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François Ruffin
Question N° 14414 au Ministère des solidarités


Question soumise le 20 novembre 2018

M. François Ruffin attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Voilà bientôt deux ans, la loi du 29 décembre 2016 a créé un dispositif spécifique d'indemnisation des victimes de la Dépakine. Pendant des années, l'entreprise Sanofi a vendu de la Dépakine aux femmes enceintes, tout en sachant, et en cachant, que ce médicament pouvait provoquer des cas d'autisme ou des malformations chez les enfants exposés in utero. En décembre 2016 il était donc décidé, face à l'ampleur du scandale sanitaire et aux difficultés des familles d'en assumer financièrement les conséquences, de permettre aux victimes d'être indemnisées dans de bonnes conditions, et de manière rapide, via l'Oniam, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. Un collège indépendant d'experts était nommé pour traiter les dossiers, reconnaître ou non le lien de causalité avec la prise de Dépakine, et permettre à l'Oniam d'enclencher le processus d'indemnisation. Un fonds de dix millions d'euros, destiné à « financer la première année de mise en œuvre de ce dispositif d'indemnisation qui sera adossé à l'Oniam », était même créé le 14 novembre 2017 dans le cadre du PLF. Plusieurs centaines de dossiers avaient en effet déjà été déposés dans cette optique. Deux ans plus tard, alors qu'un rapport de l'Assurance maladie et de l'ANSM estime à 30 000 le nombre de victimes de la Dépakine, où en est-on ? Nulle part. Aucune victime, aucune famille n'a encore été indemnisée, ni par l'Oniam, ni, malheureusement, par la firme Sanofi. Des dizaines de dossiers ont pourtant déjà été étudiés par les experts, qui ont reconnu la causalité, et la responsabilité de la Dépakine et de Sanofi dans les cas d'autisme ou de malformations constatés. Chaque semaine, de nouveaux dossiers traités viennent s'empiler sur les bureaux de l'Oniam. Toutefois, aucun versement n'a encore été effectué. Au vu de son budget, de 140 millions d'euros, et du fonds de dix millions d'euros spécifiquement créé à cet effet, l'Oniam dispose pourtant des moyens financiers pour indemniser les victimes de la Dépakine et de Sanofi. L'organisation même de l'Oniam serait-elle un frein à son bon fonctionnement ? La Cour des comptes, dans un rapport au vitriol publié en février 2017, estimait en effet qu'« en l'état actuel de sa gestion, il serait aventureux de confier à l'Oniam la mission d'indemniser les victimes de la Dépakine dont l'ampleur et les enjeux seraient encore plus importants que dans l'affaire du Médiator ». Ou bien faut-il chercher ailleurs les raisons qui justifient ce retard ? Pourquoi, au bout de deux ans, des familles lourdement impactées par les frais médicaux liés aux handicaps de leurs enfants, sans même parler des dommages moraux qu'elles ont subis, pourquoi ces familles, donc, n'ont-elles toujours pas perçu le moindre centime des sommes qui leur sont dues ? Peut-elle lui préciser quelles sont les mesures envisagées par son ministère pour accélérer l'indemnisation de ces victimes ? Dans quels délais ces mesures concrètes prendront-elles effet ? Une autre question point, toujours à propos de ce scandale sanitaire. L'Oniam a entre autres pour mission d'indemniser les victimes avant de se retourner vers un tiers - Sanofi, en l'occurrence - pour se faire rembourser. Dans le cas du Mediator, le laboratoire Servier a ainsi déboursé 110 millions d'euros pour quelque trois mille victimes, suivant un processus identique. Pour l'heure, on le sait, Sanofi refuse d'abonder au moindre fonds d'indemnisation. Est-il prévu que l'Oniam se retourne contre le laboratoire Sanofi ? Dans son rapport, la Cour des comptes soulignait le fait que l'organisme avait « omis » de récupérer quelque 90 millions d'euros de créances auprès de tiers fautifs, pour lesquels l'Oniam avait pourtant avancé de l'argent. Peut-elle lui assurer que l'Oniam, ou ses autorités de tutelle, se retourneront bel et bien contre Sanofi pour récupérer les sommes avancées pour les victimes ? Que ce ne sera pas à la collectivité de payer pour les dégâts causés par cette firme pharmaceutique, dont les méfaits sont désormais aussi connus que répétés ? Il lui demande enfin si les amitiés qui lient les dirigeants de Sanofi à certains membres de l'exécutif n'empêcheront pas ses services de réclamer ces sommes à la firme.

Réponse émise le 2 avril 2019

La montée en puissance du dispositif d'indemnisation se fait au fur et à mesure du dépôt des demandes auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui, au 31 janvier 2019, a enregistré 400 dossiers concernant autant de victimes directes et 929 victimes dites indirectes. Le comité d'indemnisation a rendu 10 avis définitifs et les premières offres ont pu être faites par l'office en début d'année. La complexité de chaque dossier et le souci du collège d'experts et du comité d'indemnisation de consolider leur analyse d'imputabilité des dommages au produit et de préciser les critères d'engagement de la responsabilité des parties mises en cause expliquent que les premiers avis ne soient rendus que maintenant. Il est attendu une accélération notable du traitement des dossiers en 2019. Par ailleurs sont actuellement examinées les mesures législatives ou règlementaires à envisager pour accélérer encore le traitement des dossiers. L'ONIAM se retournera vers Sanofi en vue du remboursement des sommes qu'il aurait dû verser aux victimes chaque fois que ce laboratoire aura refusé de donner suite aux avis d'indemnisation qui lui auront été notifiés par le comité d'indemnisation.

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