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Sonia Krimi
Question N° 18090 au Ministère de l'europe


Question soumise le 26 mars 2019

Mme Sonia Krimi appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'obligation incombant à l'État français de procéder au rapatriement des enfants de djihadistes français retenus à l'étranger. La convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 prescrit aux États signataires l'obligation de garantir à tout enfant relevant de sa juridiction une protection effective des droits énoncés, en particulier lorsque les atteintes aux droits des enfants proviennent de la situation de leurs parents (article 2). Par ailleurs, la jurisprudence récente du Conseil d'État (CE, 3 octobre 2018, M. L) reconnaît la responsabilité pour faute de l'État pour ne pas avoir organisé le rapatriement de ses ressortissants, notamment en raison de l'absence de scolarisation de leurs enfants dans des conditions de droit commun. Aussi, elle souhaite connaître l'interprétation de l'état du droit par le ministère sur l'existence d'une obligation pour la France de procéder au rapatriement de la centaine d'enfants de djihadistes français retenus en Syrie. Le cas échéant, elle l'interroge sur les modalités envisagées par l'État français pour assurer ce rapatriement, qu'il soit procédé à un rapatriement volontaire après avoir recueilli le consentement du responsable légal de l'enfant, ou à un rapatriement involontaire au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Réponse émise le 22 octobre 2019

La situation des mineurs français se trouvant dans les camps du nord-est de la Syrie est examinée en donnant la priorité aux enfants mineurs orphelins et isolés les plus vulnérables. Dix-sept mineurs français orphelins ou isolés ont ainsi pu être rapatriés au cours de deux opérations très complexes qui se sont déroulées en mars pour la première et en juin pour la deuxième. Lors de cette dernière opération, deux enfants néerlandais ont également été rapatriés, en relation avec les autorités néerlandaises, dans les mêmes conditions. Ces enfants ont été remis aux autorités judiciaires françaises. Ils font désormais l'objet d'un suivi médical particulier et d'une prise en charge par les services sociaux. Les efforts se poursuivent afin d'identifier d'autres situations similaires. D'autres opérations de rapatriement pourraient donc être décidées et organisées à condition que la situation politique et sécuritaire locale le permette, que les autorités du nord-est syrien donnent leur accord et que le travail complexe d'identification et de localisation des enfants puisse être mené à bien. En parallèle, conscient de la situation qui prévaut aujourd'hui dans les camps, la France contribue activement à participer à la réponse humanitaire. Depuis 2017,13,5 millions d'euros ont été consacrés au soutien de l'ensemble des sites de regroupement par l'intermédiaire des ONG internationales et des agences des Nations unies présentes dans la région. Plus récemment, devant l'urgence, 1,5 million d'euros supplémentaires ont été consacrés notamment à la santé primaire, à l'aide alimentaire et à l'approvisionnement en eau. Au plan du droit, la France est tenue de garantir les droits protégés par les Conventions internationales qu'elle a ratifiées aux personnes qui relèvent de sa juridiction, c'est-à-dire aux personnes qui se trouvent sur son territoire ou sur un territoire dont elle a le contrôle effectif, ou qui se trouvent sous le contrôle et l'autorité de ses agents. Or, les mineurs retenus dans le nord-est syrien se trouvent dans des camps placés sous le contrôle des autorités de cette zone, ils ne sont pas sous le contrôle effectif de la France. Par ailleurs, s'agissant de l'arrêt du Conseil d'Etat cité, aucun arrêt à ce nom n'a pu être retrouvé en date du 3 octobre 2018. Si, cependant, il est fait allusion à l'arrêt M. A. n° 410611 du Conseil d'Etat du 3 octobre 2018, ce dernier n'a en aucun cas reconnu la responsabilité pour faute de l'Etat pour ne pas avoir organisé le rapatriement de ses ressortissants en raison de l'absence de scolarisation de leurs enfants dans des conditions de droit commun. A l'inverse, cet arrêt, comme un autre arrêt rendu le même jour (Conseil d'Etat, n° 40838, 3 octobre 2018),  a considéré que le fait de ne pas avoir organisé le rapatriement des supplétifs de l'armée française en Algérie était un acte de gouvernement. Le Conseil d'Etat conclut en effet que "les préjudices ainsi invoqués ne sont pas détachables de la conduite des relations entre la France et l'Algérie et ne sauraient par suite engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute" (§3). Si cet arrêt a reconnu la responsabilité de l'Etat pour faute, c'est uniquement au regard des conditions d'accueil qui ont été réservées sur le territoire français aux anciens supplétifs de l'armée française en Algérie et à leurs familles, et notamment "en raison de l'absence de scolarisation des enfants dans des conditions de droit commun" (§ 6 et 7). On ne saurait donc en déduire l'existence d'une obligation de rapatriement.

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