Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Emmanuelle Anthoine
Question N° 12354 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 25 septembre 2018

Mme Emmanuelle Anthoine alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la suppression envisagée du dispositif d'aide à l'emploi des saisonniers en même temps que le CICE, au 1er janvier 2019 et sur ses conséquences désastreuses sur les agriculteurs drômois. En effet, le Président de la République, avait annoncé que le crédit d'impôt pour la compétitivité et pour l'emploi (CICE) serait converti en réductions de charges supplémentaires. Or, si cet engagement a bien été respecté, l'exécutif envisagerait, en contrepartie, de supprimer à compter de 2019 la réduction de charges pour travailleurs occasionnels dite « réduction TO-DE ». Cette suppression du régime « TO-DE » engendrerait, en dépit des réductions de charges précitées, pour les exploitants agricoles une hausse moyenne des charges de 189 euros par mois par saisonnier. D'après les chiffres de la MSA, l'emploi saisonnier a totalisé près de 164 millions d'heures en 2016, soit pas loin de 13 % de l'ensemble des heures travaillées dans l'agriculture. Outre le maraîchage, la viticulture, les semences, l'horticulture et l'arboriculture sont les secteurs les plus consommateurs de ce type de contrats. Le coût du travail saisonnier est un facteur important de compétitivité par rapport aux autres productions. Au-delà des pays avec des salaires horaires beaucoup plus bas qu'en France (Pologne, Maroc), le coût du travail saisonnier fait l'objet de très fortes disparités en Europe. En Allemagne, le coût pour l'employeur d'une heure de travail saisonnier est de 8,84 euros, contre 12,11 euros en France. Les contrats de travail inférieurs à 70 jours sont exonérés de charges sociales outre-Rhin. Il en est de même en Italie ou en Espagne où le coût horaire est entre 35 % et 37 % moins cher qu'en France, grâce à des salaires minimums plus faibles. Si cette mesure venait à être confirmée de nombreuses exploitations pourraient se retrouver dans des situations financières dramatiques et être contraintes au dépôt de bilan. Cette suppression étant en contradiction avec l'objectif d'amélioration du revenu des agriculteurs pourtant défendu par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi EGALIM. Le département de la Drôme, premier département bio de France, qui connaît une activité agricole intense fortement employeuse de main-d'œuvre et exposée à la concurrence intra-européenne, serait le département français le plus impacté par cette mesure. Les emplois saisonniers sont nombreux avec 31 175 CDD pour 6 012 CDI en 2016. Sur ces CDD, ce sont 29 623 contrats qui sont concernées par le TO-DE avec 5 788 364 heures travaillées. Sa suppression impactera plus de 2 093 établissement soit près de la moitié des 5 000 exploitations drômoises céréalières, arboricoles, viticoles, de plantes aromatiques et médicinales mais aussi de l'élevage et du pastoralisme, essentiel au développement touristique, avec un coût supplémentaire estimé à près de 8 millions d'euros. Le recours au travail saisonnier n'est pas un choix de gestion du personnel, c'est une vraie contrainte naturelle subie par les agriculteurs, notamment dans les cultures spécialisées et la viticulture. Outre le fait d'avoir à faire face à une hausse de charge supplémentaire, les agriculteurs, déjà fortement handicapés par la concurrence européenne, n'auront pas d'autre solution (et à condition qu'ils puissent encore maintenir leur activité) que de recourir aux travailleurs détachés et ce au bénéfice de nos voisins européens. Le monde rural drômois a été déjà bien malmené par le Gouvernement avec la révision des zones défavorisées et la perte des indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN). C'est pourquoi, elle lui demande de prendre en considération la situation des exploitants agricoles et de ne pas donner suite à ce projet de suppression de la réduction « TO-DE » qui remettrait en cause la pérennité des exploitations agricoles mais également aurait d'importants retentissements dans le domaine agro-alimentaire avec comme conséquences de sérieuses menaces d'emploi sur tout le territoire.

Réponse émise le 19 février 2019

Afin de renforcer la compétitivité des entreprises, et conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement a acté la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allègement pérenne de charges et renforcé la réduction générale des cotisations sociales avec une exonération maximale au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC). Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2019, le Gouvernement a ainsi significativement renforcé les allègements généraux des charges sociales sur les bas salaires. L'agriculture française est globalement largement bénéficiaire de ces dispositions, entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2019, qui la rendront plus compétitive dans son ensemble. Dans ce contexte général, il avait été envisagé de réduire les exonérations sur les salariés occasionnels à travers la suppression du dispositif TO-DE à compter du 1er janvier 2019. Mais le débat parlementaire, avec un Gouvernement à l'écoute, a été l'occasion de revenir sur cette disposition. Il a donc été décidé de maintenir la compensation pour les employeurs de main d'œuvre, avec la mise en place d'un plateau allant jusqu'à 1,20 SMIC en 2019 et 2020. Au final, en 2019, pour la Ferme France, ce sera un gain de 47 M€ pour l'ensemble des exploitants agricoles employeurs de main d'œuvre permanente et occasionnelle. Cette période transitoire permettra aux réformes structurelles favorables aux entreprises agricoles de produire leurs effets. Il est particulièrement important de regarder l'environnement global s'appliquant aux exploitations agricoles : la réforme du CICE ne doit pas être lue de manière indépendante des autres réformes entreprises par le Gouvernement. Le Gouvernement a ainsi engagé, en lien avec les parlementaires et les acteurs économiques, un travail approfondi pour améliorer la fiscalité agricole, dont la réforme est portée dans le projet de loi de finances pour 2019. L'objectif est de donner aux agriculteurs les outils leur permettant d'améliorer la résilience face aux aléas et la compétitivité de leurs entreprises. Parmi ces outils, la mise en place d'une épargne de précaution, particulièrement souple d'utilisation, devrait être largement utilisée par les filières connaissant des fluctuations importantes de revenus d'une année sur l'autre, parmi lesquelles la viticulture et les cultures spécialisées. Ce mécanisme, concret et très attendu, permet aux exploitants, les bonnes années, de déduire de leur revenu imposable des sommes conséquentes (plafond de 150 000 €), qu'ils pourront réintroduire dans leur compte de résultat lors des mauvaises années, sur une période de dix ans. Pour permettre à notre agriculture d'être toujours plus compétitive, en tenant compte de la diversité de l'agriculture française et des différences entre les États membres de l'Union européenne, l'enjeu est de combiner efficacement : - la baisse transversale des charges et le renforcement des allègements généraux, qui soutiennent la compétitivité-prix ; - les outils fiscaux qui permettent aux entreprises de gérer la volatilité des prix ; - les soutiens à la valorisation des productions (augmentation de la valeur ajoutée et montée en gamme) prévus dans le cadre des suites des états généraux de l'alimentation et du grand plan d'investissement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.