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Laurent Garcia
Question N° 14103 au Secrétariat d'état aux retraites


Question soumise le 13 novembre 2018

M. Laurent Garcia attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la situation des anciens salariés de la société Lorraine Tubes, aujourd'hui privés de retraite supplémentaire en raison de la mise en liquidation judiciaire de leur entreprise en décembre 2017. La société avait en effet adhéré en 1990 à l'accord Institution retraite Usinor Sacilor (IRUS), qui garantissait aux salariés une retraite pouvant aller jusqu'à 62 % de leur dernier salaire brut, à la faveur d'une allocation supplémentaire. Malgré une reprise rapide par le groupe Arcelor Mittal, qui fait de confortables bénéfices et dont l'État était actionnaire à l'époque, la liquidation judiciaire a entraîné l'impossibilité pour le mandataire de verser les sommes prévues aux anciens salariés (environ 120 d'entre eux sont concernés). Contrairement à leurs engagements, les dirigeants de l'entreprise n'avaient en effet pas provisionné les retraites. S'agissant d'une question soulevée à plusieurs reprises par des parlementaires ces dernières années et compte tenu du risque de perte de confiance de toutes celles et ceux qui cotisent en complément des régimes obligatoires, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour remédier à cette situation spécifique.

Réponse émise le 4 mai 2021

En 1990, le groupe industriel Usinor Sacilor a entrepris d'harmoniser les dispositifs de retraite supplémentaire d'entreprise que certaines de ses filiales avaient mis en place en créant un régime unique sur la base d'un accord collectif. Pour gérer ce régime, une institution, dénommée Institution de Retraite Usinor Sacilor (IRUS), a été mise en place. Par cet accord collectif, les employeurs se sont engagés à verser à leurs salariés une rente viagère en complément des retraites obligatoires de base et complémentaires, dont le montant devait correspondre à un pourcentage plafonné du salaire de référence du salarié. Ces rentes sont financées intégralement par l'employeur et versées sous condition d'ancienneté et de présence dans l'entreprise au moment du départ à la retraite. Afin de sécuriser les droits des salariés, une obligation d'externaliser les engagements de retraite supplémentaire auprès d'organismes assureurs a été mise en place. C'est dans ce cadre que, conformément à la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés et portant transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes, l'IRUS s'est transformée en institution de retraite supplémentaire (IRS) gérée par les partenaires sociaux. Cette loi imposait aux IRS un provisionnement intégral des engagements de retraite nés après la publication de la loi, soit à compter de 1994. Puis, conformément à la faculté ouverte par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les partenaires sociaux ont opté pour une transformation de l'IRS en institution de gestion de retraite supplémentaire (IGRS), structure paritaire n'assurant que la gestion administrative des prestations de retraite et ne pouvant pas porter d'engagements financiers. Cette transformation a été effective en 2009 et ne s'est pas accompagnée d'une externalisation des provisions constituées auprès d'un organisme assureur, alors que l'article 116 de la loi du 21 août 2003 précitée le prévoyait expressément. Par ailleurs, afin de dissuader le maintien de régimes gérés directement par les entreprises (notamment pour les engagements nés avant 1994), des mesures de taxation ont été adoptées par le législateur. L'article 115 de la loi du 21 août 2003 précitée a ainsi instauré une contribution spécifique à la charge de l'employeur sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise (article L. 137-11 du code de la sécurité sociale). Cette contribution spécifique a été portée à 24 % pour les régimes externalisés, contre 48 % pour les régimes gérés en interne. Le rapport remis en octobre 2010 par le Gouvernement au Parlement sur ces régimes relève que la quasi-totalité (environ 97 %) des entreprises ont externalisé leur régime de retraite supplémentaire auprès d'un organisme assureur. En outre, cette obligation d'externalisation est reprise pour les nouveaux régimes de retraite supplémentaires crées par l'ordonnance n° 2019-697 du 3 juillet 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire. Enfin, pour la sécurisation des retraites déjà liquidées, l'ordonnance n° 2015-839 du 9 juillet 2015 relative à la sécurisation des rentes versées dans le cadre des régimes de retraite mentionnés à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale prévoit la sécurisation des droits à hauteur d'au moins 50 % au moyen d'une garantie des engagements par un ou plusieurs contrats souscrits auprès d'un organisme assureur, une ou plusieurs fiducies ou une ou plusieurs sûretés réelles ou personnelles. Ainsi, en prévoyant l'externalisation des engagements de retraite en cours d'acquisition et le provisionnement progressif des droits liquidés, l'Etat a entendu sécuriser les droits à retraite supplémentaire des salariés. Toutefois, concernant la situation spécifique des anciens salariés du groupe Ascométal, le Conseil d'Etat a jugé dans sa décision du 21 octobre 2019 que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de la transposition tardive de la directive 80/987/CE du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. En application de cette décision du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel (CAA) de Nancy s'est prononcée, par un arrêt du 19 novembre 2020, sur la méthode de calcul pour l'indemnisation à retenir dans les instances concernant les anciens salariés du groupe Ascométal. L'Etat indemnisera donc les personnes concernées conformément aux jugements qui interviendront dans chaque instance, à la suite de l'arrêt de la CAA de Nancy.

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