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Delphine Batho
Question N° 10716 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 17 juillet 2018

Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'utilisation des huiles essentielles à des fins thérapeutiques dans les élevages agricoles. La France promeut un usage prudent et raisonné des antibiotiques, notamment depuis le dernier plan Ecoantibio 2017-2021 dont l'un des axes est de développer les mesures de prévention des maladies infectieuses et faciliter le recours aux traitements alternatifs. Pour certains agriculteurs, les huiles essentielles représentent un excellent compromis répondant aux difficultés médicales qu'ils peuvent rencontrer avec leur élevage. Celles-ci leur assurent, par ailleurs, une meilleure production, une amélioration de la santé de leurs animaux mais aussi une économie financière conséquente. Cependant, les huiles essentielles sont considérées comme des médicaments vétérinaires et doivent, de ce fait, respecter la réglementation en matière de pharmacie vétérinaire. À l'heure actuelle, très peu de médicaments vétérinaires à base de plantes possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les vétérinaires qui souhaitent traiter un animal par aromathérapie ont souvent recours à la prescription de préparations extemporanées et doivent justifier que le recours aux huiles essentielles se fait en raison de l'absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée. Ainsi, dans le cas particulier des animaux de rente, il convient de définir des limites maximales de résidus (LMR) pour toutes les substances administrées via un médicament vétérinaire. Or l'absence de LMR pour de nombreuses plantes a été identifiée comme un obstacle majeur à l'obtention d'AMM pour les médicaments à base de plantes à destination des animaux producteurs de denrées alimentaires. Aussi, elle souhaiterait connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour permettre le développement des huiles essentielles comme alternatives aux antibiotiques.

Réponse émise le 11 septembre 2018

Dans le contexte de la lutte contre l'antibiorésistance, défi majeur et mondial de santé publique, un certain nombre de professionnels de l'élevage souhaitent utiliser des produits à base de plantes pour soigner leurs animaux et éviter ainsi d'utiliser des antibiotiques. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a entrepris plusieurs actions afin de ne pas laisser les professionnels de l'élevage démunis face aux maladies de leurs animaux. Ainsi, la recherche de solutions thérapeutiques innovantes permettant d'éviter le recours aux antibiotiques a fait l'objet de la mesure 19 du premier plan Ecoantibio de lutte contre l'antibiorésistance en médecine vétérinaire (2012-2016). En mai 2013, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie pour établir un état des lieux des alternatives aux antibiotiques en vue de diminuer leur usage en élevage, et a rendu ses conclusions en février 2018. L'objectif de cette saisine était, entre autres, d'évaluer l'efficacité et la toxicité des différents produits revendiquant un effet préventif ou curatif sur les maladies bactériennes des animaux. L'évaluation de la toxicité est en effet déterminante afin de protéger non seulement l'animal qui reçoit le produit, mais également le professionnel qui le lui administre. Elle permet également de protéger le consommateur en déterminant si besoin une limite maximale de résidus (LMR) ainsi qu'un temps d'attente pendant lequel les denrées alimentaires issues de l'animal traité ne peuvent être consommées. L'innocuité pour l'environnement doit également être évaluée. En raison du trop faible nombre de publications scientifiques de qualité, l'ANSES n'a pas pu rendre de conclusions sur l'efficacité de la plupart des produits revendiquant un effet préventif ou curatif sur les maladies bactériennes des animaux. L'absence d'efficacité scientifiquement avérée constitue donc une limite majeure pour passer à l'étape d'étude de la toxicité et d'établissement de LMR. En parallèle de cette saisine de l'ANSES, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a orienté son action en matière de médicaments vétérinaires à base de plantes sur plusieurs plans. Sur le plan réglementaire, pour inciter les acteurs de l'industrie du médicament vétérinaire à déposer des dossiers d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires à base de plantes, le décret no 2013-752 du 16 août 2013 portant diverses dispositions relatives aux médicaments vétérinaires et aux établissements pharmaceutiques vétérinaires a introduit la possibilité de fournir un dossier allégé pour les médicaments vétérinaires à base de plantes. L'avis de l'ANSES du 2 février 2016 sur l'évaluation des demandes d'AMM de médicaments vétérinaires à base de plantes précise justement pour chaque partie du dossier d'AMM les allégements envisageables. En outre, afin de tenir compte de la spécificité de la phytothérapie vétérinaire, le montant de la redevance versée à l'ANSES pour une demande d'AMM a été minoré depuis septembre 2015, en passant de 14 000 euros à 5 000 euros. Sur le plan de la recherche, la recherche de références solides sur les traitements alternatifs –dont les produits à base de plantes– a été inscrite dans le plan Ecoantibio 2 (action 2). L'appel à projets 2017 du plan Ecoantibio 2 a ainsi permis de retenir et de financer plusieurs projets répondant à l'action 2, dont deux consacrés aux huiles essentielles, et qui viennent s'ajouter aux deux projets déjà sélectionnés lors des appels à projet du plan Ecoantibio 1. Sur le plan de la formation, un diplôme inter-écoles vétérinaires sur la phytothérapie vétérinaire a été mis en œuvre avec le soutien du ministère. Par ailleurs, au niveau européen, les produits à base de plantes ne font pas partie du champ du futur règlement européen sur le médicament vétérinaire malgré les demandes répétées de la France lors des négociations. L'article 149 du futur règlement impose toutefois à la Commission européenne de rédiger un rapport sur les produits à base de plantes utilisés pour soigner les animaux dans les cinq ans suivant la date d'application du règlement. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation veillera donc à ce que cet engagement soit tenu, et qu'il puisse donner lieu à une réglementation dédiée comme cela est prévu par le même article si cela s'avère approprié. Enfin, les très bons résultats du plan Ecoantibio 1 (diminution de 37 % de l'exposition des animaux aux antibiotiques alors que l'objectif cible était de 25 %), fruit de l'engagement de l'ensemble des parties prenantes, et notamment du couple éleveur-vétérinaire, témoignent qu'il est possible de réduire les usages d'antibiotiques sans atteinte à la santé des animaux. À ce titre le meilleur moyen de réduire les usages d'antibiotiques reste la prévention. Ainsi les alternatives ne doivent être envisagées que de manière complémentaire à un ensemble de bonnes pratiques d'élevage : biosécurité et hygiène, vaccination, qualité de l'alimentation, de l'eau de boisson et du logement et bien-être animal.

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