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Éric Poulliat
Question N° 17798 au Ministère de l'économie


Question soumise le 12 mars 2019

M. Éric Poulliat interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le tarif des expertises médicales destinées à la justice, mandatées la plupart du temps pour le compte de particuliers, et plus particulièrement sur le taux de TVA applicable. Le décret n° 2008-1485 du 22 décembre 2008 relatif à la tarification des certificats et avis médicaux établis dans le cadre des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs précise que le médecin auteur du certificat circonstancié prévu à l'article 431 du code civil reçoit, à titre d'honoraires, la somme de 160 euros. Ces actes médicaux n'étant pas soumis à la TVA en 2008, le décret ne précise pas s'il s'agit d'un montant hors taxe ou taxe comprise. Cependant, le 1er janvier 2014, la TVA à 20% est entrée en vigueur, comme pour tout acte médical sans visée curative ou préventive. Si le décret n° 2014-461 du 7 mai 2014 relatif aux frais de justice et à l'expérimentation de la dématérialisation des mémoires de frais précise que les tarifs des frais de justice sont fixés hors taxes, le tarif susmentionné n'a pas été modifié, ce qui entretient des divergences d'interprétation et des situations parfois conflictuelles entre les régleurs et les pratiquants. Ainsi, un médecin hospitalier du secteur public facturera son expertise 160 euros, sans préciser qu'il s'agit d'un montant hors taxe avec dispense de TVA, quand un praticien demandera 192 euros une fois avoir appliqué la TVA à 20%. De plus, cette ambiguïté contrevient à l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, qui précise que toute information sur les prix de services doit faire apparaître, quel que soit le support utilisé, la somme totale toutes taxes comprises qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en euros. Enfin, le maintien de la TVA sur les actes médicaux destinés à la justice réalisés par les médecins libéraux crée une différence de traitement entre ceux-ci et les autres acteurs du dispositif (médecins salariés experts, mandataires judiciaires), pour lesquelles la TVA est exonérée, et induit ainsi une majoration parfois non anticipée du coût à payer pour des institutions avec des budgets souvent très contraints. Aussi, il lui demande s'il serait envisageable de prévoir une exonération totale de la TVA pour ces expertises médicales destinées à la justice.

Réponse émise le 21 mai 2019

L'article 256 A du code général des impôts (CGI) prévoit que sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les personnes effectuant une activité économique de manière indépendante quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Or, il ressort des conditions dans lesquelles les médecins-experts collaborateurs occasionnels du service public exercent les missions qui leur sont confiées, et notamment de l'impartialité à laquelle ils sont nécessairement tenus, qu'ils interviennent de manière indépendante au sens de ces dispositions. Aussi, dès lors qu'ils exercent de manière indépendante une activité économique de prestataires de services contre une rémunération, ces experts judiciaires ont bien la qualité d'assujettis à la TVA. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne, (CJUE) seules les prestations ayant une finalité thérapeutique entendue comme visant à protéger, maintenir ou rétablir la santé des personnes sont éligibles au bénéfice de l'exonération pour les soins à la personne prévue à l'article 132 §1 sous c) de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA (directive TVA), dont le 1° du 4 de l'article 261 du CGI constitue la transposition en droit français. Ainsi, quand bien même elle fait appel aux compétences médicales, une prestation d'expertise médicale dont la finalité principale est de permettre à un tiers de prendre une décision produisant des effets juridiques à l'égard de la personne concernée ou d'autres personnes ne constitue pas une prestation de soins à la personne susceptible de rentrer dans le champ d'application de cette exonération (CJUE 20 novembre 2003, Margarete Unterpe rtinger, C-212/01, point 43). Dès lors, les prestations d'expertises médicales qui sont délivrées par des assujettis agissant en tant que tels ne peuvent bénéficier de l'exonération susmentionnée et ce quel que soit le statut des personnes qui les réalisent comme le précise les § 160 à 180 du BOI-TVA-CHAMP-10-10. Dès lors, sauf à réaliser un chiffre d'affaires inférieur au seuil annuel de la franchise en base prévue par l'article 293 B du CGI, soit 33 200 € pour les prestations de services, ces expertises médicales sont soumises à la TVA. S'agissant de la base d'imposition, l'article 1er du décret n° 2014-461 du 7 mai 2014 relatif aux frais de justice prévoit que les tarifs des frais de justice sont fixés hors taxe. Partant, il convient d'ajouter le montant de la TVA au taux normal de 20 % au tarif correspondant à l'établissement des certificats circonstanciés lorsque le médecin mandaté ne bénéficie pas de la franchise en base de TVA. Enfin, il est rappelé que les exonérations énumérées par la directive TVA étant d'interprétation stricte, il n'est pas envisageable d'en étendre le périmètre ou la portée, sous peine de s'exposer à un risque de contentieux par les instances européennes.

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