fonder sur un bilan établi par l'Anses comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives néonicotinoïdes avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. L'avis et le rapport de l'Anses « Risques et bénéfices relatifs des alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes » sont parus le 30 mai 2018. Les éventuelles dérogations seront décidées sur la base des conclusions de ce rapport, des évolutions et de l'encadrement de ces molécules au plan européen. En effet, des restrictions complémentaires ont été votées fin avril, visant trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) et restreignant leur usage uniquement sous serre, avec application effective le 19 décembre 2018. Par ailleurs, le thiaclopride a été récemment classé reprotoxique (R1) par l'agence européenne des produits chimiques (ECHA - agence européenne compétente). Par ailleurs, le plan d'actions gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides a été présenté le 25 avril 2018. Il prévoit, parmi les mesures destinées à préserver l'environnement, un renforcement du dispositif réglementaire de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. Il repose actuellement sur différentes dispositions de l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, de l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif aux conditions d'enrobage et d'utilisation des semences traitées et de l'arrêté du 7 avril 2010 relatif à l'utilisation des mélanges extemporanés de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif transversal vient en complément des conditions d'emploi spécifiques à chaque produit, qui sont précisées dans l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de l'évaluation des risques du produit, incluant l'évaluation des risques pour les pollinisateurs. À la lumière des nouvelles données scientifiques, l'Anses a été saisie pour formuler des propositions d'évolution de ce cadre réglementaire. En outre, l'arrêté portant exonération de la réglementation des substances vénéneuses destinées à la médecine vétérinaire concernant l'amitraz et l'acide oxalique a été signé le 5 mai 2018. Toutefois, celui-ci ne concerne que l'exonération de prescription par ordonnance pour les médicaments qui les contiennent. Ces produits restent des médicaments vétérinaires qui doivent être commandés, achetés et délivrés dans le circuit prévu par le cadre juridique en vigueur, c'est-à-dire auprès d'un pharmacien, d'un vétérinaire ou d'un groupement agréé.

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