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Marietta Karamanli
Question N° 11041 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 24 juillet 2018

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'application des articles 16 et 17 du règlement européen dit de « Dublin III ». Celui-ci prévoit des « motifs humanitaires et clauses discrétionnaires » au titre desquels il est possible de demander l'annulation d'une « réadmission Dublin » sur leur base. Cela peut viser différentes situations particulières humanitaires qui ne ressortent pas des moyens visés par les autres dispositions. Sont, par exemple cités les cas de graves maladies dont le traitement aurait commencé en France, de situations traumatiques importantes, de l'hypothèse de situations où les personnes réadmises ont été victimes de réseaux agissant dans les États de transfert. Elle souhaite connaître le nombre de demandes formulées et acceptées sur cette base dans le pays ces dernières années, savoir si les recours juridictionnels s'appuyant sur un tel moyen ont pu aboutir eu égard au caractère discrétionnaire de la décision prise par l'autorité administrative et quelle « tendance » se dégagerait alors des décisions juridictionnelles. Elle souhaite savoir si les États peuvent, entre eux, pratiquer une forme de réciprocité sur les situations (mêmes motifs, examen favorable dans un autre État) ainsi visées.

Réponse émise le 9 octobre 2018

Le règlement Dublin III prévoit un certain nombre de cas permettant de déroger à l'application des critères de détermination de l'État membre responsable. L'article 16 vise les personnes dépendantes et permet de les rapprocher de membres de leur famille résidant légalement dans un autre État membre de l'Union européenne et capables de les prendre en charge. Les clauses discrétionnaires sont précisées à l'article 17. Celles décrites à l'article 17-1 autorisent un État membre à se déclarer responsable du traitement d'une demande d'asile nonobstant les critères visés par le règlement. Quant à l'article 17-2, il ouvre la possibilité de requérir un autre État membre sur la base de critères élargis prenant en compte les liens familiaux, culturels ou des raisons humanitaires. Les situations médicales revêtant un caractère de gravité ne figurent pas dans le texte du règlement au titre des clauses discrétionnaires. Le règlement Dublin autorise le transfert de personnes malades sous réserve d'un dispositif fixé à l'article 32. En tout état de cause, la France ne procède, contrairement à d'autres États membres, à aucun transfert en cas de graves maladies. Lors de l'enregistrement d'une demande d'asile, le préfet, dans un premier temps, doit déterminer l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Il se base sur deux sources d'information : la première provient des indications résultant de la consultation de la base de données européenne Eurodac et la seconde des éléments d'information recueillis auprès du demandeur d'asile lors de l'entretien Dublin. Ainsi, en 2015 les autorités administratives françaises ont fait usage pour 354 demandeurs d'asile des clauses discrétionnaires rendant la France responsable de la demande d'asile alors qu'elle incombait à un autre État membre au regard des critères du règlement Dublin. Ces chiffres ont évolué à la hausse depuis lors : 705 pour l'année 2016, 1 106 pour 2017 et 353 pour le premier semestre 2018. Ces chiffres ne prennent pas en compte les demandeurs d'asile qui auraient dû relever de la responsabilité de la Grèce, pays vers lequel la France ne procède à aucun transfert au titre du règlement Dublin en application de l'article 3-2. S'agissant des requêtes Dublin adressées à la France par les autres États membres au titre des articles 16 et 17, leur nombre demeure marginal : 35 requêtes en 2016, 53 en 2017 et 30 pour le premier semestre 2018. Celles-ci sont pour la plupart fondées sur des motifs familiaux au sens large. Toutefois, les États membres ne s'inscrivent pas dans un système de réciprocité considérant que l'application des clauses discrétionnaires ne peut être mise en œuvre que dans le cadre d'un examen au cas par cas en fonction d'éléments personnalisés. Ces situations ne peuvent donc faire l'objet d'une pré-détermination. Certains recours juridictionnels contre les décisions de transfert invoquent l'application de l'article 17-2, ceux-ci ne font pas l'objet d'un décompte statistique. Peu aboutissent dans la mesure où l'application de l'article 17-2 repose sur des éléments présentés par le demandeur d'asile lors de l'enregistrement de sa demande qui doivent revêtir un certain degré de précision. Or, au contentieux, ces clauses discrétionnaires sont invoquées au sens large sans recourir aux éléments prescrits par l'article 17 et se bornant le plus souvent au caractère dérogatoire pour les représentants de l'État de ces dispositions.

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