Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Patrice Verchère
Question N° 14812 au Ministère des solidarités


Question soumise le 4 décembre 2018

M. Patrice Verchère attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la question très importante concernant la nécessité d'un dépistage massif du cancer du poumon en France, pour les patients les plus à risques, c'est-à-dire les gros fumeurs de plus de 50 ans. Le cancer du poumon est devenu un véritable fléau au niveau mondial, avec 1,6 millions de morts par an et, malheureusement, 60 % des cancers du poumon sont diagnostiqués tardivement, à un stade où les chances de guérison sont faibles. En France, le cancer du poumon est le quatrième cancer le plus fréquent, avec 49 109 nouveaux cas estimés en 2017 (32 260 hommes et 16 849 femmes). Avec 30 991 décès par cancer du poumon estimés en 2017 (20 815 hommes et 10 176 femmes), ce cancer se situe au premier rang des décès par cancer chez l'homme et au deuxième rang chez la femme. Face à cette situation alarmante, certains pays, comme les États-Unis ont décidé de mettre en place un dépistage du cancer du poumon des gros fumeurs. Une très large étude conduite outre-Atlantique baptisée National lung screening trial (NLST) a estimé qu'un tel programme permet de réduire de 20 % la mortalité lié à cette maladie. En France, un tel dépistage a été jugé inutile en 2016 par la Haute autorité de santé à cause d'un possible nombre trop importants de faux positifs (des anomalies non cancéreuses pourraient être opérées inutilement) et de résultats américains non transposables au contexte français. Mais une nouvelle vaste étude européenne, l'étude NELSON, menée en Belgique et aux Pays-Bas sur 15 792 patients de 50 à 74 ans, tous fumeurs ou anciens fumeurs, présentant un risque élevé de cancer du poumon vient de confirmer sans ambiguïté l'intérêt d'un tel dépistage massif pour les gros fumeurs. Dans cette étude réalisée de manière rigoureuse sur le plan épidémiologique et présentée à la 19ème World conference on lung cancer (WCLC) qui s'est tenue en septembre 2018 à Toronto (Canada), les participants ont été répartis aléatoirement dans deux groupes : le premier a bénéficié d'un dépistage, l'autre non. Le dépistage consistait à réaliser à intervalles réguliers des scanners thoraciques (cet examen permet de radiographier le thorax du patient sous plusieurs angles pour reconstituer une image détaillée). Le suivi de cette étude a été de 10 ans pour juger de l'impact d'une telle procédure en termes de survie des patients. Les résultats de cette étude sont sans ambiguïté : le dépistage a réduit de 26 % les décès dus au cancer du poumon chez les hommes. Le recours à la chirurgie a été possible chez 67,7 % des patients dépistés atteints de cancer contre seulement 24,5 % du groupe non dépistés, ce qui témoigne d'une détection plus tardive de la maladie. Extrapolés au nombre de malades en France, ces résultats signifient qu'il serait possible de sauver 7 500 vies par an, simplement en faisant systématiquement passer un scanner à tous les gros fumeurs. Pour l' European respiratory society (ERS), cette étude marque un tournant et doit conduire les pays européens à instaurer sans tarder des programmes de dépistage du cancer du poumon pour les personnes à haut risque. Sur le plan économique, il faut par ailleurs rappeler qu'une étude française conduite par le docteur. Juliette Vella-Boucaud publiée en janvier 2016, portant sur l'analyse coût efficacité du dépistage du cancer du poumon chez les sujets exposés à des cancérigènes respiratoires montre qu'un tel dépistage permet un gain en année de vie compris entre 6,2 à 9,7 et un ratio coût efficacité variant de 32 039 à 40 359 euros par année de vie gagnée. Compte tenu de ces nouveaux éléments scientifiques, médicaux et épidémiologiques très probants, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures concrètes envisage le Gouvernement pour mettre en œuvre sans tarder un programme national de dépistage massif du cancer poumon chez les patients à risque, c'est-à-dire les gros fumeurs de plus de 50 ans.

Réponse émise le 26 mars 2019

Le cancer du poumon est aujourd'hui la première cause de décès par cancer en France et dans le monde. Alors qu'on note une décroissance de ce cancer chez les hommes, il est en progression constante chez les femmes : le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année a été multiplié par 7 en 30 ans. Le tabac est de loin le premier facteur de risque de ce cancer. En 2012, le plus grand nombre de décès par cancer du poumon se situait entre 60 et 64 ans dans les deux sexes. La survie à 5 ans de l'ensemble des personnes diagnostiquées entre 2005 et 2010 était de 17 % et la survie à 10 ans de celles diagnostiquées entre 1999 et 2004 était de 10 %. La prévention, par le programme national de réduction du tabagisme puis désormais par le programme national de lutte contre le tabac 2018-2022, de ce cancer et des autres cancers et maladies chroniques liés au tabagisme est ainsi un axe essentiel de la politique de santé. Le plan cancer 2014-2019 cible à la fois la prévention primaire du cancer du poumon, à travers les programmes de prévention, et son dépistage, dont les modalités sont étudiées en fonction des avancées des techniques d'imagerie radiologique et de prise en charge des tumeurs détectées. Les études menées jusqu'à présent dans le monde sur le dépistage du cancer du poumon par radiographie avaient amené en 2016 la haute autorité de santé (HAS) à conclure négativement quant au bénéfice pour la population d'un programme national de dépistage. La HAS considérait que les conditions de qualité, d'efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation de ce dépistage chez des personnes fortement exposées au tabac ou l'ayant été n'étaient pas réunies en France. Tout récemment, les résultats d'une étude européenne, l'étude NELSON, ont été communiqués. Cette étude indique que le dépistage pourrait réduire de 25% la mortalité chez l'homme et de 40 % à 60 % chez la femme. Nous ne disposons toutefois pas pour l'instant de ces résultats détaillés, qui n'ont pas été publiés. Même si tous les prérequis ne sont pas remplis pour la mise en place d'un programme national à très court terme, le dépistage du cancer du poumon a fait l'objet d'une nouvelle inscription au programme de travail 2019 de la HAS publié le 8 janvier 2019. Plusieurs questions persistent aussi en termes de stratégie de dépistage et d'organisation. Ces sujets doivent être rapidement traités, dans le respect des exigences de sécurité et de qualité indispensables à tout programme de santé publique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.